Agronomie : le Haney test a de nombreux atouts pour séduire les viticulteurs
Le Haney test donne en un coup d’œil une vision sur la biologie et la chimie du sol. Si les agronomes interrogés sont conquis, peu de laboratoires l’ont adopté.
« Nous n’étions pas satisfaits des différentes analyses de sol qui sont couramment utilisées en agriculture, témoigne Benjamin Pierra, œuvrant pour le cabinet de conseil Symbiotik Agroécologie. Aussi nous avons cherché celle qui pourrait nous convenir, et avons trouvé le Haney test. » Si vous n’avez jamais entendu parler de cette méthode, rassurez-vous : elle est principalement employée par quelques pionniers de l’agriculture de conservation aux États-Unis et n’est que très peu diffusée en France. Pourtant, les rares initiés de l’Hexagone se disent conquis. « C’est un test qui permet d’appréhender le sol différemment, estime par exemple Lionel Burosse, agronome et consultant viticole dans le Sud-Ouest. Il donne une idée de la santé globale du sol et de son fonctionnement. »
Il faut dire que le Haney test est très complet. Il met en parallèle plusieurs analyses. La première concerne l’activitéj des micro-organismes du sol, qui est calculée en mesurant le dégagement de CO2 en 24 heures, témoin de la respiration des organismes vivants. La deuxième donne une indication des éléments directement disponibles pour la vie du sol : le phosphore organique et les formes labiles d’azote et de carbone, extraits à l’eau. La troisième informe sur la quantité des éléments minéraux tels que le phosphore, le potassium, le magnésium, le calcium… ainsi que certains ratios entre eux. Une fois ces trois analyses réunies, le Haney test établit un score global de santé de sol, sur 50. « Ainsi, avec une seule analyse on a des indications sur la biologie et sur la physico-chimie, apprécie Martin Rollet, agronome consultant chez Agroleague. C’est un test que l’on peut qualifier de tout-en-un. »
Une utilité aussi bien pour décrypter l’état initial que le suivi agronomique
Une autre caractéristique qui séduit les utilisateurs réside dans la méthode d’extraction toute particulière employée pour l’analyse des éléments minéraux. Au lieu d’utiliser de puissants solvants pour les extraire du sol (acides forts), le procédé développé pour le Haney test repose sur l’emploi de l’H3A, un mélange d’acides organiques qui mime celui sécrété par les plantes au niveau des racines. « Certes, cela ne donne pas la valeur totale des minéraux disponibles, mais cela se rapproche davantage de ce que la plante est capable d’absorber naturellement », analyse Benjamin Pierra.
En France, l’application la plus courante de ce test est le calcul des reliquats des céréaliers. Lionel Burosse, lui, s’appuie sur ce test pour ses clients viticulteurs qu’il suit régulièrement. « Cela me donne une photo de l’état biologique et une photo de l’état chimique, explique-t-il. Ainsi je peux voir si le sol fonctionne mal, auquel cas j'approfondis l'analyse, sur la fertilité physique par exemple, avant d'envisager les apports fertilisants. Les indicateurs permettent également de voir si le sol est favorable à l’installation des micro-organismes ou pas. » Si le score donné par le Haney test permet de dresser un état des lieux, le consultant s’en sert également pour mesurer l’efficacité d’une action ou d’une évolution des pratiques. « Je vois ce test comme un élément dans ma boîte à outils, poursuit l’agronome. D’ailleurs je le complète habituellement d’une analyse physico-chimique classique : je sais que si les indicateurs sont bons d’un côté et mauvais de l’autre, c’est qu’il y a un problème quelque part. »
Environ 40 euros d’analyses et 60 euros pour le transport aux USA
L’inconvénient majeur du Haney test réside toutefois dans le fait qu’aucun laboratoire ne réalise ces analyses en France. Aussi les échantillons doivent être séchés puis envoyés aux USA pour être traités. « C’est dommage parce que c’est un test très pertinent agronomiquement, mais qui revient à plus de 100 euros en France alors qu’il sort à une quarantaine outre-Atlantique, pointe Martin Rollet. En grandes cultures par exemple, on ne peut pas se permettre de le faire tous les ans, ce qui limite son intérêt. » Lionel Burosse travaille en direct avec le laboratoire américain Brookside, et estime qu’entre les formalités administratives et les coûts de transport, le prix de l’analyse flirte avec les 120 euros. « Un coût que j’intègre dans mes prestations de conseil », précise-t-il. Symbiotik Agroécologie propose sur son site internet une offre pour la simple analyse, facturée 99 euros HT. « Nous groupons simplement ces commandes avec nos envois en propre », informe Benjamin Pierra. Un laboratoire hollandais propose une prestation de Haney test, mais les échantillons sont également envoyés aux États-Unis. Un autre, en Angleterre, se lance dans des analyses en interne. Si cela représente une option plus proche géographiquement, il n’est pas dit que les formalités et les coûts soient moindres, Brexit oblige…
comprendre
Le Haney test a été développé par Richard Haney, chercheur américain de l’USDA (l’équivalent de notre institut Inrae aux États-Unis). Il est le fruit d’une vingtaine d’années de travail, et il est devenu opérationnel il y a une quinzaine d’années. Le Haney test n’est pas breveté et fait l’objet de nombreuses publications dans le monde anglo-saxon de la recherche. Il est divisé en plusieurs composantes :
- une analyse de la respiration microbienne par dégagement de CO2 en 24 heures,
- une analyse chimique de différents minéraux, extraits non pas avec les solvants puissants habituels mais avec l’H3A, une solution composée de trois acides organiques proche de ceux qu’une plante synthétise (acides citrique, malique et oxalique),
- une analyse du carbone et de l’azote labiles, ainsi que du phosphore organique,
- une note de santé globale du sol (sur 50) calculée en fonction des résultats des analyses.