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Les paillages en viticulture, une fausse bonne idée ?

De plus en plus de vignerons expérimentent les mulchs ou paillages des rangs de vigne, comme alternatives au désherbage chimique. Mais cette solution est-elle aussi intéressante qu’il n’y paraît ? Est-elle facile à mettre en œuvre ? Tous les paillages se valent-ils ? Les réponses des experts et des vignerons.

Paillage avec des sarments broyés, du bois raméal fragmenté (BRF), des écorces, du miscanthus, ou encore de la paille… De plus en plus de vignerons se tournent vers ces alternatives au désherbage chimique, notamment sous le cavaillon. Mais ces mulchs sont-ils aussi intéressants qu’ils le semblent ?


Il semblerait que la réponse ne soit pas si tranchée que ça. Ainsi, dans le Vaucluse, Pauline Garin, de la chambre d’agriculture, a testé et comparé des mulchs de BRF (à base de chènevotte et écorce de châtaignier) et de granulés de paille fragmentée et compressée sur le cavaillon durant trois ans. Et elle est tout sauf convaincue de la méthode pour les vignes en place. « Le problème du BRF est qu’il faut transporter des volumes énormes, et adapter un épandeur, introduit-elle. Tout cela pour une solution qui n’est pas très durable : dès la deuxième année, les dessous de rangs étaient contaminés par les adventices, alors que nous avions épandu une couche de 15 cm d’épaisseur. La troisième année, cela ne ressemblait plus à rien. »

La méthode a même eu tendance à sélectionner les mauvaises herbes les moins souhaitables, telles que le liseron ou le chiendent. Au niveau du stress hydrique, malgré ce que l’on pourrait croire, Pauline Garin n’a pas constaté d’impact positif du BRF : « nous n’avons mesuré aucune différence au niveau de la vigne, indique-t-elle. Seule la température du sol était modifiée, elle était un peu plus basse dans les rangs paillés. » Ce qui a notamment favorisé la fouille du sol par les sangliers.

En revanche, elle n’a pas noté de problème de faim d’azote. Pour ce qui est de la paille compressée, Pauline Garin est également dubitative. « L’intérêt de ce mulch est qu’il prend un plus faible volume que le BRF lors de l’épandage, explique-t-elle, et qu’il gonfle ensuite sept fois de volume lorsqu’il pleut. Mais la paille compressée vaut beaucoup plus cher que le BRF, et au final, cela ne marche pas non plus. Je ne recommande pas du tout ces deux paillages ; ce n’est pas une bonne alternative au désherbage. »

Les vivaces de type liseron et chiendent percent les paillis

Même écho en Alsace, dans le Bas-Rhin, où la chambre d’agriculture a conduit un essai de paillage au BRF de frêne sur le cavaillon en 2010 et 2011. « C’est une technique onéreuse (épandage manuel), qui n’est pas très durable dans le temps, résume Jérôme Attard, conseiller. Au bout de deux ans, on a des apparitions de vivaces telles que du liseron et du chiendent. Dans notre région, si les vignerons veulent pailler, ils implantent plutôt du seigle dans l’interrang, qu’ils plient ou qu’ils broient. » Sur ces sols calcaires, aucune faim d’azote n’a néanmoins été constatée, l’acidité du terrain bloquant la décomposition du bois. La chambre alsacienne a également relevé que ce paillage plaît aux sangliers, qui viennent remuer et déplacer la couche de BRF.

En Charente, la chambre d’agriculture a testé le paillage avec des sarments broyés sur des terres argilo-calcaires, avec des résultats mitigés : « C’est intéressant, mais la mise en pratique est compliquée », relate Frédéric Joseph, de la chambre. Pour être efficace, le paillage doit en effet faire au moins 5-10 cm d’épaisseur, ce qui implique d’importer des sarments, un hectare de vigne ne produisant pas assez de bois pour fournir tous les cavaillons. Par ailleurs, « ce n’est pas une réponse intégrale au désherbage du cavaillon, car le liseron arrivait à percer et à s’étaler », confirme Frédéric Joseph. En revanche, l’hygrométrie était mieux conservée sous le paillage que sur le témoin.

