Un nouvel outil pour caractériser la fraîcheur dans les vins
À Libourne, en Gironde, le salicylate de méthyle dosé par Œnoteam suscite l’intérêt de ceux qui s’intéressent aux composantes de la fraîcheur des vins. La molécule pourrait également être précieuse au vignoble pour son rôle d’indicateur de la pression parasitaire.
À Libourne, en Gironde, le salicylate de méthyle dosé par Œnoteam suscite l’intérêt de ceux qui s’intéressent aux composantes de la fraîcheur des vins. La molécule pourrait également être précieuse au vignoble pour son rôle d’indicateur de la pression parasitaire.
Malgré le réchauffement climatique, les molécules responsables des caractères végétaux suscitent toujours autant l’intérêt de la recherche. Dans sa thèse soutenue en 2016 à l’ISVV, Xavier Poitou a mis en évidence que la présence de certains composés comme le salicylate de méthyle tend à amplifier la perception végétale dans les vins. Un sujet dont s’est saisi le laboratoire Œnoteam, pour développer l’analyse de tout un pool de molécules « végétales ». « Elles font partie de l’identité de nos vins et couvrent un vaste spectre d’arômes, explique Marie-Laure Badet-Murat, œnologue associée chez Œnoteam. En fonction des teneurs, cela va du mentholé au camphré voire herbacé, des arômes associés à la sensation de fraîcheur ».
Un composé révélateur de la pression parasitaire
Le laboratoire porte une attention particulière au salicylate de méthyle, découvert par Xavier Poitou, qu’il propose de doser depuis les dernières vendanges. « Si les mécanismes ne sont pas encore identifiés, il a été mis en évidence que la présence de salicylate de méthyle dans les rafles est un indicateur de la pression parasitaire », indique Marie-Laure Badet-Murat. Il serait synthétisé en réponse à une attaque de pathogènes, dont l’esca et le mildiou. Les délais de mise au point de la technique de dosage n’ont toutefois pas permis à Œnoteam de doser le composé dans les vignes avant les vendanges 2018. Dommage, car l’année se prêtait bien au suivi. Un certain nombre de questions agronomiques reste donc encore en suspens jusqu’au prochain millésime. L’influence aromatique du composé a quant à lui suscité de l’intérêt, dont celui de Damien Bielle, directeur technique au château La Gaffelière, à Saint-Émilion.
Davantage de rigueur lors de l’analyse sensorielle
« Depuis deux ans, nous vinifions certains terroirs en grappes entières et cherchons un outil complémentaire à la dégustation pour caractériser sensoriellement nos vins », explique le directeur technique. Le dosage du salicylate de méthyle lui a permis d’expliquer en partie l’origine de la fraîcheur aromatique constatée dans les vins issus d’une parcelle de merlot sur sol sableux. « Il y a un relargage du salicylate de méthyle au cours de la vinification, qui confirme que la molécule est bien localisée dans les rafles », poursuit Damien Bielle. Le directeur technique, qui s’entoure d’un « nez de la parfumerie » lors des assemblages, voit en cette analyse l’opportunité d’augmenter ses connaissances sur les composantes de la fraîcheur aromatique. « Il ne s’agit pas d’assembler les vins en fonction des teneurs en salicylate de méthyle, ce n’est pas de la cuisine, mais bien d’apporter plus de rigueur à notre analyse sensorielle », affirme-t-il. Au château Le Gaffelière, le salicylate de méthyle sera à nouveau dosé l’année prochaine afin d’évaluer l’influence du millésime. « Nous espérons développer l’analyse à plus grande échelle, notamment sur les vins blancs de macération », pointe Marie-Laure Badet-Murat. Le dosage du salicylate de méthyle sur vin est proposé à 60 € par le laboratoire Œnoteam.
Avis d’expert
Sabine Garda, directrice du laboratoire œnologique départemental de Gaillac
" Tout nouvel indicateur sur les caractères végétaux est bon à prendre"
Pendant plusieurs années, j’ai suivi des parcelles de braucol avec lesquelles nous obtenions de belles maturités. Suite à un changement de propriétaires et de pratiques, ces parcelles ont subi des attaques de mildiou plus fréquentes, et j’ai noté le développement de caractères végétaux dans les vins, même les années à faible pression. Il serait intéressant de mettre cela en relation avec le dosage du salicylate de méthyle. Dans la région, nous avons beaucoup travaillé avec l’IFV Sud-Ouest sur l’IBMP, une molécule caractéristique du braucol impliquée dans les notes de poivron vert. Donc tout nouvel indicateur sur les caractères végétaux est bon à prendre. Il serait intéressant de confronter nos échantillons à ces nouvelles méthodes d’analyses, sous réserve d’un rapport facilité d’analyse/coût qui soit bon.