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Déstockeurs de vin, mode d’emploi

Face à la crise actuelle, le déstockage s’impose parfois en tant que source de trésorerie et de place dans les chais. Ce marché reste tabou mais nous avons interrogé quelques acteurs sur leur fonctionnement.

Le déstockage ne connaît pas la crise. Du côté des producteurs, les besoins de déstockage s’accroissent ; du côté des consommateurs, la bonne affaire est un critère d’achat majeur (voir encadré). Les magasins commercialisant des stocks se multiplient, des petites surfaces de centre-ville aux grands hangars en périphérie.

Comment s’organise le marché du déstockage ?

« Il y a deux types d’acteurs, expose Olivier Dauvers, expert de la grande distribution. Ceux qui ont fait du déstockage leur cœur de métier comme Noz, qui a aujourd’hui 300 magasins, et ceux, beaucoup plus nombreux, qui allient du déstockage et des produits suivis. Ce sont des enseignes comme Action ou Centrakor. » Des rayons de déstockage se développent aussi dans certaines grandes surfaces.

Des « ramasseurs » achètent des stocks à des vignerons, caves coopératives, négoces, cavistes, aux enchères ou en liquidation. Une poignée d’entre eux a la capacité d’acquérir de très gros volumes. Distrilot par exemple, implanté en Seine-et-Marne, achète environ 2 millions de bouteilles par an. Transacap, situé à Saint-Drézéry dans l’Hérault, indique sur son site racheter « près d’un million de bouteilles » et dit reprendre également du vin en vrac ou en tiré-bouché. Stic Wines, basé à Tourcoing et actif depuis 1982, revendique « 4 millions de bouteilles négociées par an ». Certaines enseignes s’approvisionnent en direct. « Noz a une logique agressive. Ils démarchent des embouteilleurs pour qu’ils leur vendent des lots », mentionne Olivier Dauvers. Quel que soit le genre d’entreprise, la logique est identique : acquérir des stocks à prix bas, pour assurer de la marge, qui s’écouleront rapidement grâce à l’attractivité du prix.

Où sont revendues les bouteilles de vin ?

Certaines enseignes de déstockage sont spécialistes de l’alimentaire (par exemple Nous anti-gaspi). D’autres ne vendent que du vin (comme Vin Affaires). Mais dans la plupart des cas, le vin côtoie du non alimentaire en rayon. Les grossistes en déstockage fournissent non seulement des solderies mais aussi des restaurants, des petites épiceries de proximité ou encore des magasins franchisés. L’export est un axe de développement. C’est le cas pour Stic Wines par exemple. Distrilot gagne aussi des marchés « en Afrique, en Chine, dans les pays asiatiques », énonce l’un de ses dirigeants. Vinodiff, entreprise familiale basée à Tarascon, mise également sur l’export depuis un an. Selon l’acheteur des lots, la destinée des bouteilles sera donc variable.

Quelles sont les conditions d’achat ?

Le premier contact se fait par mail ou téléphone. La demande d’échantillon est presque toujours un préalable à une proposition de prix. C’est le cas par exemple chez Transacap. De même, « les vins sont goûtés et analysés par plusieurs personnes de notre société, prévient Distrilot. Le produit est vérifié à la réception. Nous travaillons avec des laboratoires. » Chaque déstockeur ayant ses réseaux et ses propres besoins, en contacter plusieurs est recommandé. De leur côté, toujours à l’affût de marchandise, les déstockeurs se constituent des fichiers qu’ils sollicitent régulièrement.

Comment se fixe le prix d’achat ?

Acheter à prix bas pour assurer une vente rapide génératrice de marge est la règle des opérateurs du déstockage. Les vendeurs sont rarement en position de force. « Le seul qui ne fait pas de marge est le premier vendeur de la bouteille, assène Oliviers Dauvers. Le déstockage est un soin palliatif commercial. »

Pour autant, l’offre peut se travailler. Valeur du produit sur son marché d’origine, évolution du vin, packaging ainsi que turn-over et demande du produit sont les critères de valorisation d’un lot énoncés par Transacap sur son site. Autant de points à bien argumenter lors d’une proposition. « Appellation, millésime, quantité, motif de déstockage », énonce pour sa part l’acheteur de Distrilot comme éléments de chiffrage.
L’enlèvement entre dans la négociation du prix. La localisation du déstockeur peut donc être un critère. Un volume conséquent abaisse les coûts unitaires de transport mais des plus petits lots peuvent intéresser selon l’appellation.

