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Les variétés résistantes à l’épreuve du terrain

Encore peu répandues dans le vignoble, les variétés résistantes suscitent un grand nombre d’interrogations quant à leurs promesses et à la façon de les conduire. Voici les réponses à sept questions majeures.

Au domaine de Cazes, dans l'Aude, le comportement agronomique des variétés résistantes est étudié depuis 2009. De quoi tirer des enseignements.
© J.Gravé

Dans quel cadre puis-je planter des résistants ?

Une vingtaine de variétés résistantes sont classées définitivement (voir tableau). Il est possible de les planter partout en France sans limitation de surface lorsque l’on souhaite réaliser du Vin de France. Elles sont également autorisées en IGP sans restriction, à condition que cela soit inscrit dans le cahier des charges. On compte à l’heure actuelle une vingtaine d’IGP qui les autorise, parmi lesquelles une majorité des IGP du quart sud-est. On ne peut pas planter de variété résistante en AOP à ce jour, mais cela va changer avec la future OCM. Dès 2023 les ODG pourront en faire la demande à l’Inao qui, s’il est d’accord, autorisera de telles variétés à fin d’adaptation, c’est-à-dire dans la limite de 5 % de l’encépagement et de 10 % en assemblage dans les vins.

Quelle est l’efficacité de ces variétés ?

Pour le moment les résistances tiennent leurs promesses sur l’ensemble du réseau de surveillance Oscar (voir encadré), même les années de forte pression comme 2018, 2020 ou 2021. Sur les variétés ResDur (voltis, floréal, artaban et vidoc) et les Bouquet, on n’observe aucun symptôme d’oïdium. La résistance totale attendue (conférée par le gène Run1) porte ses fruits. En 2020, à véraison, l’oïdium n’a été repéré que dans 4 % des parcelles du réseau. Concernant le mildiou, les scientifiques constatent régulièrement une présence sur feuilles, mais sans réelle gravité. En 2020 toujours, un tiers des parcelles était exempt de mildiou et 7 % seulement montraient une présence généralisée. Sur grappe, le mildiou était absent dans 62 % des cas, et 7 % des parcelles ont eu des dégâts significatifs (entre 5 et 50 %). Olivier Yobrégat, expert en matériel végétal à l’IFV, constate que « les résistances des quatre ResDur, du sauvignac et du souvignier gris sont solides, pour le reste c’est un peu plus fluctuant ». Par ailleurs, des traces d’érinose et de phylloxéra sont parfois observées, comme pour les cépages traditionnels. De même, le black-rot est souvent visible. L’intensité d’attaque est globalement faible, mais peut devenir forte là où l’inoculum est important depuis plusieurs années. « Dans certaines régions, il faudra certainement mettre en place des règles de décision phyto pour le black-rot », estime Anne-Sophie Miclot, ingénieur Inrae responsable du réseau Oscar. « Avec le black rot, c’est de plus en plus compliqué, notamment depuis 3-4 ans. Cette année le muscaris et le souvignier gris se sont fait complètement prendre, et je vais devoir faire 4 à 5 traitements bio pour limiter les dégâts sur les autres. Même le vidoc qui est censé avoir une bonne résistance a des taches sur feuilles », témoigne Mickael Reynal, vigneron dans le Tarn.

Quelle est l’économie de traitement ?

En 2020, les applications phytosanitaires ont été comprises entre 0 et 7, et près de la moitié des parcelles n’a reçu aucun traitement fongicide. Certains viticulteurs obtiennent de bons résultats sans traiter. Les instituts techniques recommandent toutefois de réaliser un ou deux traitements par saison afin de contrôler la présence des ravageurs et réduire le risque de contournement. Car chaque cycle du champignon, même s'il n’affecte pas les cultures, est une occasion pour la souche de muter. « Sur l’ensemble du réseau, la réduction d’IFT a été de 95 % en 2019 et de 90 % en 2020 », témoigne Anne-Sophie Miclot.

Comment évolue le risque de contournement ?

La virulence des souches présentes au vignoble est regardée de près par les scientifiques de l’Inrae. Pour ce qui est de l’oïdium, il est difficile de suivre les souches dans le temps car celles-ci ne se conservent pas. Ce travail est effectué en revanche pour le mildiou. « Et nous constatons que certaines souches prélevées sur des variétés résistantes sont capables de contourner la résistance conférée par le gène Rpv3 », indique la responsable du réseau. Des études antérieures ont déjà montré qu’il y avait des baisses d’efficacité sur des variétés comme le regent, le prior ou le bronner, déployées depuis longtemps en Allemagne. « Run1, l’unique gène de résistance totale à l’oïdium que l’on utilise en France a également pu être contourné en Amérique », avertit Olivier Yobrégat. D’où la poursuite des travaux ResDur (Résistance durable) de l’Inrae pour pyramider les gènes et créer des variétés polygéniques, bien plus difficiles à contourner.

