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La simplification administrative vitivinicole avance à petits pas

De fortes attentes se cristallisent autour de la simplification administrative lancée, il y a un an, sous la pression des colères agricoles. La viticulture déroule sa propre feuille de route, avec des avancées à plus ou moins long terme. État des lieux.

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Gérant à elle seule 10 portails et services et 16 déclarations et démarches en ligne, les douanes (DGDDI) jouent un rôle majeur dans le processus de simplification administrative.
© C. Gerbod

L’attente de simplification n’est bien sûr pas récente dans le monde viticole mais les manifestations agricoles du début de l’année 2024 ont généré des engagements gouvernementaux. À côté du chantier général de l’agriculture, la filière viticole a recensé ses besoins spécifiques. Des souhaits de simplification ont été identifiés parmi les 86 déclarations potentielles et 54 portails dénombrés (voir graphique). Ceux engageant l’administration, notamment la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), font l’objet d’une lettre d’engagement signée le 26 février 2024 par la filière vin et le ministre délégué chargé des comptes publics d’alors, Thomas Cazenave. Elle énonce sept axes. Un huitième s’y est ajouté par la suite. Deux d’entre eux ne concernent que les spiritueux (voir encadré). D’autres efforts de simplification se déroulent en parallèle, au sein de FranceAgriMer et de l’Inao.

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Graphique : Les démarches vitivinicoles relèvent de 54 portails et 86 démarches en ligne © Source : Source : DGDDI - Bureau des contributions indirectes - FID3

Attendre la survenue d’un « choc de simplification » est idéaliste tant le défi est complexe mais il y a tout de même des avancées. « Malgré l’instabilité gouvernementale, on a trouvé une méthode de travail avec l’administration, qui elle, s’inscrit vraiment sur le long terme. On a des interlocuteurs en face et on peut vraiment faire remonter des points de terrain », positive Raphaël Fattier, directeur de la Cnaoc. Les acteurs concernés par la lettre d’engagement se sont réunis quatre fois tout en échangeant régulièrement.

« Tout est lancé mais il y a des choses d’un degré de complexité et d’urgence différent », prévient Julien Coudray, chef du bureau des contributions indirectes (FID3) à la DGDDI. Certains projets de simplification vont donc déboucher en 2025, d’autres pas avant 2026-2027.

Les règles du CVI vont s’harmonier entre les bassins

Le point le plus avancé est le huitième axe. Il prévoit l’harmonisation de l’interprétation des règles relatives à définition de la surface CVI selon les bassins viticoles. Le travail a reposé sur une analyse des procès-verbaux pour comprendre les dispositions posant des problèmes. « Il s’agit de définir tous les éléments nécessaires à la bonne exploitation de la surface : les tournières, les bandes latérales, les talus, les fossés… c’est un complément de la prise en compte des dispositifs d’agroforesterie dans le calcul de la superficie plantée au CVI qui a été définie par la circulaire du 28 juin 2024. Que l’on soit à Bordeaux ou en Bourgogne, le calcul sera le même », se réjouit Raphaël Fattier. 

Cette nouvelle clarification fait l’objet d’une circulaire que la DGDDI compte publier d’ici avril 2025. Les services de contrôle devront donc se familiariser avec ce document. La Cnaoc et Vin IGP évoquent la « régularisation des surfaces injustement retirées depuis 2016 ». Plus globalement, les douanes envisagent de « réviser le corpus doctrinal d’ici fin 2025 ».

La fin de l'application MVV pour les vendanges 2025

Les déclarations obligatoires concernant les produits non soumis à accise expédiés ou reçus par les entreprises viticoles vont se simplifier. L’applicatif Mouvements vitivinicoles (MVV), décrié par ses utilisateurs va disparaître. Lors des vendanges 2025, la saisie sera intégrée à l’application Gamma, qui décline pour la France le système de contrôle des mouvements des produits soumis à accise de l’Union européenne, EMCS (Excise Movement and Control System). L’échéance est annoncée pour le 16 juin 2025. Gamma concerne 15 000 utilisateurs vitivinicoles.

Autre simplification annoncée par les douanes pour septembre 2025, celle du portail Vendanges. « Le service en ligne sera unique pour tous les opérateurs quelle que soit leur catégorie et non pas distinct comme aujourd’hui », prévoit la DGDDI.

