L'ozone est une solution alternative pour la désinfection du chai
L’ozone sous toutes ses formes se développe dans les caves. Couramment employée par les vinificateurs californiens, la pratique a fait ses preuves pour la désinfection du matériel vinaire. Le point avec quatre experts.
L’ozone sous toutes ses formes se développe dans les caves. Couramment employée par les vinificateurs californiens, la pratique a fait ses preuves pour la désinfection du matériel vinaire. Le point avec quatre experts.
Prôné pour son fort pouvoir antioxydant, l’ozone a fait son apparition dans les chais il y a quelques années. Il est utilisé comme un produit biocide pour la désinfection du matériel vinaire en inox, en béton ou en bois. Le composé est obtenu par passage de molécules d’oxygène entre deux semi-conducteurs. Très instable, l’ozone se retransforme spontanément en oxygène, pour « une élimination naturelle et facile », souligne Pascal Poupault, de l’IFV. En conséquence, plus de risque de produit mal rincé, ce qui garantit la sécurité finale du consommateur. Quant aux opérateurs, ils ne sont plus en contact avec certaines solutions chimiques classiques. En revanche, malgré l’instabilité de l’ozone, il existe toujours un risque de surexposition (voir encadré). C’est d’ailleurs ce qui a poussé Alain Mimaud, directeur d’Ozone-service, à intégrer des capteurs sur ses générateurs. « Les machines s’arrêtent automatiquement, dès lors que l’on dépasse 0,1 ppm (NDLR : partie par million) dans l’air », explique-t-il. Mais avant de s’équiper, encore faut-il anticiper l’utilisation que l’on recherche. À l’état gazeux, l’ozone se montre très efficace pour désinfecter les fûts et assainir les chais. L’eau ozonée s’utilise quant à elle pour la désinfection des récipients vinaires en inox ou en béton. Lumière sur deux modes d’action distincts.
« Le pouvoir désinfectant de l’eau ozonée en fait un très bon substitut à l’acide péracétique », assure Alain Mimaud. D’après lui, le résultat s’apparente d’ailleurs à une quasi-stérilisation. « Cela provoque non pas l’inhibition, mais bien la lyse des micro-organismes en présence », précise le professionnel. Il convient néanmoins de faire attention aux résidus organiques, auxquels l’ozone est très sensible. « Un mauvais nettoyage en amont peut réduire quasiment à néant l’efficacité du process », met en garde Pascal Poupault. De son côté Giovanni Gai, ingénieur pour la firme éponyme, a testé l’emploi d’eau ozonée pour la désinfection des lignes d’embouteillage. Et les essais semblent l’avoir convaincu. « Nous avons fait circuler de l’eau ozonée à quatre grammes par heure à l’intérieur de la chaîne d’embouteillage, pendant dix minutes. Ce qui nous a donné un résultat légèrement au-dessus de l’acide péracétique », confie-t-il. Et pour cause. La technique a permis d’éliminer 99,99 % de la charge contaminante. Et ce, pour un process beaucoup plus rapide à mettre en œuvre. Il ne faut en effet que quinze à vingt minutes pour désinfecter la ligne. En comparaison, le traitement à la vapeur nécessite plus d’une heure, entre la montée en température et le refroidissement de l’ensemble de la chaîne. L’opération est également plus simple puisqu’il suffit de relier le générateur à une arrivée d’eau. « Ensuite il n’y a plus besoin de rien, hormis d’oxygène et d’électricité », poursuit l’ingénieur. En fonctionnement, la puissance électrique de la machine est de 125 watts, selon Ozone-service. Malgré l’absence de consommable, l’investissement de base reste onéreux puisqu’il faut compter dans les 15 000 euros. Ce coût pourrait être à l’origine d’un développement encore timide dans les chais, d’après Alain Mimaud. De même qu’une certaine « peur de l’innovation ». En attendant, Gai propose d’ores et déjà des circuits d’embouteillage spécialement conçus pour être traités à l’ozone. « Nous choisissons simplement des matériaux plastiques différents pour les joints, car certains ne sont pas compatibles avec l’ozone », précise-t-il. Ces machines sont donc vendues au même prix que leurs homologues traditionnelles. Il est également possible d’adapter les joints sur une machine en usage, pour un peu moins de cent euros.
