« L’IA ouvre des perspectives pour la météo et la modélisation des maladies »
Pour Samuel Morin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques, le développement de l’intelligence artificielle pourrait aider à améliorer la prévision météo et à créer des indicateurs pour les parasites plus approfondis.
Pour Samuel Morin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques, le développement de l’intelligence artificielle pourrait aider à améliorer la prévision météo et à créer des indicateurs pour les parasites plus approfondis.

En quoi le développement de l’IA pourrait-il aider les météorologues ?
L’IA est exploitée en météorologie à travers deux axes principaux. Tout d’abord, elle peut nous aider à améliorer la façon dont on se sert des résultats des modèles de prévision actuels. Le modèle Arome par exemple, à lui seul, produit des centaines de prévisions chaque jour. Traiter cette très grande masse d’informations constitue un défi pour les prévisionnistes. Nous entraînons des IA à le faire et à mettre en exergue des signaux intéressants pour eux.
Par ailleurs, il y a depuis trois ans un changement révolutionnaire dans le domaine de la prévision météo. Les équipes de recherche font apprendre à des IA l’évolution de l’atmosphère d’une échéance à l’autre, en analysant un corpus de données atmosphériques et de prévisions passées. Ceci permet de produire des prévisions météo par IA. On voit d’ailleurs les premiers aboutissements. Outre les annonces des grandes entreprises internationales telles que Google, le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT/ECMWF) a déclaré opérationnel son modèle Artificial Intelligence/Integrated Forecasting System (AIFS) fin février.
Les modèles de prévision basés sur l’IA seront-ils plus efficaces que les actuels ?
Le match est en cours, nous ne pouvons pas encore l’affirmer. Pour l’instant les IA sont très bonnes pour les prévisions à grande échelle, mais il y a des choses qu’elles ne savent pas faire. Il y a par exemple beaucoup de variables physiques qu’elles n’arrivent pas à déduire automatiquement. L’IA est performante pour prévoir les mouvements des anticyclones et dépressions de grande échelle, ainsi que les déplacements des phénomènes intenses assez massifs, comme les cyclones. Mais beaucoup moins sur les conséquences de ces phénomènes, comme la pluie ou les rafales de vent. Il y a des perspectives de descente d’échelle pour affiner ces prévisions, mais ce qui est limitant ce sont les données pour entraîner les IA. Nous y travaillons, et tout cela évolue très vite. L’IA est un challenger.
Il y aura dans les prochaines années une cohabitation des deux systèmes, les approches actuelles « à bases physiques » et approches par IA. Peut-être que cette mixité sera pérenne, ou bien que l’une d’elles finira par prendre le dessus pour la production des prévisions. Ce qui est sûr, c’est que nous nous appuierons sur ce qu’il y a de meilleur pour la qualité de la prévision météo.
Quelles sont alors les perspectives concrètes en termes d’amélioration de la prévision météo ?
Ces dernières décennies les prévisions se sont régulièrement améliorées, de l’ordre d’une journée de prévision tous les dix ans. Mais les améliorations par méthodes classiques progressent moins vite que par le passé. L’IA donne un nouvel élan. Il est difficile encore d’anticiper où cela nous mènera en termes d’horizon de prévision. Est-ce que l’on va réussir à prévoir la météo à plus longue échéance ? C’est une vraie question. En tout cas le potentiel est énorme. Je suis convaincu que l’IA va nous apporter, à terme, des progrès pour les prévisions météo, mais ça représente beaucoup de travail pour concrétiser ce potentiel.
La perspective de descente d’échelle par IA est également pertinente pour anticiper l’évolution du climat à échelle fine. Cela constitue un autre axe de travail important de nos équipes, en vue de développer des informations utiles à l’échelle locale pour l’adaptation au changement climatique.
Comment pensez-vous que cela puisse contribuer à aider la viticulture ?
Améliorer la prévision météo permet d’affiner les modélisations de développement des maladies ou des ravageurs, qui en dépendent en partie. Mais l’IA pourrait être utilisée bien au-delà. En synthétisant et combinant des données d’occurrence de maladies et autres perturbations, elle pourrait aider à créer des indicateurs plus approfondis pour les parasites. On peut imaginer l’entraîner à faire la relation entre les toutes les conditions qui ont favorisé la maladie et fonder de nouveaux modèles prédictifs, différents des modèles mécanistes que l’on utilise aujourd’hui. Les outils d’aide à la décision basés sur IA pourraient imbriquer un plus grand nombre de paramètres et d’informations, de façon beaucoup plus fine. Le principal frein reste de disposer des données suffisantes. Cela nécessite une capacité d’observation des phénomènes que l’on veut pouvoir modéliser, et d’en faire une base de données la plus propre possible. Cela demande des moyens techniques et de mobiliser des équipes pluridisciplinaires. Est-ce que les filières vont avoir l’envie et la capacité de s’en saisir, et jusqu’à quel point ? L’avenir le dira.
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