Le document alternatif à la CRD bientôt allégé

La suppression de l’obligation de capsule représentative de droits (CRD), instituée en 2019, est l’exemple même d’une simplification vécue finalement comme une complexification. Établir le titre de mouvement obligatoire en cas de suppression de CRD s’avère chronophage. La CRD ne sera pas supprimée mais il est prévu un document d’accompagnement simplifié. Un décret est en cours de validation par les opérateurs concernés. 

Il prévoit, « d’une part, les mentions obligatoires devant figurer dans le document d’accompagnement, et préserve, d’autre part, le principe des documents commerciaux tenant lieu de documents simplifiés d’accompagnement », précise la DGDDI. « On est presque au bout », espère Julien Coudray.

L’harmonisation du parcellaire n’est pas pour tout de suite

Le casse-tête de la pluralité des mesures parcellaires est bien connu. « La PAC a sa référence et nous, on a la PAC pour l’assurance récolte, résume un vigneron. Le CVI a sa référence qui n’est pas celle de FranceAgriMer, la MSA a la sienne qu’elle met des années à mettre à jour donc qui est toujours fausse ; le bio fonctionne sur la PAC et les impôts fonciers sur le cadastre. » Le souhait de simplification est entendu puisque « faire converger les calculs des superficies vitivinicoles pour les exploitants » constitue l’axe 2 de la lettre d’engagement. « Il y a une saisine de la Commission européenne par l’État français pour essayer d’harmoniser la surface CVI et la surface aidée, puisqu’il y a au moins deux définitions différentes », témoigne Raphaël Fattier. Ce sujet est examiné par l’Expert group for agricultural market dont une réunion était programmée le 5 février.

Débouchés lointains pour le « dites-le nous en une fois »

Éviter de devoir donner plusieurs fois les mêmes informations à des administrations différentes est une très forte attente. C’est le « Dites-le nous en une fois » promis par le gouvernement à l’ensemble des agriculteurs. Mais ça ne sera pas pour tout de suite même si c’est l’axe 1 de la lettre d’engagement. Il est travaillé de concert avec l’axe 4 qui promet d’arrêter « les contours d’un compte vitivinicole unique », autre rêve de la profession. « C’est l’un des axes les plus ambitieux », admet Julien Coudray.

La première étape est celle d’un recensement du nombre et de la nature des informations demandées. À ce jour une seule réunion a eu lieu sur ce sujet avec l’ensemble des administrations, confie-t-on aux douanes. L’idée d’un portail paraît simple mais elle suppose une interopérabilité des applications d’administrations qui ont chacune leurs propres systèmes, leurs budgets et priorités de développements informatiques. Jusque-là, le travail en commun de tous ces acteurs n’était guère pratiqué. La DGDDI estime progresser en interne avec la création du portail Prodouane. Elle évoque des « interconnexions » déjà assurées avec certaines applications de FranceAgriMer. Elle espère pouvoir aller plus loin mais rien n’est initié à ce stade. « Tout va être conditionné par la capacité à faire sur le plan informatique », projette Julien Coudray.

Une saisie de moins pour les stocks en projet

À la DGDDI, on admet aussi qu’il y a encore des chantiers à mener en interne sur le « Dites-le nous en une fois ». Les différentes missions vitivinicoles assumées par cette administration font l’objet d’applicatifs différents qui ne partagent pas forcément leurs informations. « Le CVI ne communique pas avec Gamma, l’outil de circulation des produits », illustre le chef de bureau. Dans le cadre de la modernisation de l’applicatif Ciel (Contributions indirectes en ligne), promise pour fin 2026, une simplification est prévue pour la saisie des données d’inventaire. Actuellement, elles sont effectuées à la fois dans Ciel pour la réglementation fiscale et le CVI pour la réglementation viticole. « La DRM d’août alimenterait la DS », esquisse Nadine Babonneau, adjointe au chef du bureau des contributions indirectes.

Deux procédures déjà simplifiées par FranceAgriMer

L’établissement public a mis en place des groupes dédiés à la « simplification des procédures ». À ce jour, deux modifications sont concrètement entrées en application le 26 avril 2024. Toutes deux concernent la mesure Restructuration et reconversion du vignoble. La première est la suppression de sanctions en cas d’écarts constatés lors de contrôles sur les surfaces ou de différence d’écartement entre les rangs pour une opération de restructuration.

