Les micro-organismes du vin passés au crible
Le colloque ŒnoMacrowine Pro a consacré une partie de son programme à la microbiologie des vins. Voici ce qui a retenu notre attention.
Le colloque ŒnoMacrowine Pro a consacré une partie de son programme à la microbiologie des vins. Voici ce qui a retenu notre attention.
Le colloque ŒnoMacrowine Pro, qui s’est tenu le 5 décembre 2023, a abordé cinq grands thèmes dont un sur « Micro-organismes du raisin et du vin : diversité et adaptation ». Durant cette partie, une intervention a fait la synthèse des connaissances sur la vinification sans sulfites. Selon les premiers résultats d’un suivi des dynamiques de populations de micro-organismes pendant les phases d’élevage des vins rouges, il ressort que pour les bactéries lactiques, un seul sulfitage après FML est efficace mais de façon transitoire seulement après quelques mois d’élevage s’il n’est pas suivi d’un réajustement de la dose de SO2 en cours d’élevage. L’espèce principalement retrouvée dans toutes les modalités observées est Œnococcus œni. « On a en outre noté que l’effet négatif sur les populations de bactéries lactiques de ce premier sulfitage réalisé après FML est meilleur que celui observé quand le premier sulfitage a été effectué à l’encuvage, précise Isabelle Masneuf-Pomarède, de l'UMR Œnologie, à l'ISVV (Institut des sciences de la vigne et du vin), Bordeaux Sciences Agro. Ce résultat obtenu en conditions expérimentales n’est pas expliqué pour le moment. »
Six modalités d’apport du SO2 testées et suivies
Menée en collaboration entre l’IFV, les Vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine et Microflora, cette étude réalisée sur cépage merlot comprenait six modalités d’apport de SO2 et de gestion des FML. À savoir : M1 (apport classique de SO2 de l’encuvage jusqu’à la mise en bouteille avec réajustement après la FML tous les mois pendant l’élevage) ; M2 (aucun apport de SO2 ni à l’encuvage ni après FML) ; M3 (pas d’apport à l’encuvage mais plusieurs apports réalisés après FML) ; M4 (apport SO2 seulement après FML puis avant la mise en bouteille) ; M5 (un seul apport de SO2 après FML et pas de réajustement par la suite) et enfin M6 (pas de SO2 et FML conduite avec des bactéries indigènes).
Les autres résultats de suivi montrent que quelle que soit la modalité testée, les niveaux de populations de levures en cours d’élevage sont stables à environ 104 UFC/ml et que l’espèce principalement identifiée est Saccharomyces cerevisae. Pour les bactéries acétiques, les suivis montrent aussi des populations stables à des niveaux plutôt bas (100 UFC/ml). Après trois ou quatre mois d’élevage, une légère augmentation est notée en particulier sur les modalités sulfitées et celles où le SO2 est géré en phase postfermentaire. Les populations atteignent alors 103 UFC/ml et ici l’espèce la plus retrouvée est Acetobacter pastorianus.
Les vins plus ou moins permissifs vis-à-vis des bretts
D’autres travaux de recherche menés sur la microbiologie des vins étudient une approche nouvelle, à savoir la permissivité des vins vis-à-vis de la croissance des Brettanomyces dans les vins. Un vin est dit permissif quand il supporte très bien la croissance de cette levure d’altération. Selon une étude menée dans le cadre de la thèse de Julie Miranda à l’ISVV, sur 53 vins étudiés 29 s’avèrent permissifs tandis que 7 ne le sont quasiment pas malgré la présence de 4 souches de bretts révélées à l’analyse. Plusieurs paramètres expliquent cette permissivité. L’éthanol et la souche de brett en font partie. Moins il y a d’éthanol plus brett pousse vite et bien. De plus certaines souches de bretts croissent bien même dans des vins assez peu permissifs.
Mais il faut aussi retenir que les vins ne sont pas intrinsèquement égaux vis-à-vis de ce phénomène. Certains sont en effet permissifs à la croissance des bretts et d’autres ne le sont pas. À ce jour, les facteurs impliqués pour expliquer cette différence restent encore mystérieux. Une analyse par résonance magnétique nucléaire (RMN) n’ayant pas permis d’identifier un composé responsable de cette permissivité des vins, cela suggère qu’il s’agit d’une cause multifactorielle. Les recherches se poursuivent pour les identifier.
L’IA pour détecter les bretts
Pour la prédiction de bretts résistantes aux sulfites, des tests moléculaires sont déjà disponibles. À Dijon, l’IUVV [Institut universitaire de la vigne et du vin] travaille sur une approche nouvelle en cours de développement qui consiste à utiliser de l’imagerie microscopique couplée à l’intelligence artificielle.