Toustocks, qui possède cinq magasins à Valence, Grenoble, Aubenas, Montélimar et Montpellier, se positionne sur des lots de 600 bouteilles maximum. Sa proposition tarifaire se base sur le prix de vente consommateur, le but de l’enseigne étant de vendre à moitié prix en rayon. Son taux de marge sera plus fort sur un vin qui s’écoule moins vite. L’acheteur vin de l’enseigne assure prendre en compte l’appellation et dit éviter « la dépréciation totale du produit. Des vins à 2 ou 3 euros, on en trouve chez les discounters ». Il dit pouvoir vendre des vins jusqu’à 25 euros en rayon.

Vinodiff explique aussi tenir compte de l’appellation ainsi que des relations de fidélité établies avec certains clients. Mais un rosé 2021 s’orientera forcément vers le discount avec des prix plus bas que s’il pouvait s’écouler en restauration, preneuse de millésimes récents en rosé. Vinodiff souligne qu’être bio ne garantira pas un prix supérieur, car beaucoup de vins en déstockage le sont.

Quelles sont les conditions de paiement ?

« Si c’est un bon produit de déstockage, je paye tout de suite », assure le dirigeant de Distrilot. Mais les modalités dépendent en fait du volume acheté, du type de produit, des liens établis avec le vendeur. Transacap annonce un « paiement sécurisé », à « 50 % comptant ». Chez Toustocks, certains vins sont achetés comptant, ou sinon avec des délais que l’enseigne assure inférieurs à ceux pratiqués dans la grande distribution.

Y a-t-il des types de vin plus recherchés ?

« Tout se vend », estime-t-on chez Distrilot, avec un bémol pour les vins étrangers. Chez Toustocks, on constate que le vin fidélise de la clientèle. L’enseigne veille à la diversité et à la régularité de l’offre en rayon. Pour les gros acteurs, c’est surtout l’appellation qui compte. « Un vin de France qu’on me propose à 6 euros HT parce qu’il est bio, issu d’un parcellaire, je n’achète jamais, illustre Distrilot. Ma clientèle est habituée à nos tarifs. Les acheteurs ne sont pas des connaisseurs. Ils veulent du prix avec un minimum de qualité. »

Distrilot a par exemple récemment acheté un vin de France d’Occitanie à 80 centimes la bouteille ou un côtes-du-rhône à un euro. Mais l’entreprise a aussi mis la main sur un lot de 15 000 bouteilles « entre 7 et 8 euros HT » de santenay 1er cru 2017, une rareté qu’elle n’a pas laissé passer. Pour ce qui est des couleurs, Distrilot observe que c’est le rouge qui se vend le mieux car la demande se maintient toute l’année.

Peut-on maîtriser l’exposition des vins ?

« On fait partie d’un milieu où on doit faire preuve de discrétion », veut rassurer le dirigeant de Distrilot. Transacap promet une « garantie de discrétion » dans ses conditions de rachat. Mais que recouvre cette promesse ? « Je ne communique pas sur les vins que je vends, je suis capable de vendre dans un de mes magasins seulement, par exemple à Grenoble et pas à Valence ou Montpellier, si le client le souhaite », s’engage par exemple l’acheteur du réseau Toustocks.

À cet égard, vendre en direct à un réseau de magasins identifiés ou à un grossiste qui va écouler les bouteilles dans une diversité de canaux n’implique pas les mêmes risques de voir ses vins dans un endroit indésirable. Les zones et les circuits de revente, l’absence de publicité sur les lots ou de vente sur Internet sont à clarifier au préalable, si l’on tient à ces conditions.

Les Français, chasseurs de petits prix

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Les concepts de magasins commercialisant des invendus se multiplient. © C. Gerbod
Selon une étude publiée par l’Institut Xerfi en mars 2024, les enseignes de bazar et de déstockage ont le vent en poupe même si l’essor de l’e-commerce les concurrence. L’étude dénombrait alors plus de 2 600 magasins en France, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. Elle prévoyait à l’époque une croissance de leur activité de « 6,5 % par an d’ici 2025 ». Tous ne vendent pas du vin mais la fréquentation de ce type d’enseigne est rentrée dans les habitudes des Français. « Les solderies sont l’un des gagnants de l’année », constate NielsenIQ dans son bilan 2024 de la grande distribution alimentaire en France. L’institut note une progression de 88 % des paniers réalisés dans les solderies (dont le leader est Action) entre 2000 et 2023. Il place « l’attractivité prix comme le critère de succès numéro 1 » pour analyser les comportements de consommation 2024.

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