« Les variétés résistantes doivent être renommées »
Jean-Michel Boursiquot, ampélographe et professeur à Montpellier SupAgro, a souhaité rétablir quelques vérités sur les variétés résistantes et les dénominations employées. Interview.
Jean-Michel Boursiquot, ampélographe et professeur à Montpellier SupAgro, a souhaité rétablir quelques vérités sur les variétés résistantes et les dénominations employées. Interview.
Quelle est la différence entre un cépage et une variété ?
Le terme de cépage trouve son origine au XVIe siècle. Il a été utilisé pour la première fois par un poète (J.-A. de Baïf, 1573), et ce mot désignait au départ l’ensemble des plants de vigne cultivés sur une parcelle. À cette époque, il s’agissait exclusivement de Vitis vinifera. Ce terme "cépage" doit donc être réservé aux Vitis vinifera, et non aux croisements interspécifiques, qui eux, prennent le nom de « variétés résistantes ». On peut parler aussi de « variétés de porte-greffe ». Chez les Vitis vinifera, le cépage se confond parfois avec la variété. C’est le cas par exemple de la syrah, ou du cot, et où, pour le cépage en question, il n’y a qu’une variété. À l’inverse, chez le grenache (blanc, gris, noir, lledoner pelut) ou le pinot (noir, blanc, gris, meunier) on va rencontrer plusieurs variétés qui sont issues de mutations et non pas de croisements. Lorsque les variations touchent à des caractéristiques importantes, qui ont des conséquences technologiques, comme la couleur de la baie, on parle alors de variétés. Les plants résistants dont on parle à l’heure actuelle sont eux issus de croisement entre des Vitis vinifera et des espèces américaines ou asiatiques. Il s’agit donc de "variétés résistantes".
D’où provient cette confusion entre cépage et variété ?
Il y a eu une déviation en Allemagne dans les années 1990. Des instituts ont réalisé des croisements interspécifiques et ont obtenu de nouvelles variétés résistantes telles que le regent, qu’ils ont souhaité pouvoir planter en AOC. Or la législation européenne est très claire. Elle n’autorise pour l’instant que la plantation de Vitis vinifera en AOC. Plutôt que de faire évoluer la réglementation, les Allemands les ont fait classer, abusivement et à tort, en Vitis vinifera, alors qu’il aurait fallu les classer en variétés résistantes.
Êtes-vous favorable à une évolution de cette législation ?
Il est en effet souhaitable de faire évoluer la réglementation européenne sur ce point. Ce qui est important et ce qui doit prévaloir, c’est la qualité et la typicité des produits et la possibilité de réduire les intrants phytosanitaires. Je ne suis pas un spécialiste des rouages communautaires, mais certaines personnes en France envisagent de pousser dans ce sens. Je pense que tous les autres pays suivraient.
Quelle est votre opinion sur les noms de ces nouvelles variétés ?
Ces nouvelles variétés, dénommées cabernet volos, cabernet cortis, cabernet blanc, cabernet noir ou encore cabernet Jura, sont issues d’un croisement entre le cabernet sauvignon et un hybride interspécifique. Elles possèdent au maximum 50 % du génome du cabernet. Car pour obtenir un taux de 90 %, il faudrait recroiser plusieurs fois avec le cabernet sauvignon, et on aboutirait à des variétés chétives, peu productives, du fait de la consanguinité. Les variétés résistantes actuelles ne sont donc pas des cabernets. Elles ne donneront pas des vins de même goût et celui-ci pourra être très différent d’une variété à l’autre.
Les nommer ainsi risque de créer beaucoup de confusion. Cela va banaliser les termes de merlot, cabernet ou sauvignon. À l’heure actuelle, il y a déjà plus de 20 variétés de cabernet ! Quand il y en aura 80 ou 100, comment fera-t-on ? Comment les pépiniéristes et les viticulteurs s’y retrouveront-ils ? Quant au consommateur, il risque d’être perdu et de perdre confiance. Or l’accès au marché par les variétés traditionnelles a été un vecteur de succès économique très important. Une perte de confiance sur ces noms serait très dangereuse. Ces nouvelles variétés devraient donc utiliser des noms différents pour éviter toute confusion ou tromperie.
Une législation en mouvement
Le conseil spécialisé de FranceAgriMer a donné un avis positif sur un projet d’arrêté recadrant la procédure de classement des variétés. Une fois qu’il aura été ratifié par le ministère, après avis positif du CTPS, la taille limite des expérimentations sera portée à 20 hectares par bassin et par variété. Par ailleurs, une liste de 25 variétés a été proposée par les professionnels pour inscription accélérée au classement.
Au niveau des noms de ces variétés, l’Union européenne ne pose aucune limite. C’est pour le moment l’obtenteur qui a toute latitude. "Mais il y a une demande de la part de plusieurs pays de légiférer sur le sujet, explique Éric Rosaz, de l’Inao. La France pousse au niveau européen et à l’OIV. Nous sommes opposés à ce qu’un nom de variété reprenne tout ou partie de la dénomination d’une indication géographique, comme c’est le cas pour le cabernet Jura par exemple."
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