Le filage dans le Muscadet, résultat de l’asphyxie hydrique des ceps
Les vignes du muscadet ont souffert d’un phénomène peu répandu : le filage. Les conditions climatiques, particulièrement arrosées, en seraient la principale cause.
Les vignes du muscadet ont souffert d’un phénomène peu répandu : le filage. Les conditions climatiques, particulièrement arrosées, en seraient la principale cause.
Un potentiel de récolte amputé de 30 à 50 %. Telle est la prévision pour les vignes du Muscadet cette année. La cause ? Un phénomène nommé filage, provoqué par les conditions météo hors normes de la campagne. « Nous avons eu 1 000 mm d’eau entre octobre 2023 et fin août 2024 », indique Carmen Suteau, élue à la chambre d’agriculture de la Loire-Atlantique et coprésidente des Vignerons indépendants du Nantais. Des précipitations à une hauteur jamais vue depuis soixante-cinq ans et qui auraient asphyxié la vigne.
Une atrophie des inflorescences due à une asphyxie racinaire
Les vignes ont en effet passé l’hiver les pieds dans l’eau. Au printemps, la sortie était belle, de l’ordre de 2 à 3 inflorescences par rameau. « Le mois de mars s’est caractérisé par de la pluie et du froid, tout comme le mois d’avril », poursuit Carmen Suteau. La vigne serait rentrée en mode survie en privilégiant les rameaux, au détriment des fruits. « Sur certains pieds, il n’est plus resté aucune inflorescence, elles se sont atrophiées, quand d’autres en ont conservé un peu plus », décrit l’élue. Au fil des jours, les inflorescences atrophiées se sont desséchées et se sont plus ou moins transformées en vrillons tout secs.
En plus de cela, il a plu sur la fleur, ce qui a occasionné des phénomènes de millerandage et de coulure. Sans compter la pression mildiou de cette année. Au final, « certaines exploitations auront des pertes de l’ordre de 90 %, s’inquiète l’élue. On va être bien en dessous des 10 à 20 hl/ha expertisés. »
Melon de Bourgogne et chardonnay particulièrement touchés
Les cépages muscadet (melon de Bourgogne) et chardonnay sont les plus impactés, tandis que les grolleau, gros plant, sauvignon, ou colombard ont beaucoup moins souffert. « Le gamay et le pinot noir ont également été un peu touchés, relève Romain Mayet, ingénieur en charge des dossiers techniques au sein de la Fédération des vins de Nantes. Or ce sont deux parents du melon de Bourgogne : le gamay est son frère, tout comme le chardonnay et ils ont des ascendants communs avec le pinot. Cela semble converger vers une sensibilité génétique à l’asphyxie racinaire. »
Logiquement, « le type de sol a joué un rôle, estime Carmen Suteau. Sur sols drainants, la vigne a conservé davantage d’inflorescences que sur sol argileux et asphyxiant. » Ce que confirme Romain Mayet, qui note que les terrains précoces très ressuyants ont été moins touchés, à l’image du Landreau. À l’inverse, les zones de bas de coteaux ont été plus impactées, observe Thomas Chassaing, conseiller viticole à l’ATV 49 (1), désigné expert dans le cadre du dossier de reconnaissance au titre de l’indemnisation de solidarité nationale.
Des zones d’ombre à éclaircir
Si certaines causes du filage sont à peu près identifiées (eau, cépages, types de sol, topologie), il reste néanmoins beaucoup d’inconnues. « Certaines jeunes vignes ont été très touchées, d’autres pas », illustre Carmen Suteau. « Aucun itinéraire technique particulier n’a permis de mieux s’en sortir, complète Romain Mayet. Peut-être faut-il creuser du côté du porte-greffe ? Nous avons essentiellement du 3309, peut-être qu’un plus fertile aurait permis au melon de mieux se comporter. On ne sait pas. » De même, la forte attaque de mildiou sur feuilles de 2023 a-t-elle joué un rôle en affaiblissant les pieds ? Nul ne le sait. La fertilité, la vigueur, l’alimentation de la vigne sont donc autant de pans à explorer. « On va mettre les techniciens sur le sujet », acquiesce Carmen Suteau. Et ce d’autant plus que les professionnels sont inquiets pour la saison prochaine. « Les inflorescences de l’année n + 1 se forment en année n, donc qu’est-ce que cela va donner ? », interroge l’élue.
Face au filage, que faire ?
Lors de saisons pluvieuses, est-il possible de se prémunir du filage ? La réponse des experts est unanime : non. « Il n’y a pas grand-chose à faire, on n’a pas de prise sur le temps », regrette Romain Mayet. Il estime que le mieux est encore de diversifier ses productions, ses terroirs, ses cépages, afin d’être plus résilient. De même, « une vigne vigoureuse, qui a de la force, récupère mieux », rappelle-t-il. Il préconise donc de fertiliser régulièrement sa vigne et d’avoir un bon niveau de renouvellement du vignoble afin de diminuer un peu l’âge moyen des vignes.