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« Nous avons diminué notre IFT de 70 % », Julien Chadutaud, responsable vignoble aux domaines Jean Martell

Adéquation entre le pH des différents produits d’une bouillie, apports de phosphonates et de biostimulants ont permis aux domaines Jean Martell, en Charente, de diminuer les doses de phytos avec une efficacité similaire.

Les vignes des domaines Jean Martell, à Rouillac, en Charente, sont protégées avec des produits de contact, des biocontrôles et des biostimulants.
Les vignes des domaines Jean Martell, à Rouillac, en Charente, sont protégées avec des produits de contact, des biocontrôles et des biostimulants.
© C. de Nadaillac

Les domaines Jean Martell, à Rouillac, en Charente, planchent depuis 2015 sur des programmes alternatifs de protection phytosanitaire. « La réflexion est partie du fait que nous voulions stopper les CMR et les perturbateurs endocriniens, pour les salariés, les riverains et l’environnement, plante Julien Chadutaud, responsable vignoble aux domaines Jean Martell. Le tout, sans perdre d’efficacité. »

Les équipes ont débuté avec une parcelle pilote de 4 hectares, puis ont progressivement déployé cet itinéraire de protection sur les 450 hectares. Il est basé sur trois piliers : des fongicides de contact (cuivre et soufre), des biocontrôles et des biostimulants. Ces derniers, même s’ils n’ont pas tous une efficacité en tant que telle contre les maladies de la vigne, font partie du programme à part entière.

Un matériel de traitement ad hoc et contrôlé annuellement

Qui dit protection phyto dit forcément pulvérisateur. Les domaines Jean Martell ont été parmi les premiers dans le Cognaçais à tester les pulvérisateurs confinés. « En 2013, nous avons démarré des essais avec l’EcoProtect L3 de Grégoire, rapporte Julien Chadutaud. Nous les utilisons toujours sur une partie du vignoble. »

Mais la majeure partie est traitée avec le Drift Recovery de Friuli. « Ce sont les panneaux récupérateurs les plus performants au niveau de l’application sur le végétal et de la récupération », résume le responsable vignoble. Il estime qu’il récupère environ 30 % de la bouillie sur une saison. De même, il assure que bien réglé, cet appareil couvre tant les faces supérieures que les faces inférieures des feuilles, ce qui est indispensable avec son programme de traitement. « Nous l’utilisons durant toute la saison depuis 2020, se félicite-t-il. Et cela nous a aidés à obtenir une protection optimale. »

Il insiste aussi sur l’importance des contrôles réguliers. « Tous les ans, nous vérifions les débits, l’état des buses, etc. », indique-t-il. Et ce, même lors d’un achat de matériel neuf. « Parfois, les vitesses d’avancement ne sont pas bonnes sur le DPAE, illustre-t-il. D’autre fois, les vitesses d’air varient. C’est vraiment primordial de faire vérifier tous les matériels tous les ans. »

Biocontrôle : 5 à 7 applications de phosphonates par an

Parallèlement à ce travail effectué sur le matériel, les équipes ont planché sur les biocontrôles et expérimenté toutes sortes de molécules. « Nous avons testé des molécules qui nous semblaient intéressantes, à l’instar de l’Armicarb (fongicide biocontrôle à base de bicarbonate de potassium) ou du Vitisan (fongicide biocontrôle à base d’hydrogénocarbonate de potassium) », se remémore Julien Chadutaud. Sur les dernières années, il trouve que les produits qui ont le moins bien fonctionné sont ceux à base de levures ou de parois cellulaires de levures. « De même, le COS-OGA (stimulateur des défenses des plantes à base de chitosan et de pectine) n’a pas eu d’efficacité notable, que ce soit en éliciteur ou en accumulation », note-t-il.