Blocage de la minéralisation de l’azote

De son côté, Lionel Ley, de l’Inra de Colmar, a testé le paillage du cavaillon avec des plaquettes forestières de bouleau et tilleul, sur sols sablo-limoneux et limoneux argileux caillouteux sur marne calcaire. Il les a apportées avec un épandeur latéral ayant un débit de chantier de 10 à 18 heures par hectare, selon les situations. Malgré cela, il est loin d’être dithyrambique. « Cette technique ne semble pas recommandée sur vigne en place, dans un objectif de long terme, surtout sur des sols ayant un faible potentiel de minéralisation et pour des objectifs de rendements élevés », note-t-il.

Il a en effet observé un fort blocage de la minéralisation de l’azote du sol, du fait de l’apport massif de carbone organique. Cela a eu pour conséquence d’amputer les rendements. Au niveau des adventices, il a constaté une salissure rapide par les vivaces, de type liseron, rumex ou chardon, et des dégâts de sangliers, surtout à l’automne, « qui amoindrissent l’effet couvrant, en remuant les plaquettes ». Tant et si bien qu’il a dû faire un appoint en cours d’essai sur deux des sites. Néanmoins, Lionel Rey affirme que la technique présente bel et bien des intérêts : elle améliore la structure du sol, conserve l’humidité et augmente la biomasse microbienne.

Un intérêt certain pour les plantiers

De ce fait, le chercheur estime que ce peut être intéressant pour les plantiers, jusqu’à leur entrée en production, « surtout si le sol possède un fort potentiel minéralisant », précise-t-il. Il a notamment observé une hausse de la production de biomasse (poids du bois de taille bien supérieur) du plantier paillé, qui devrait « faire gagner quasiment une année de production de fruits ». Il n’a pas noté d’impact négatif de ce mode de conduite sur l’enracinement de la vigne (pas plus de racines superficielles).

Réserver les paillages aux jeunes vignes, c’est également le conseil de Jérôme Attard et de Pauline Garin. Cette dernière a testé des feutres en fibres végétales cardées (chanvre et lin) sur plantiers. Avec « des résultats pas trop mauvais ». Pour elle, cela peut revêtir un intérêt notamment en bio, du fait de son prix élevé (environ un euro par plant). Elle prévient néanmoins que ce paillage entraîne des difficultés de gestion de la zone en bordure de feutre.

Une mécanisation ardue en vignes étroites

De leur côté, Alice Reumaux et Clément Michel, du GDDV 41, expérimentent les paillages de miscanthus et de support de culture de fraise hors sol (paille de coco avec un mélange de tourbe et d’écorces de pin des Landes). Les travaux n’en sont qu’à leurs prémices, les épandages ayant eu lieu en avril et mai. Néanmoins, quelques enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés.

Comme leurs confrères des autres régions, ces conseillers se sont heurtés à la mécanisation de l’épandage. S’ils ont bricolé un épandeur pour les vignes larges et ont pu progresser à un kilomètre/heure environ, « en vigne étroite, cela nous a pris 150 heures par hectare, sans compter la dépose des sacs, regrette Clément Michel. Il faut de gros volumes, or sur enjambeur, il n’est pas possible d’en embarquer beaucoup à la fois. »

Autre enseignement : la vigne a davantage gelé sur les zones où le paillage de miscanthus venait d’être épandu, « même si la différence est faible, relativise Alice Reumaux. Cela peut s’expliquer par le fait que le miscanthus était humide ».

Par ailleurs, comme dans les autres zones viticoles, le liseron a déjà réussi à percer les deux paillis alors même que le support de fraise est acide (pH de 6). Enfin, le mélange de tourbe et d’écorces semble moins préserver l’humidité que les autres supports, et les deux paillages attirent quantité d’insectes. Mais ce ne sont que des résultats préliminaires. Rendez-vous dans trois ans pour un bilan complet.

Le paillage améliore la structure du sol, conserve l’humidité et augmente la biomasse microbienne.
voir plus loin

La faim d’azote, c’est quoi ?

Lorsque l’on évoque l’épandage de BRF dans la vigne, la première réflexion qui vient à l’esprit concerne l’impact de cette pratique sur l’azote du sol. En effet, pour détruire le carbone de ce bois, les champignons puisent l’azote du sol, au détriment de la vigne. Cette dernière risque alors d’être face à une « faim d’azote ». Selon les sols, le phénomène peut durer de quelques mois à plus d’un an.

 

Tous les articles de notre dossier "Paillage de la vigne" :

Les paillages, une fausse bonne idée ?

« Attention à ne pas encrasser les sols »

« La paille crée un amendement organique »

Le BRF conserve l’humidité

" Plus besoin d’herbicide entre les rangs "

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