L’OCM vitivinicole va évoluer vers plus de régulation
Des évolutions importantes se profilent pour la filière vitivinicole suite à la conclusion d’un accord sur la nouvelle PAC qui entrera en application en 2023. Elles sont perçues de façon très positive par les représentants de la filière. Tour d’horizon en 6 axes principaux.
Des évolutions importantes se profilent pour la filière vitivinicole suite à la conclusion d’un accord sur la nouvelle PAC qui entrera en application en 2023. Elles sont perçues de façon très positive par les représentants de la filière. Tour d’horizon en 6 axes principaux.
La réforme du règlement de l’OCM vitivinicole négocié dans le cadre de la nouvelle PAC aborde de nombreux sujets. L’esprit général est de permettre au secteur de s’adapter aux attentes du marché tout en disposant d’outils de régulation.
Le système d’autorisation de plantations est prolongé jusqu’en 2045
La filière s’est mobilisée pour obtenir le prolongement du système d’autorisation de plantations de vigne actuellement en vigueur. Il est prolongé jusqu’en 2045. « C’est une mesure indispensable pour assurer la pérennité du vignoble européen. La Commission européenne finira par aimer cet outil de régulation car il permet d’accompagner le développement du vignoble en lien avec les attentes des marchés », s’est félicité Jérôme Bauer, président de la Cnaoc dans un communiqué. « Ce n’était pas gagné. Cette prolongation nous apporte de la sérénité », salue Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants. Il y voit une victoire face aux positions très libérales de certains membres de l’exécutif européen.
Le pourcentage annuel de croissance des nouvelles plantations est maintenu à 1 % de la surface du vignoble. Plus de souplesse est introduite avec la possibilité de régionaliser les critères de répartition des autorisations. La durée des plantations passe de 3 à 6 ans pour permettre une meilleure gestion des sols. Si des révisions sont prévues en 2028 et 2040, « ça ne remet pas en cause la prolongation jusqu’en 2045 », rassure Irène Tolleret, eurodéputée, coprésidente de l’intergroupe Vins, spiritueux et produits alimentaires de qualité du Parlement européen.
Parmi les critères de priorité figurent les plantations contribuant « à la conservation des ressources génétiques de la vigne » ou celles dont les plantations contribuent à accroître la compétitivité ou la présence sur les marchés d’entreprises viticoles. « La logique est de protéger ce qui doit l’être et de se développer », souligne Irène Tolleret.
Pour les droits de plantation portefeuille correspondant à l’ancien système, au 1er janvier 2023, une superficie correspondante à celle qui n’aura pas été convertie en autorisation restera à la disposition des États membres concernés qui auront jusqu’au 31 décembre 2025 pour la distribuer.
Les appellations pourront adopter des cépages non vitis vinifera
Des variétés issues de croisement entre vitis vinifera et d’autres vitis pourront être intégrées dans les cahiers des charges des AOP, ces créations variétales étant identifiées comme un moyen d’améliorer la résilience des vignes face au changement climatique et aux maladies. « Cela permettra, dans le cadre défini par l’Inao d’expérimenter et d’adapter », estime Jérôme Bauer, de la Cnaoc. « C’était une demande formulée depuis longtemps. C’est un des éléments de la panoplie pour répondre aux défis auxquels est confrontée la viticulture », considère Bernard Farges, président d’Efow (Fédération européenne des vins d’origine). Des garanties doivent être prévues pour éviter la perte de notoriété des AOP.
Les six cépages hybrides interdits (othello, noah, jacquez…) le restent mais les surfaces existantes peuvent être maintenues. « On ne leur permet pas de venir perturber le marché », note Jean-Marie Fabre.
Les vins désalcoolisés sont clairement définis
Le mot vin peut s’appliquer à des produits totalement ou en partie désalcoolisés. Lorsque le taux d’alcool est inférieur à 0,5 degré, le vin est défini comme désalcoolisé. Seuls les vins de table peuvent l’être. La désalcoolisation partielle concerne les vins dont le taux est abaissé pour atteindre entre 0,5 et 8,5 degrés d’alcool. Elle sera autorisée pour les IGP et les AOP.