Quels sont les coûts et les disponibilités de plants ?

« Pour accélérer le déploiement des ResDur nous diffusons du matériel certifié et du matériel standard, informe Pascal Bloy, directeur du pôle matériel végétal de l’IFV. Il n’y a pas de pénurie de plant, il nous est même revenu un petit peu de matériel cette année. » Près de trois millions de plants ResDur ont été produits cette année. « Il est tout de même recommandé d’anticiper la commande un an avant plantation », précise David Amblevert, président de la fédération française des pépinières viticoles. Ce dernier constate un prix pratiqué de 2,10 euros HT le plant. Au domaine expérimental de Cazes, dans l’Hérault, on parle de tarifs allant de 1,40 à 1,90 euro HT en général, tous résistants confondus.

Quelles sont les aptitudes agronomiques ?

D’un point de vue agronomique, les variétés résistantes ne présentent pas de différences majeures par rapport aux Vitis vinifera classiques. Pour Olivier Yobrégat, l’élément principal après la résistance est la phénologie. « Les variétés d’origine allemande par exemple sont très précoces et ne correspondent pas aux climats du sud de la France, dit-il. Il faudrait vendanger le solaris fin juillet, c’est souvent trop mûr, il n’y a plus d’acidité… » Floréal et vidoc sont plus tardifs et vont bien dans le Sud. Toutes les variétés autorisées sont sur des gammes classiques de production. Les deux blancs ResDur ne sont pas de gros producteurs et pourraient être comparés au chardonnay, contrairement aux deux rouges, qui produisent un peu plus. De même que le souvignier gris. Ces variétés sont souvent qualifiées de vigoureuses.

Ces variétés sont-elles plus économiques à l’usage ?

Selon les partenaires du Contrat de solutions la réduction du nombre de traitements a un impact bénéfique sur le coût de production. Ils estiment les économies à 500 €/ha/an pour les produits, 170 €/ha/an pour la traction et la main-d’œuvre, et 140 €/ha/an d’amortissement du pulvérisateur.

voir plus clair

L’Observatoire national de déploiement des cépages résistants (Oscar) a été créé en 2017 sous l’impulsion de l’IFV et l’Inrae. Le réseau est composé des parcelles des différents instituts techniques de la vigne et du vin, mais aussi de viticulteurs volontaires ayant planté des résistants. Il suit 103 parcelles sur un total de 77 hectares, situées principalement en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie. En tout, 23 cépages résistants sont suivis, dont des obtentions d’Alain Bouquet. Une application mobile est en cours de développement avec la plateforme Landfiles pour faciliter les remontées d’information par les viticulteurs. « Nous aimerions recueillir davantage de données, même si elles sont moins complètes », explique Anne-Sophie Miclot, en charge du réseau Oscar. L’application permettra d’entrer ses observations et ses traitements directement depuis son smartphone, mais aussi d’échanger avec la communauté et de partager des photos. Elle sera disponible dès l’année prochaine.

Gilles de Bollardière, directeur technique des vignobles Ampelidae, dans la Vienne.

La gestion des résistants s’intègre très bien dans notre organisation

Les premiers résistants du domaine ont été plantés en 2014. Aujourd’hui on en compte 4,5 ha, notamment du souvignier gris et du muscaris. Leur gestion s’intègre très bien dans notre organisation. Nous gagnons du temps sur les traitements mais pour le reste c’est exactement pareil, sauf le muscaris qui a un port très retombant et que l’on doit relever trois fois. S’il y a quasiment autant de travail, il y a moins de stress, car il n’y a pas cette urgence que l’on connaît pour les traitements. Nous les vendangeons juste après les chardonnay et sauvignon, ils résistent bien à la surmaturité. Les feuilles restent beaucoup plus longtemps mais ce n’est pas un problème car nous les taillons tard. Ils sont conduits en cordon pour maîtriser les rendements, sinon nous serions probablement au-dessus des 100 hl/ha. D’un point de vue viticole, je trouve que c’est un avantage d’en avoir une partie sur son exploitation, surtout dans le cas de secteurs éloignés.

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