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Vin bio : le vrac à la recherche de débouchés

En grandissant dans un contexte de crise, le marché du vrac bio affronte l’implacable loi de l’offre et de la demande. Entre baisse des prix et coup de frein dans les rayons, la commercialisation doit se renouveler.

Au salon Millésime bio qui s'est tenu du 29 au 31 janvier 2024, le vrac bio d'Occitanie disposait d'un espace dédié.
Au salon Millésime bio qui s'est tenu du 29 au 31 janvier 2024, le vrac bio d'Occitanie disposait d'un espace dédié.
© C. Gerbod

Alimenté par l’extension rapide des vignes certifiées bio entre 2020 et 2022, le marché du vrac bio est entré en zone de turbulence. « Le marché a toujours été déséquilibré », pose Florian Ceschi, courtier chez Ciatti Europe. « Avant on avait peu d’offre par rapport à la demande. Aujourd’hui, on a davantage d’offre mais pas autant de demande », retrace-t-il lors d’une conférence sur les perspectives du vrac de vin bio organisée au salon Millésime bio, le 29 janvier. Jacques Frelin, producteur et négociant de vin bio à la tête de Jacques Frelin vignobles, évoque un « bouleversement » du marché.

Un volume de contractualisation en décalage avec l’offre

Concrètement, les vignes certifiées bio ont gagné 30 000 hectares entre 2020 et 2022 alors que la baisse du pouvoir d’achat a freiné la demande de vin. Le vin bio n’y a pas échappé en grandes surfaces (GMS), circuit majeur pour le vrac. Les ventes y ont reculé en un an, de 7 % en 2022 et de 8 % au premier semestre 2023. Elles ont aussi diminué dans les magasins spécialisés bio, autre débouché du vrac bio.

Les ventes de vins bio connaissent le plus fort recul en grande distribution et magasins spécialisés bio.

L’Occitanie, leader français de la production de vin bio, est en première ligne. Sudvinbio y évalue la production 2023 de vin bio entre 1,5 et 1,6 million d’hectolitres, soit autant qu’en 2022. Les caves coopératives occitanes, pour la plupart actrices récentes du marché du bio, représentent à elles seules un volume de 400 000 hectolitres de vin bio ; le vrac est pour elles un débouché essentiel. La contractualisation en vrac sur 2022-2023 est évaluée à un peu plus de 217 000 hectolitres sur l’Occitanie. Une équation pour le moins périlleuse.

Du côté des metteurs en marché de vin bio, l’essor de l’offre vrac était attendu. Pour Jacques Frelin, « l’offre est importante mais pas pléthorique. Ça permet d’avoir des quantités disponibles pour aller vers de nouveaux marchés, comme les marchés scandinaves ». C’est aussi de l’avis de Florian Ceschi. « S’il faut voir un signal positif, c’est qu’avant nous n’avions pas d’offre et nous ne pouvions pas répondre aux marchés », se analyse-t-il.

La baisse des prix entre menaces et opportunités

Le vrac bio reste plus valorisé que le conventionnel mais les prix baissent (voir encadré). « Ça devient juste avec la hausse des coûts de production », glisse Nicolas Richarme, président de Sudvinbio. Pour l’Occitanie, il évoque des prix du vrac en baisse de 10 % en 2023 par rapport à 2022, faisant suite à un recul de 10 à 15 % entre 2021 et 2022. Soutenue par le fort pourcentage de vente directe, les cavistes, la restauration et l’export, la vente en bouteille est moins touchée.

Mais l’évolution des prix ouvre des perspectives. « Les prix du vrac bio français étaient élevés et la qualité pas forcément au niveau, estime Florian Ceschi. On a aujourd’hui une forte capacité à proposer des positionnements prix attractifs, on a de la compétitivité. » Il constate que l’écart de prix entre le vrac bio et conventionnel s’est réduit. Il l’évalue désormais à 30 % en moyenne en France, soit plus proche des écarts de 20 à 30 % constatés en Italie ou en Espagne.

Ce nouveau rapport qualité/prix est relevé par Sebastian Beemelmans, directeur commercial chez Riegel Weinimport en Allemagne. Son entreprise importe du vin bio de multiples pays. Ces dernières années, il avait diminué les achats de vins bio français du fait de leurs prix. Leur baisse va lui permettre de « remettre les vins français en avant ».

Autre atout plus conjoncturel pointé par Florian Ceschi, les petites récoltes 2023 de l’Italie et de l’Espagne, ce qui surenchérit le prix des vins génériques.