C’est une évolution importante qui a fait débat entre ceux estimant que la filière doit garder la main sur ce type de produits demandés par le marché et ceux qui craignent une industrialisation du vin. C’est le cas des Vignerons indépendants. « On en prend acte. C’est un élément sur lequel on s’était opposé. On aurait pu nommer ce type de produit différemment. Pour nous c’est le risque de l’utilisation de la notoriété de certains vins à des fins industrielles », regrette Jean-Marie Fabre.
L’étiquetage du vin garde sa spécificité
La possibilité de dématérialiser la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle complète est actée, à condition qu’un lien clair et direct soit présent sur l’étiquette ou le contenant. Cet outil pourrait être un QR code renvoyant à un site sachant que ces informations doivent être bien distinctes de toute information de nature commerciale ou marketing. Sur l’étiquette, les infos nutritionnelles peuvent se limiter au niveau de valeur énergétique exprimé en utilisant le symbole E. Bernard Farges souligne que le risque d’une multitude de réglementations variables selon les pays de l’UE est désormais écarté. Chez les Vignerons indépendants, Jean-Marie Fabre est soulagé par cette dématérialisation possible. « On a convaincu le commissaire à la Santé et le rapporteur que pour nos TPE artisanales et familiales, gérer l’étiquetage sur des lots différents allait avoir des implications ingérables dans la gestion quotidienne des entreprises. Le on line sécurise le consommateur et le législateur, ça ne déroge en rien aux attentes d’information des consommateurs tout en évitant de devoir changer les étiquettes sans arrêt », se félicite-t-il.
Les modalités d’application doivent être précisées par des actes délégués rédigés par la Commission européenne, sur lesquels la filière sera très vigilante. Le nouvel étiquetage devrait entrer en vigueur à horizon 2025.
Les appellations seront mieux protégées
Les facteurs humains sont reconnus comme devant être pris en compte pour décrire la qualité et les caractéristiques d’un produit bénéficiant d’une AOP ou IGP (par exemple pratiques relatives au sol ou au paysage). « Une appellation ne peut être définie uniquement comme une liste de communes et de règles techniques », explicite Bernard Farges.
Autre évolution, les cahiers des charges des IGP et AOP pourront contenir une description de contributions au développement durable. Les appellations déjà lancées dans ce type de démarches vont donc pouvoir les officialiser.
La protection des appellations est renforcée. Elle est étendue aux notions d’affaiblissement et de dilution de la réputation. L’utilisation d’une appellation en tant qu’ingrédient d’un produit est aussi mieux cadrée. Le champ de protection s’étend au commerce en ligne et aux biens en transit dans l’Union douanière.
Certaines pratiques commerciales sont redéfinies
La possibilité pour des organisations de production de négocier le partage de la valeur ajoutée sur la base d’indicateurs est actée. « Cela évitera des décisions comme celles prises par l’Autorité de la concurrence française contre les vins d’Alsace et les côtes-du-rhône », précise Irène Tolleret. Pour Bernard Farges d’Efow, c’est une grande avancée. « Dans le cadre des interprofessions, pour les AOP et les IGP, on peut travailler sur des indicateurs et donner des orientations. On peut vraiment parler de valorisation et de constitution de ce qu’est un prix. C’était totalement inconcevable auparavant. »
Quant à la dérogation de délais de paiement supérieur à soixante jours dans le cadre de contrats pluriannuels de vente de raisins et moûts, elle peut aussi s’appliquer à la vente de vins en vrac.
Un accord unanimement salué
Du côté de la filière comme de celui des eurodéputés ayant participé aux négociations, la satisfaction domine sur le nouveau règlement de l’OCM vitivinicole. « Cette réforme est très positive. Tous les points importants ont été obtenus. Ce n’est pas le cas des autres secteurs », a souligné l’eurodéputée Irène Tolleret. « Enfin une réforme qui se conclut par davantage de régulations que de dérégulation », a tweeté Éric Andrieu, eurodéputé et négociateur, à l’issue des négociations, en juin dernier.
« Pour le moment, les AOC viticoles européennes sortent renforcées de cet accord politique. Nous avons une belle feuille de route pour notre développement », a commenté Jérôme Bauer, président de la Cnaoc. Comme Bernard Farges président d’Efow, Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants, souligne combien la cohésion de la filière et la mobilisation de certains eurodéputés ont été cruciales. « Nous étions à l’unanimité de la filière », se réjouit-il.