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Un partenariat durable avec un négociant éleveur de vin

Vigneron à Saint-Marcel d’Ardèche, Cyril Bouchon destine la presque totalité de sa production à un négociant-éleveur depuis une quinzaine d’années. Un choix qui lui a permis de pérenniser son exploitation.

Cyril Bouchon et Jean-François Ranvier collaborent depuis quinze ans.  © C. Gerbod
Cyril Bouchon, vigneron à Saint-Marcel d'Ardèche et Jean-François Ranvier, cofondateur de l'entreprise de négoce Dauvergne-Ranvier collaborent depuis quinze ans.
© C. Gerbod

C’est en 2004 que Cyril Bouchon a initié un partenariat avec l’entreprise de négoce Dauvergne & Ranvier. À la tête d’une exploitation familiale de 37 hectares située en Ardèche, il a fait ce choix à un moment où la crise sévissait dans le vignoble, et a perpétué la relation par la suite. En moyenne, sur les dix dernières années, il leur a vendu les trois quarts de sa production, dont 100 % de son vin en côtes-du-rhône-villages. Il n’y a aucun contrat sur papier : la relation de confiance qui se construit depuis une quinzaine d’années cimente le lien.

Une démarche orientée sur le produit final

L’approche de l’entreprise de négoce est de conseiller l’exploitation pour arriver au produit final qu’elle recherche. Elle implique un suivi transversal de l’exploitation de la vigne à la cave, qui a convaincu Cyril Bouchon. Tout en bénéficiant des conseils, il reste maître à bord de son exploitation en étant assuré de trouver un débouché.

La qualité des terroirs et des vignes, ainsi que l’encépagement important en syrah ont été des critères majeurs pour Dauvergne & Ranvier. L’entreprise s’est aussi assurée du bon équipement de base de la cave ainsi que de la place pour stocker les vins, afin de pouvoir les retirer en plusieurs fois. « L’intérêt est à double sens, j’ai besoin de vins d’une certaine qualité et d’un certain profil pour assurer la régularité de mes assemblages », souligne Jean-François Ranvier, cofondateur de l’entreprise et responsable de la production.

Un partenariat technique de la vigne à la cave

Pour Cyril Bouchon, de nouvelles habitudes de travail se sont installées. « On s’est mis à regarder les maturités. Avant, la seule indication des degrés servait de coup d’envoi pour les vendanges ». Les visites qui interviennent en moyenne tous les deux mois, deviennent hebdomadaires au moment des vendanges avec des tournées de parcelles. L’affectation des cuves issues des différentes parcelles est connue dès les vendanges. Tous les choix sont ensuite validés par la dégustation. Les raisins de Cyril Bouchon servent à faire deux vins d’assemblage vendus sous la marque Dauvergne & Ranvier et un vin domaine.

Le conseil intervient aussi en cave, avec une attention particulière sur le déroulement complet des fermentations. « On partage les décisions. C’est un souci de moins. À deux, on échange et ça y fait. Ce suivi est sécurisant », résume Cyril Bouchon, qui estime qu’à la sortie de l’école, son bagage technique n’était pas assez poussé en vinification.

Une relation construite sur le long terme

Pour le vigneron, l’intérêt est aussi financier. Les paiements sont fixes, déconnectés des flux de vins. Chaque mois, 10 % du volume total préacheté est payé. La TVA est payée à la retiraison. Un premier engagement prévisionnel se dessine avant les vendanges puis se précise par la suite. La fixation des prix fait l’objet d’une discussion en décembre/janvier. « Certaines années on discute plus que d’autres », avoue Jean-François Ranvier. Considérations de court terme et de long terme se superposent. « Si j’achète la totalité de sa récolte, je sais que c’est son chiffre d’affaires total de l’année qui se joue. De mon côté, j’ai la concurrence des marchés et j’évalue le prix auquel je peux vendre les bouteilles, détaille le négociant. Il faut accepter de faire des compromis. Il est difficile de répercuter des hausses trop fortes sur les produits vendus." Selon lui, la collaboration a pour effet d’écrêter les hausses et de lisser les baisses. Pour Cyril Bouchon, la sécurisation des revenus prime. Elle lui a permis d’investir dans son outil de production pour améliorer la qualité.

