« Nous élaborons des vins orange artisanaux dans des jarres enterrées » Paul Esteve et Chrystelle Vareille, vignerons au Domaine des Miquettes
Inspirés par la méthode géorgienne, deux vignerons rhodaniens ont construit un marani avec des tinajas et des qvevris enterrés. Un mode de vinification naturelle qui leur donne toute satisfaction.
Inspirés par la méthode géorgienne, deux vignerons rhodaniens ont construit un marani avec des tinajas et des qvevris enterrés. Un mode de vinification naturelle qui leur donne toute satisfaction.
C’est sur un coup de cœur que Paul Esteve et Chrystelle Vareille, vignerons au Domaine des Miquettes, à Cheminas, en Ardèche, ont décidé de vinifier des vins orange dans des amphores enterrées. « Ce devait être en 2010, se remémore Paul Esteve. Nous avons regardé un reportage sur Arte sur la Géorgie. Et nous avons eu un déclic. » De suite, ils décident de se rendre dans le pays, à la découverte des vins locaux.
« Tout le monde fait du vin là-bas, rapporte-t-il. Chaque maison possède son qvevri enterré. Nous avons donc goûté beaucoup de productions artisanales mais il y avait la barrière de la langue. » Puis lors du salon des vins de Loire, le couple rencontre des vignerons géorgiens. « Nous sommes allés les voir, et avons compris beaucoup plus de choses, ces viticulteurs parlant anglais », poursuit-il. Avec sa compagne, ils apprécient le goût de ces vins, le non-interventionnisme qui correspond bien à leur état d’esprit de vin nature, et l’énergie qui s’en dégage. « Cela collait avec la pureté des vins que nous voulions créer », résume Paul Esteve.
Attention à bien tasser la terre sous la jarre
Peu de temps après, les vignerons se lancent et effectuent leurs premiers vins de macération en cuves inox. Une expérience qui les conforte dans leur choix et les incite à se mettre en quête de jarres. Ils les trouvent dans la Mancha, en Espagne, et plus particulièrement à Villarrobledo. « Il faut veiller à bien s’approvisionner, prévient le vigneron, on voit un peu de tout. » Paul Esteve et Chrystelle Vareille y achètent trois tinajas de 150 litres. « Il y a plusieurs différences avec les qvevris, note Paul Esteve. Elles ne sont pas cirées et sont cuites à plus haute température. » En 2013, ils en acquièrent neuf autres et décident d’enterrer les douze dans un nouveau chai, à l’instar de ce qui se pratique en Géorgie. Pour cela, ils décaissent les bases de ce qui sera le « marani », le chai à qvevris, sur 1,60 m de profondeur.
« Nous avons disposé les tinajas et remis de la terre tout autour, afin de bien les enterrer », décrit Paul Esteve. Les vignerons ont ensuite fait édifier le bâtiment, isolé en bottes de paille, tout autour et coulé une chappe de béton au sol. Paul Esteve précise qu’il est indispensable de bien tasser la terre sous les amphores pour éviter toute casse. Il l’avait insuffisamment fait sous une tinaja. Or le col est enserré dans le béton. Lors du remplissage, le poids a tassé la terre et l’amphore, à l’exception de son col, s’est affaissée. Cela a provoqué une fêlure qui rend la jarre inutilisable. Ce qui est d’autant plus embêtant qu’il ne voit pas trop comment la changer.
Une régulation thermique naturelle du vin
Travailler avec des amphores enterrées revêt beaucoup d’avantages. Tout d’abord, la température est naturellement régulée. En hiver, le vin descend jusqu’à 11 °C, et il monte au maximum à 16 °C au cœur de l’été. « De ce fait, c’est un système économique, indique Paul Esteve. Par ailleurs, lorsqu’on travaille dans le chai, il n’y a pas de bruit, pas de technologie. » Mais il y a aussi des inconvénients. Les vignerons ont par exemple mis plusieurs années à établir un protocole de nettoyage. Ils ont testé divers produits, tels que la soude et le Cosa. Mais aucun ne donnait entièrement satisfaction. À présent, une fois que les tinajas sont vidées, ils les emplissent de suite d’eau. « Il ne faut surtout pas garder les amphores vides ne serait-ce que deux ou trois jours », argue-t-il.
Patience, ingéniosité et huile de coude
Côté vinification, il a renoncé à réaliser des macérations carboniques, le décuvage étant trop fastidieux. Les raisins, vendangés manuellement, sont donc égrappés et éraflés, puis entonnés. La fermentation alcoolique s’enclenche et les vignerons pigent deux fois par jour jusqu’à la fin. À l’issue, ils écoulent et décuvent à l’aide d’un sceau et d’une corde.
Le Domaine des Miquettes dispose également d’une seconde pièce dans son chai avec quatre qvevris enterrés dans de la pouzzolane. Mais au final, Paul Esteve affectionne moins ce contenant. « Lorsque j’ai des problèmes, c’est toujours avec les qvevris, jamais avec les tinajas, constate-t-il. La cire à l’intérieur étanchéifie peut-être trop. Au final, les vins sont plus ronds, plus mous, plus plats. » La roche volcanique n’est pas non plus une bonne idée. Elle absorbe tout ce qui lui tombe dessus, provoquant déviations et moisissures. Paul Esteve compte donc l’enlever dès cet été. Hormis cela, il ne souhaite rien modifier à son itinéraire technique au chai. Ce qui tombe à pic vu que les tinajas et qvevris ont une durée de vie illimitée…
repères
Domaine des Miquettes
Surface 2,2 ha
Dénomination AOP saint-joseph, sans IG ; vin nature
Encépagement syrah, marsanne, roussanne, viognier, pinot gris, chenin, gewurztraminer, chasselas, quelques pieds de gamay et de rayon d’or
Production annuelle environ 12 000 cols
Circuits de commercialisation cavistes et export (une quinzaine de pays)