L’eau de pluie est adaptée aux traitements
La neutralité de l’eau de pluie en fait un très bon support pour les traitements phytosanitaires, en particulier en bio. Quelques précautions sont à prévoir pour sa récupération.
La neutralité de l’eau de pluie en fait un très bon support pour les traitements phytosanitaires, en particulier en bio. Quelques précautions sont à prévoir pour sa récupération.
Dans le cadre des traitements phytosanitaires, les deux critères majeurs à prendre en compte au niveau de l’eau sont la dureté et le pH. La première peut rendre instable les formulations et les mélanges, ou encore limiter la quantité de matière active pénétrant dans la plante. Quant au second, il peut jouer sur la qualité des traitements car il impacte la demi-vie du produit (durée à l’issue de laquelle la concentration initiale dans le sol est réduite de moitié). En conventionnel, « certaines matières actives peu nombreuses, comme le glyphosate ou la flumioxazine, sont plus sensibles à un pH élevé, remarque Alexis Canot d’Agridyne. Or l’eau de pluie comporte peu d’éléments minéraux car elle n’est pas passée dans la nappe phréatique. Elle apparaît donc comme un excellent support pour les traitements. » De même, "nous n’avons pas démontré à ce jour d’incidence de l’origine de l’eau sur l’efficacité des traitements phytosanitaires avec des substances actives autorisées en bio (cuivre, soufre, pyrèthre naturel, Bacillus thuringiensis), observe Nicolas Constant, de Sudvinbio. Néanmoins, l’eau de pluie, qui est une source renouvelable et donc écologique mais aussi une source gratuite et donc économique, présente un intérêt pour les traitements phytosanitaires". Anne Duval Chaboussou, chargée de mission en bio et biodynamie à la chambre d’agriculture des Pays de Loire, va même plus loin : « en bio ou en biodynamie, les viticulteurs utilisent des tisanes, des décoctions qui sont des substances très sensibles qui peuvent se dégrader rapidement. Il est nécessaire d’avoir une eau réceptive, d’où l’intérêt évident de l’eau de pluie, proche de la neutralité ». D’une manière générale, « plus on va vers la phytothérapie, plus la qualité de l’eau est importante, souligne Éric Maille, d’AgroBio Périgord. Pour les préparations utilisées par les vignerons bio, il faut une eau très légèrement acide entre 5,5 et 7, ce qui est le cas de l’eau de pluie ». Faute de réserves en eau de pluie, on peut toujours utiliser l’eau du puits (penser à faire des analyses) ou encore l’eau du réseau « mais elle est souvent chargée en chlore », relève Anne Duval Chaboussou.
Des précautions pour récupérer et stocker l’eau de pluie
Si l’eau de pluie apparaît donc intéressante à plusieurs titres, il faut être vigilant lors de sa récupération, afin d’avoir une eau propre. « Il faut installer un système de tri de l’eau par des gouttières/bascules, qui permette de récupérer l’eau après les cinq premiers millimètres qui sont chargés en particules fines et produits toxiques qui ont pu se déposer sur les toits, recommande Éric Maille. Je préconise également la filtration de l’eau avant le stockage à l’abri de la lumière (pour éviter la formation et le dépôt d’algues) et la pose d’une grille à 15-20 cm au-dessus du filtre à sable pour éviter que les animaux domestiques n’y fassent leurs besoins. » Le stockage dans une cuve enterrée ou semi-enterrée peut être également intéressant pour avoir une température optimale de l’eau pour les traitements aux environs de 15 °C.
TEMOIGNAGE
Vincent Fleith, vigneron en Alsace
"Des matériaux sains pour une eau de pluie de qualité"
« Lors de la construction d’un bâtiment d’exploitation dédié à la biodynamie, j’ai choisi des matériaux sains : une couverture en tuiles de terre cuite, ainsi que des gouttières et descentes en cuivre. Ces matériaux présentent l’avantage de peu altérer l’eau de pluie de la région et me permettent de récupérer une eau douce, avec un pH inférieur à 6,5, intéressante pour les préparations, tisanes et décoctions que j’utilise pour protéger mes vignes. L’eau récupérée est orientée après un tri des trois premiers millimètres (par un système de flotteur) dans une cuve en béton enterrée. Ma capacité de stockage est de 5 300 litres. L’eau ainsi stockée reste stable et la quantité récupérée, entre décembre et mars, me permet de gérer la totalité des préparations que j’utilise sur le domaine. »