Un bénéfice global pour l’exploitation

« Quand on fait joli, ça marche », constate le vigneron. « Aujourd’hui, la qualité paye du bon côté de la moyenne. Nous vendons mieux qu’il y a dix ans. Depuis trois ou quatre ans, on constate une valorisation. Les vins que nous ne vendons pas à Dauvergne & Ranvier en profitent aussi. Si les ventes rebaissent, celui qui fait bon s’en sortira toujours mieux », analyse Cyril Bouchon. Il a été rejoint sur le domaine par son frère et sa femme.

La collaboration avec le négociant influence les décisions sur l’encépagement. Le domaine a privilégié la syrah et le marselan qui permet « d’apporter de la couleur aux grenaches ». Pour gagner en précision et efficacité, il s’est équipé de drapeaux pour refroidir ses cuves, ainsi que d’un fouloir et d’un égrappoir. « Ce sont des investissements  que l’on aurait faits mais la collaboration avec Dauvergne & Ranvier a accéléré les décisions », estime Cyril Bouchon. L’ajout de SO2 en cours de vinification a été réduit. Les pratiques évoluent en fonction des styles de vins que recherche le marché. Ainsi, Jean-François Ranvier avait d’abord préconisé des délestages fréquents. Désormais, ils sont moins fréquents, dans une recherche de vins moins concentrés.

Des décisions autonomes mais guidées par un intérêt commun

Une nouvelle phase s’amorce. Cyril Bouchon et son frère ont pris la décision d’entamer la conversion du domaine en bio. « J’ai peur que demain le conventionnel ne se vende plus », avoue-t-il. « Je serai plus serein », dit-il également en évoquant la pression de groupes de riverains autour de chez lui. La perspective de transmission à son fils d’ici quelques années a aussi joué.

C’est une démarche qu’il juge logique compte tenu des pratiques mises en place depuis quatre ans dans ses vignes. Les interrangs ne sont plus désherbés. L’exploitation n’utilise pas de produits systémiques. Avec son frère, ils se sont équipés en conséquence : nouveau pulvérisateur, tracteur plus confortable, bineuse, disque émotteur… « Là où le terrain penche, on fera du broyage sous les souches », prévoit Cyril Bouchon. Il a calculé qu’en une journée, à deux, ils pouvaient traiter entièrement leurs vignes. Autant d’investissements permis par la valorisation des vins.

Cyril Bouchon espère maintenir ses rendements et progresser encore en valorisation. Cette évolution vers le bio ravit Dauvergne & Ranvier. Les vins labellisés bio représentent déjà 40 % de ses ventes et l’entreprise manque de vins pour répondre à la demande. Jean-François Ranvier espère augmenter ses achats.

Jean-François Ranvier, cofondateur de Dauvergne & Ranvier

" Il faut partager un état d’esprit "

Chargé de la production au sein de l'entreprise, Jean-François Ranvier se rend régulièrement sur le domaine, à la fois dans les vignes et en cave. © C. Gerbod

« Avec François Dauvergne, nous avons débuté notre activité en 2004. Nous travaillons principalement avec la grande distribution, à la fois sous notre propre marque, avec des vins de domaines et des MDD. Nous cherchons à nous développer en CHR et à l’export qui représente 25 % des ventes. Nous produisons 2 millions de cols par an.

En vallée du Rhône, nous travaillons avec une quarantaine de domaines répartis dans les quatre zones du vignoble afin d’assurer une régularité de goût et de qualité. Le Gaec de Cyril Bouchon fait partie de nos partenaires historiques. Notre implication technique est très variable, selon les domaines. Chez Cyril Bouchon, elle est assez importante mais désormais des contacts téléphoniques suffisent pour certaines questions. Notre forte présence sur le terrain est un choix stratégique pour maximiser le résultat. Chaque semaine, une tournée est organisée selon les zones géographiques. Mais on ne surinvestit pas les domaines sauf pour la préparation des vendanges. Il faut parfois quelques années de calage. Notre approche est globale. Notre but n’est pas d’écrémer la production, et de ne prendre que le meilleur dans un domaine mais de participer à une amélioration générale qui créée de la valeur. Nous mettons notre trésorerie dans les stocks et dans le financement des vins. Au-delà du potentiel des vignes et du terroir, de l’outillage de la cave et de la capacité de stockage, pour que la relation fonctionne, il faut partager un état d’esprit."

repères

GAEC Bouchon

Surface 37 ha.

Appellations côtes-du-rhône, côtes-du-rhône-villages.

Cépages 50 % grenache, 35 % syrah, 10 % marsellan, 5 % carignan et cinsault.

Structure familiale, 3e génération.

Mode de culture raisonné, début de conversion en bio.

Début de la collaboration 2004.

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