7 000 contrôles supprimés sur les restructurations

La seconde est la suppression de la déclaration d’arrachage préalable qui conditionnait l’aide à la restructuration. « L’indemnité de perte de recettes sera acquise sur la base des surfaces plantées lors de la prochaine campagne », écrit FranceAgriMer. Il incombe toujours au viticulteur de vérifier l’exactitude des écartements et du cépage déclaré dans le CVI préalablement à l’arrachage. Selon l’établissement, la mesure supprime 7 000 contrôles de la part de ses agents. Comme quoi la simplification est aussi un enjeu interne aux organismes.

Début janvier 2025, l’établissement a annoncé des simplifications pour l’appel à projets 2025 sur la mesure Investissements des entreprises. Sont promises par exemple des clarifications sur l’éligibilité ou inéligibilité de certaines dépenses ou encore sur la notion de « début des travaux ». D’autres mesures sont en préparation mais la direction de FranceAgriMer n’a pas donné de détails.

Chantiers en cours à l’Inao

Associé comme d’autres établissements, au sentiment d’une complexité administrative anxiogène, l’Inao participe au défi de la simplification. « L’Inao accompagne les ODG qui souhaitent simplifier leur cahier des charges sans l’affaiblir », précise l’organisme… toujours soucieux de mettre des garde-fous. Des demandes sont déjà entre les mains de commissions d’enquêtes. La Cnaoc entend inciter ses adhérents à s’emparer du sujet pour amplifier le mouvement. « On va essayer de déterminer les points des cahiers des charges qui sont essentiels et ceux qui sont facultatifs pour rappeler aux adhérents qu’un toilettage est possible. L’idée est de proposer une méthode », avance Raphaël Fattier. Il évoque notamment l’élaboration d’un tableau classant toutes les demandes d’évolution du cahier des charges selon leur objectif.

Une évolution des procédures de contrôle

Le groupe de travail dédié est constitué au sein de la Cnaoc pour étudier les voies d’optimisation des relations avec l’Inao. « Un important travail de simplification des méthodes de contrôle a été réalisé ces derniers mois en lien avec les organismes de contrôle et les fédérations concernées », indique la direction de l’Inao. Elle précise que les textes encadrant les contrôles de tous les signes officiels de la qualité et de l’origine ont été revus et validés en décembre 2024 par le conseil des agréments et contrôles.

Simplifier pour accélérer les adaptations

La simplification vise aussi à encourager l’usage de procédures récemment mises en place par l’Inao mais encore peu actionnées par les vignerons, notamment du fait de leur complexité. Il s’agit de l’expérimentation de variétés d’intérêt à fin d’adaptation (Vifa) et du dispositif d’évaluation des innovations (DEI). Ces deux leviers visent à favoriser l’adaptation des vins d’origine aux changements climatiques et sociétaux. Aux dires de l’Inao, des simplifications ont déjà été intégrées. À voir si cela aura un effet.

54 portails et 86 démarches vitivinicoles en ligne

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Graphique : Les démarches vitivinicoles relèvent de 54 portails et 86 démarches en ligne © Source : Source : DGDDI - Bureau des contributions indirectes - FID3

Un peu plus de 40 % des portails et services ou déclarations et démarches relèvent des ODG et interprofessions.

Deux mesures attendues par les spiritueux

Dans la lettre d’engagement signée par la filière figurent deux axes spécifiques aux spiritueux.

Le premier est l’allègement de la réglementation sur l’épalement des cuves (jaugeage). Cette obligation fiscale a été supprimée en 2016 pour les vins, cidres et bières mais « maintenue pour les produits intermédiaires et les alcools », rappelle la lettre d’engagement. Faire évoluer cette règle implique un décret examiné en conseil d’État. « Un projet a été soumis à la profession le 20 janvier 2025 », indique la DGDDI.

Le second axe promet une modernisation du régime de gestion des alambics. « Un texte est rédigé mais il manque un vecteur législatif », rapporte la DGDDI. En d’autres termes, une occasion d’insérer le texte dans un projet de loi adapté. L’instabilité politique actuelle donne peu de visibilité sur ce point.

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