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« Nous sommes à la fois salariés du domaine et propriétaires de vignes qu'il cultive »

Pour agrandir son vignoble, le Mas Janeil a constitué un GFA dans lequel les salariés ont pu prendre des parts. Une opportunité qui a renforcé leur motivation.

Julien et Cédric, sont à la fois salariés et propriétaires de vignes cultivées par le Mas Janeil, suite à leur participation dans le GFA. © C.Gerbod
Julien et Cédric, sont à la fois salariés et propriétaires de vignes cultivées par le Mas Janeil, suite à leur participation dans le GFA.
© C.Gerbod

Implanté dans le Roussillon, dans la vallée de l’Agly, entre Tautavel et Maury, le Mas Janeil est l’une des propriétés des Domaines François Lurton. En mai 2018, lorsque le Mas Janeil a eu l’opportunité de racheter des vignes pour s’agrandir, il a constitué un groupement foncier agricole (GFA) et proposé à tous les salariés du groupe de prendre des parts, sans minimum de participation. L’idée étant que le GFA se concentre sur les vignes, les hectares de garrigues, le bâti et les oliviers ont été séparés et repris par la SCI Mas Janeil. Le GFA est devenu propriétaire de 6,5 hectares de vignes.

L’achat des vignes ayant été financé par un prêt bancaire, les participants du GFA n’ont rien eu à débourser en dehors de frais de notaire. C’est le fermage versé par l’exploitant, le Mas Janeil, qui rembourse le prêt.

Une motivation de plus pour ceux qui y travaillent au quotidien

Le GFA a pris le nom de Sarrat del Mas, le nom d’une des parcelles de vignes rachetées. Les trois salariés du groupe travaillant directement sur le domaine se sont lancés dans l’aventure : Julien Fernandez, le directeur, Cédric Balard, l’œnologue, Arnaud Verat, le chef de culture ainsi qu’Henri Gandia, le chef de culture d’un autre domaine du groupe situé à Pézenas dans l’Hérault mais qui collabore également au Mas Janeil. S’y sont ajoutés deux dirigeants du groupe, Xavier-Luc Linglin, directeur général et l’initiateur de ce GFA, Harald Constant, œnologue et gérant du domaine Les Fumées Blanches et François Lurton lui-même, qui y est entré avec une part symbolique de 1 %.

Julien, le directeur du domaine, n’a pas hésité à prendre 37 % des parts. « C’est une façon de matérialiser le temps que l’on passe dans les vignes. Il y a encore plus de motivation. Être propriétaire de vignes est valorisant, c’est une forme de reconnaissance », raconte cet enfant du pays, qui n’est pas issu d’une famille viticole. Il y voit aussi l’occasion d’acquérir de nouvelles compétences : « c’est une expérience en plus sur le plan administratif. Ce n’est pas le plus palpitant mais ça oblige à s’y intéresser et à savoir gérer ce genre de démarches ». L’intérêt patrimonial lui est apparu évident, l’opération permettant de se créer un patrimoine avec peu d’apport tout en profitant du contexte sécurisant du groupe et de ses avantages.

Pour Cédric, l’œnologue, « ça coulait de source de mettre des parts ». Il a saisi cette possibilité parce que « c’est un moyen de m’impliquer encore plus dans mon métier et de pérenniser mon travail au sein de l’entreprise. C’est une motivation supplémentaire à venir travailler le matin ». Lui qui vinifie les raisins du Mas Janeil est bien sûr convaincu que « les bons raisins c’est la base ! ». « Avoir des pieds de vigne, c’est plus que du concret ! », conclut-il.

Une aventure collective avec des risques limités

Cette opportunité de devenir propriétaire de vignes n’a pourtant pas rencontré un écho aussi large que l’avait imaginé Xavier-Luc Linglin. Ce sont avant tout les salariés impliqués au quotidien dans le Mas Janeil qui se sont montrés intéressés, alors que la proposition était ouverte à l’ensemble des salariés du groupe François Lurton. L’idée, assez novatrice, a été mal comprise au départ. « C’est une démarche patrimoniale. C’est un placement à long terme », insiste Xavier-Luc Linglin. Certains attendaient la promesse de revenus annuels. L’existence d’un prêt n’a pas été toute de suite révélée car le financement était encore en attente ce qui rendait le coût de chaque part un peu flou lors de la présentation du projet. « Il y a eu un peu de flottement au niveau de la mise en place », reconnaît Xavier-Luc Linglin. Les salariés du Gers ou du Bordelais se sont aussi sans doute sentis un peu loin du Roussillon.

Pour les quatre salariés qui ont joué le jeu, c’est une façon de souder encore plus l’équipe qui « travaille bien ensemble » et une manière différente de participer à la vie de l’entreprise. La concertation et le dialogue seront aussi à préserver pour prendre les décisions, par exemple sur les cépages à planter. « Être des deux côtés de la barrière facilite les bonnes décisions avec une vision à long terme », considère Julien Fernandez. Il se félicite, pour la parcelle de vermentino récemment plantée, que le GFA ait opté pour un système de palissage cher, mais qui fera gagner du temps dans le futur. Le GFA profite par ailleurs pleinement du matériel et de l’organisation des domaines Lurton.

Julien comme Cédric sont bien placés pour juger de la qualité de leur investissement. Julien est fier de la « super parcelle de macabeu » récoltée en surmaturité, précieuse pour le profil du vin auquel elle contribue. Il juge les grenaches très qualitatifs. Il s’enthousiasme de la bonne progression des jeunes plants de vermentino et de mourvèdre. Les raisins du GFA Sarrat del Mas rentrent notamment dans deux cuvées phares du Mas Janeil, le Sans soufre rouge vendu autour de 15/17 euros et le Petit Pas, l’entrée de gamme du domaine à 10/12 euros.

Les associés au sein du GFA n’ont pas encore fait d’assemblée officielle mais ils savent qu’en tant que bailleurs, ils récupéreront des vignes en bon état ! Ils vont même s’engager à nouveau pour acheter 1,8 hectare supplémentaire, à la hauteur de leurs parts actuelles.

Avis d’expert : Xavier-Luc Linglin, directeur général des Domaines Lurton

« L’activité commerciale du groupe valorise les vignes.

« C’est un type de montage que j’ai toujours cherché à faire dans les différents domaines pour lesquels j’ai travaillé. Je n’avais jamais eu d’écho car les propriétaires souhaitaient tout garder. François Lurton a tout de suite adhéré à l’idée. Il a vu le côté positif sur la motivation de l’équipe. À peu de frais, les salariés deviennent propriétaires d’un bien qui prend de la valeur. L’activité commerciale du groupe valorise les vignes. Nos ventes progressent fortement depuis cinq ans. Nous exportons à 95 %. On a bordé les choses. Le montage est sécurisé pour conserver l’esprit initial, celui de mieux impliquer les salariés. Si un salarié souhaite revendre ses parts, il est prévu qu’il doive le faire à un autre salarié. Les salariés doivent rester majoritaires. Si personne ne veut racheter les parts d’un salarié qui s’en va, François Lurton les rachètera. Nous allons reproduire ce montage de GFA dans le Gers pour un achat de 12 hectares de vignes. »

repères

Le Mas Janeil

Situation Tautavel (Roussillon)

Appellations AOP côtes-du-roussillon, AOP côtes-du-roussillon-villages, IGP pays d’Oc

Cépages grenache rouge, gris et blanc, syrah, mourvèdre, carignan, macabeu, vermentino, viognier…

Surface 34 ha + 6,5 ha du GFA

Ventes France 5 %, export 95 %

Mode de culture 2e année de conversion bio

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