À l’inverse, les phosphonates ont donné de très bons résultats. Tant et si bien qu’ils ont été intégrés aux programmes de protection. Les domaines Jean Martell réalisent les deux premiers traitements de la saison avec du cuivre et du soufre à doses réduites. Puis lors des deux suivants, ils y ajoutent des disodiums phosphonates. Et les trois suivants sont réalisés avec de faibles doses de cuivre et de soufre ainsi qu’avec des phosphonates de potassium. « L’ugni blanc est un cépage très vigoureux, très sensible au mildiou, rappelle le responsable vignoble. Nous avons testé des programmes sans phosphonates et c’est très compliqué. » Il a également constaté un impact des molécules sur le black-rot, effet que l’IFV serait en train de confirmer.

Veiller à un bon équilibre minéral avec les biostimulants

Un autre volet important de la protection phyto des domaines Jean Martell repose sur l’usage de biostimulants. « Nous avons commencé par regarder ce que nous avions dans le sol et réitérons cette analyse tous les cinq ans, présente Julien Chadutaud. Nous suivons aussi les flux de sève. » L’objectif est de connaître les niveaux d’azote, phosphore, potassium et d’oligo-éléments du sol et ceux demandés par la plante. Des ratios sont également calculés, l’assimilation de certains éléments étant corrélée à celle d’autres. Ainsi, l’équipe regarde le rapport entre le taux de potassium et de magnésium ou encore entre celui du fer et du manganèse.

Selon les besoins, Julien Chadutaud apporte des algues brunes riches en fer, bore et manganèse, ou des PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes), notamment d’ortie et de prêle, qui permettent une nutrition et un effet mécanique de protection sur les feuilles, en renforçant la cuticule. Chaque élément est soigneusement apporté, tout surdosage pouvant être néfaste.

« À titre d’exemple, trop de zinc, efficace contre le black-rot, peut déséquilibrer l’assimilation de l’azote, explique Julien Chadutaud. Cela provoquera une pousse avec à-coups et donc une sensibilité aux maladies. » Chaque année étant différente, il n’a pas de recette miracle, mais plutôt des clés de décision.

Choisir les produits en fonction de leur pH

Enfin, en 2019-2020, les domaines Jean Martell ont commencé à travailler sur les pH. « Nous avions constaté une différence d’efficacité pour un même produit, mais mélangé avec autre chose », rapporte le responsable vignoble. Un constat qui a débouché sur un gros travail de fond, de classification de chaque produit en fonction de son pH. Pour le cuivre, le Champ Flo a par exemple un pH de l’ordre de 8, quand une bouillie bordelaise sera autour de 7 ou de 7,5. Même topo pour le soufre. Le Microthiol se situe aux alentours de 10 alors que le Sulpec est à 7-7,5. L'équipe essaie donc d’associer des produits ayant un pH proche. « Un soufre basique, de type Microthiol, pourra être mis avec le Vitisan (pH de 9-10) et renforcera son efficacité, cite-t-il. À l’inverse, avec un soufre acide, cela diminuera son efficacité. »

Les équipes essaient également d’adapter le pH des bouillies avec celui des feuilles de la vigne, qui sont autour de 4-5. « Plus on se rapproche de ce pH, plus l’affinité est forte et meilleure sera l’absorption », souligne Julien Chadutaud.

Grâce à toutes ces mesures, et à l’arrêt des herbicides, en sept ans, les domaines ont pu diminuer de 70 % leur IFT, bien qu’étant en zone de traitement obligatoire contre la flavescence dorée. Avec, à la clé, un rendement stable. « Nous maîtrisons ce programme depuis deux trois ans, se réjouit le responsable vignoble. Nous avons quelques contaminations mais pas de gros carton. Nous accompagnons maintenant les viticulteurs de notre réseau qui le souhaitent pour qu’ils se l’approprient. » Parallèlement à cela, les équipes restent en veille, souhaitant toujours diminuer les doses de cuivre et de phosphonates. Elles s’intéressent notamment au redox, aux buses ou à de nouveaux produits pas encore homologués.

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