Contrairement aux matériaux en béton ou en inox, l’ozone gazeux est plus adapté lorsqu’il s’agit de désinfecter les contenants en bois. « Nous avons d’abord testé l’eau ozonée mais la solution était trop réactive vis-à-vis de la matière organique du bois », indique Nicolas Richard, en charge des essais menés par Inter Rhône. De fait, le contact avec les fibres de la barrique entraîne une trop forte déperdition d’efficacité. Pour la suite des essais, le chercheur s’est donc orienté vers une forme gazeuse. « Les résultats obtenus sont vraiment très bons. La désinfection est aussi efficace qu’avec un méchage à cinq grammes par hectolitre », observe-t-il. À terme, Nicolas Richard estime d’ailleurs que l’ozone pourrait se montrer plus efficace que le soufre pour lutter contre les Bretts. « Ce n’est encore qu’une intuition, nuance-t-il, mais au bout d’un certain temps, les micro-organismes développement une forme de résistance par rapport au soufre. Or c’est un phénomène que l’on ne retrouve pas du tout avec l’ozone. Ce qui pourrait potentiellement en faire un meilleur désinfectant. » Côté logistique, le process est tout aussi simple à mettre en œuvre qu’avec un générateur d’eau ozonée. « L’appareil est relié à une bonde percée de deux trous. L’un pour faire entrer le gaz et l’autre pour évacuer le flux d’air qui ne contient à ce moment-là quasiment plus d’ozone », détaille Alain Mimaud. Et là encore, aucun besoin de consommable, mis à part l’électricité. Cela demande cependant plus de matériel qu’un simple méchage. « L’opération nécessite aussi plus de temps étant donné qu’on ne peut pas désinfecter tous les fûts à la fois », regrette Nicolas Richard. Pour essayer de pallier ce problème, Ozone-service distribue des générateurs multisorties pouvant traiter plusieurs barriques en simultané. « Dans l’absolu, tout est possible mais aujourd’hui nous travaillons surtout avec des appareils munis de deux bondes », constate Alain Mimaud. Au niveau du coût, il faut prévoir entre 3 000 et 5 000 euros pour s’équiper d’un tel générateur, en fonction du nombre de sorties. Il est aussi possible d’opter pour un plus petit modèle afin de désodoriser les chais et ce, pour moins de 1 000 euros. « Ces machines peuvent être branchées la nuit afin d’éliminer des moisissures et des odeurs, telles que les anisoles, précise Pascal Poupault. Il faut simplement faire attention aux conditions d’utilisation pour garantir la sécurité des opérateurs. »
Des travaux sur l’oxygène négatif
En Bourgogne, le laboratoire Vect’œur travaille quant à lui sur l’oxygène négatif. « Il s’agit d’un ion négatif, moins stable que l’ozone, qui se combine très vite », indique Gilles Martin, directeur du laboratoire. La structure propose un appareil, le Vectoclean, capable d’ioniser l’oxygène présent dans l’air ambiant. Cet air ionisé est doté d’un pouvoir biocide. Il peut donc être employé pour désodoriser les chais et les zones de stockage mais aussi pour éliminer les micro-organismes, tels que les Bretts, dans les récipients vinaires (en bois, en inox ou en béton). « La durée de traitement varie en fonction de l’utilisation que l’on souhaite. Pour désinfecter une barrique par exemple, il faut diffuser de l’oxygène négatif au sein du fût pendant 25 minutes », poursuit Gilles Martin. En pratique, le Vectoclean doit être relié à la cuve ou à la barrique à traiter par un tuyau en PVC. Pour la désodorisation des chais en revanche, l’oxygène négatif est diffusé et réparti à travers la pièce à l’aide d’un tube en PVC perforé.
Une valeur moyenne d’exposition fixée à 0,1 ppm
L’utilisation de l’ozone en désinfection rentre dans le cadre du règlement biocide. Cependant, les évaluations européennes n’étant pas encore abouties, il n’existe aucune valeur de référence à ce niveau-là. En revanche, l’Organisation mondiale de la santé propose une valeur guide quant à la teneur en ozone dans l’air ambiant de 100 µg/m3 en moyenne sur huit heures. La circulaire française du 19 juillet 1982, toujours en cours à l’heure actuelle, admet quant à elle une valeur moyenne d’exposition de 0,1 ppm (soit 200 µg/m3) et une valeur limite d’exposition sur 15 minutes de 0,2 ppm (soit 400 µg/m3). Néanmoins, ces seuils restent fixés par une circulaire, ils sont donc donnés à titre indicatif et non réglementaire.
S’équiper entre 500 et 17 000 euros
Générateur d’eau ozonée : 15 000 euros
Générateur d’ozone gazeux : de 500 euros (pour la désodorisation des chais) à 5 000 euros
Générateur mixte : 17 000 euros