Optimiser ses engrais verts
De plus en plus de vignerons implantent des engrais verts dans leurs interrangs. Une fois les premières bases acquises, voici les conseils des experts pour passer au cap supérieur.
De plus en plus de vignerons implantent des engrais verts dans leurs interrangs. Une fois les premières bases acquises, voici les conseils des experts pour passer au cap supérieur.
C’est d’abord sur la culture des pruniers que Samuel Cuisset, propriétaire du château les Miaudoux à Saussignac en Dordogne, introduit les engrais verts en 2012. Pour cet exploitant, ils s’intègrent parfaitement dans la démarche d’agriculture biologique au sein de laquelle il est engagé depuis 2003 et constituent un point fondamental pour le passage en biodynamie. « Lors des premières formations que j’ai suivies pour la conversion en biodynamie, il m’est apparu évident qu’il fallait planter quelque chose pour faire pousser quelque chose », explique Samuel Cuisset. Si les bénéfices d’un couvert végétal sur la lutte contre l’érosion et la compaction des sols étaient prévisibles, les répercussions sur la qualité des vins blancs n’en finissent pas de surprendre le vigneron. Grâce aux engrais verts, les moûts blancs, souvent carencés par le passé, sont devenus excédentaires en azote assimilable dès la première année d’utilisation. Conséquences : des fermentations alcooliques qui se déroulent sans ralentissements ni interruptions et une aromatique décuplée. « On a un sauvignon blanc sec d’entrée de gamme médaillé d’or depuis deux ans, chose qui n’était jamais arrivée avant », expose-t-il fièrement. Concernant les vins rouges, l’impact ne semble pas si évident, même si le vigneron obtient désormais des vins « plus légers, plus désaltérants, ce qui correspond à la demande de nos clients ». Sur le plan agronomique, Samuel Cuisset met en avant la stabilité des rendements « qui ne varient plus autant d’une année à l’autre » et s’établissent autour de 55 hl/ha. Il témoigne de plus d’une vigueur accrue dans les parcelles ayant déjà un bon potentiel de développement du feuillage. Autre bénéfice : les engrais verts permettent de recréer un écosystème dans les parcelles. « Très tôt au printemps, les coccinelles attirées par les pucerons repeuplent nos parcelles », constate le viticulteur.
Trois ans pour trouver la bonne combinaison
Il aura fallu trois ans de tâtonnement à Samuel Cuisset, épaulé par son technicien expert en agriculture biologique, pour trouver la bonne combinaison entre les différentes espèces à implanter. À cause du passage régulier d’engins viticoles dans les parcelles, il préfère favoriser des plantes annuelles. Pour une dose totale de 300 kg/ha, le viticulteur sème dans tous les rangs trois variétés de légumineuses : féverole, pois et vesce, ainsi que deux céréales : triticale et avoine. À raison de 90 kg/ha chacune, la féverole et les deux céréales constituent l’assemblage majoritaire, alors que les légumineuses restantes ne représentent que 10 % du semis total. Il ajoute à l’ensemble un peu de moutarde, en quantités anecdotiques.
Semences paysannes et semoir autoconstruit
Pour s’approvisionner, Samuel Cuisset fait appel au réseau AgroBio Périgord qui permet aux viticulteurs d’effectuer des commandes groupées auprès d’agriculteurs adhérents au réseau, et donc certifiés bio. L’achat direct au producteur permet de maintenir le coût des engrais verts à un niveau raisonnable. Samuel Cuisset s’en sort pour environ 160 €/ha/an. Il sème ces engrais verts autour du 15 octobre, à l’aide d’un semoir à dents à quatre descentes autoconstruit grâce aux tutoriels des experts de l’Atelier Paysan. Ce type de semoir présente l’avantage de permettre une meilleure répartition des semences. Peu après l’épiaison, les plantes sont coupées à l’aide d’un broyeur à marteaux, puis enfouies avec des disques. Ces deux étapes sont à raisonner en fonction des conditions météorologiques du millésime : en cas de sécheresse mieux vaut broyer rapidement avant que les engrais n’entrent en compétition avec la vigne. En revanche, en cas de printemps pluvieux comme ce fut le cas cette année, les engrais verts permettent de maintenir les sols en place. Prochaine étape pour le viticulteur : garnir son vignoble de refuges pour les oiseaux, « pour diversifier la faune sauvage et continuer la lutte contre les ravageurs », conclut-il, déterminé.
Les répercussions sur la qualité des vins blancs n’en finissent pas de surprendre le vigneron
repères
Château les Miaudoux
Superficie 25 ha de vigne + 8 ha de pruniers
Rendements 55 hl/ha
AOC bergerac sec, côtes de bergerac, saussignac
Densité 5 000 pieds/ha
Type de sol argilo-calcaire
Chiffre d’affaires 450 000 €