Les gènes impliqués dans la tolérance de la vigne à la canicule révélés
Une étude de l’institut Agro et de l’Inrae dévoile des régions du génome impliquées dans la tolérance de la vigne aux températures extrêmes. Un premier pas vers la sélection de cépages plus résistants.
Le 28 juin 2019, une masse d’air brûlant provenant du Sahara traverse l’Hérault, entraînant une montée des températures jusqu’à 46 °C à l’ombre. « L’institut Agro et l’Inrae menaient alors une expérimentation rassemblant 279 cépages cultivés en pot, à raison de vingt pots par cépage, en régime de croisière végétative, explique Florent Pantin, du laboratoire d’écophysiologie des plantes sous stress environnementaux (LEPSE, Inrae-institut Agro). Quelques heures plus tard, une partie des plants étaient brûlés, avec des dégâts très variables selon les cépages. Ces conditions ont permis d’évaluer grandeur nature comment la diversité des cépages répond aux températures extrêmes. »
Une notation a été réalisée pour la part de feuilles impactées et l’intensité des brûlures. Les chercheurs ont constaté que les plus impactées étaient les feuilles à la base des ceps. « En modélisant l’architecture des plants et la température de chaque feuille, nous avons montré que les feuilles du bas étaient les plus chaudes, du fait de leur proximité avec le sol qui emmagasine la chaleur, alors que les feuilles du haut sont mieux ventilées », détaille le chercheur. Les symptômes étaient par ailleurs présents uniquement sur la face sud-ouest des plants, exposée au soleil à l’heure la plus chaude, la face nord-est n’ayant aucun dégât.
Six régions du génome identifiées
En croisant les mesures de symptômes avec les informations disponibles sur la diversité des cépages et de leur génotype, les chercheurs ont identifié six régions du génome impliquées dans ces réponses. « Selon l’allèle porté par chaque région, le cépage est résistant ou sensible aux températures extrêmes », ajoute Florent Pantin.
Parmi les gènes se trouvant dans ces régions se trouvent des clusters (ou familles) de gènes associés à la gestion du stress oxydatif, lié à la production de molécules qui déstabilisent les cellules dans certaines conditions de stress environnemental. « Les protéines codées par ces gènes pourraient être importantes pour la gestion du stress oxydatif lié aux températures extrêmes », analyse le chercheur.Étonnamment, aucun des gènes identifiés n’est clairement associé au contrôle de la transpiration. « Pour une plante, augmenter la sortie d’eau par ses stomates est le premier moteur pour se refroidir, explique Florent Pantin. Les simulations ont montré que la plante pouvait ainsi abaisser sa température de 5 °C. Mais nous n’avons trouvé aucun gène lié à la transpiration dans les régions identifiées. Cela pourrait s’expliquer par le compromis nécessaire entre le besoin pour la plante de transpirer pour abaisser sa température et celui de maintenir de l’eau dans ses tissus pour survivre, les canicules étant souvent couplées à des épisodes de sécheresse. »
Les gènes impliqués doivent encore être validés et le LEPSE continue ses travaux pour mieux caractériser les mécanismes physiologiques à l’œuvre. En collaboration avec les chercheurs de l'institut Agap (amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et tropicales) ayant participé à l’étude et en étroite relation avec l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), ils espèrent que les marqueurs identifiés ouvriront la voie à la sélection de cépages plus résistants aux températures extrêmes.
Mondeuse et savagnin plus résistants que clairette et carignan
L’expérimentation, qui visait au départ à préparer des plantes issues d’un panel de diversité génétique pour étudier leur réponse au stress hydrique, rassemblait 279 cépages représentatifs de la diversité génétique de Vitis vinifera à l’échelle mondiale. On y retrouve beaucoup de parents des principaux cépages cultivés en France. Parmi les plus résistants figurent ainsi la magdeleine noire des Charentes (parent du merlot notamment), le gouais blanc (à l’origine de nombreux cépages actuels), la mondeuse blanche (parent de la syrah), le savagnin blanc et le poulsard. Parmi les plus sensibles, on trouve la clairette, le carignan, le morrastel, le sémillon, l’ugni blanc, la dureza (parent de la syrah) mais aussi l’arvine.