La crainte d’une spirale de dévalorisation

Mais la baisse des prix intervient dans un contexte de récession et d’arbitrage des consommateurs. « Les chiffres sont mauvais partout », n’élude pas Florian Ceschi. Une partie importante de l’offre ne peut donc trouver preneur en tant que vin labellisé bio. Des acteurs précurseurs du vrac bio, comme la cave coopérative Héraclès, qui produit annuellement 100 000 hectolitres de vin bio, se voient contraints de vendre une part importante de leur production en conventionnel, alors qu’en 2021, elle trouvait entièrement preneur sous label.

Malgré le coût financier induit, les metteurs en marché historiques plaident pour résister à la tentation de bradage de vins labellisés. « On compte sur la bonne intelligence des acteurs du marché. Il ne faut pas casser ce que l’on a construit », espère Nicolas Richarme.

« On n’a pas la volonté d’aller prendre des marchés au prix du conventionnel avec des vins labellisés bio », rassure Florian Ceschi. Tout en n’écartant pas l’hypothèse que certains opérateurs le tentent. « Ça pousse un peu plus que ça pouvait pousser l’année dernière », admet-il.

Mettre le turbo sur la commercialisation

L’appel d’air ne peut donc venir qu’en gagnant de nouveaux marchés. Le vin bio se vend à 40 % à l’export mais bien des opérateurs du vrac ne s’y étaient pas encore aventurés faute de volume. Les voilà qui prennent le chemin du World Bulk Wine Exhibition d’Amsterdam. Le salon Millésime bio, qui se présente comme le mondial du vin bio, a cette année dédié un espace aux offres de vrac bio d’Occitanie avec affichage des offres et dégustation d’échantillons.

Sébastien Narjoud, consultant à l’ICV, constate que le bio s’exporte mieux que les vins conventionnels mais que le label seul ne suffit plus. Certains pays demandent des certifications complémentaires. Il alerte sur la concurrence de démarches environnementales pouvant convaincre des importateurs persuadés que le consommateur final ne mettra pas 30 % de plus dans une bouteille. Il cite par exemple le label SQNPI en Italie. Il rappelle qu’en Asie, le bio n’est pas recherché. Pour surmonter ces écueils, il invite à raconter une histoire comme on le ferait pour vendre en bouteille, une story telling que le metteur en marché pourra récupérer. Il incite également à mettre en valeur d’autres démarches comme le sans sulfites ou la RSE. Il souligne d’ailleurs qu’en matière de valeurs sociétales, les coopératives ont beaucoup à dire. Et puisque les volumes sont là, autant penser à rassurer les acteurs de l’aval sur sa capacité à fournir le vin sur plusieurs années.

Jacques Frelin voit le sans sulfites, la biodynamie et le vin nature se développer. Il cite également les vins à 10 ou 10,5 degrés. Florian Ceschi invite également à mettre en avant le côté innovant de la filière avec le sans soufre, les vins « glouglou » ou les rosés foncés.

Pour Sebastian Beemelmans, il faut des produits pour les consommateurs qui n’y connaissent pas grand-chose, donc éviter les appellations compliquées ou inconnues. Il donne en exemple le pinot grigio que tout le monde boit sans se poser de questions. Ainsi ses entrées de gamme de vins bio français s’appellent La Fête ou la Musique.

Le vrac conditionné sur le lieu de vente est aussi une tendance permettant de satisfaire des objectifs de RSE, de bilan carbone ou de baisser les prix. Pour les vins bio c’est une carte assez naturelle à jouer.

Nicolas Richarme constate une diversification des acheteurs de vrac, source potentielle de nouvelles opportunités. « Des domaines en bio n’ont pas assez de volume et développent du négoce, il y a des petits négoces 100 % bio, des grosses maisons de négoce qui ont créé des gammes bio ou qui ont même tout basculé en bio comme Jaboulet », illustre-t-il. « Il faudrait un peu plus de gros opérateurs », concède-t-il. Le marché du vrac bio doit donc s’habituer à gérer des plus petits lots. Et à stocker plus longuement car les processus de vente s’allongent.

Il reste aussi un large réservoir de consommateurs français à conquérir ou fidéliser. Une étude réalisée par Circana pour Sudvinbio en septembre 2023 pointe que 92 % des acheteurs de vin bio ne sont pas exclusifs et achètent en moyenne 42 % de vin bio et 58 % de vins non bio.

L’écart de prix entre vins bio et conventionnels a tendance à se contracter

L'écart de prix entre vins bio et conventionnels a tendance à se contracter

repères

Le vin bio en France c’est :

110 320 hectares de surfaces certifiées en 2022, + 61 % en quatre ans

2,5 millions d’hectolitres mis en marché en 2022

6 % de la consommation française en volume

39 % des vins exportés

5 % des exportations françaises de vin

Source : Agence bio

 

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