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« Le volet sécheresse doit être associé à la mise en place d'un vignoble », Joël Rochard, ingénieur et œnologue, président de Vitis Planet

De plus en plus de zones viticoles vont être touchées par la sécheresse. Joël Rochard, ingénieur et œnologue, président de Vitis Planet, tire des enseignements des vignes se situant déjà dans des régions arides.

Dans la McLaren Vale, en Australie, des rangées d'arbres sont implantées au milieu des vignes, afin de servir d'ombrage et de brise-vent.
Dans la McLaren Vale, en Australie, des rangées d'arbres sont implantées au milieu des vignes, afin de servir d'ombrage et de brise-vent.
© J. Rochard

Qu’est-ce que l’aridoviticulture ?

L’aridoculture est un concept ancien, employé majoritairement en Afrique, pour désigner l’agriculture en conditions sèches. Elle est généralement définie comme étant l’ensemble des mesures visant à permettre la culture en milieu aride, c’est-à-dire en l’absence d’irrigation et en présence de faibles précipitations.

 

 
Joël Rochard, ingénieur et œnologue, président de Vitis Planet.
Joël Rochard, ingénieur et œnologue, président de Vitis Planet. © J. Rochard
Pour les cultures irriguées, cette technique vise, au-delà de sa définition stricte, une utilisation économe de l’eau, compatible avec la disponibilité locale. Elle s’applique à des zones où l’évapotranspiration est supérieure aux précipitations.

 

L’aridoviticulture est la déclinaison de ce concept à la viticulture. Au-delà des zones très sèches, ce concept va progressivement concerner des vignobles avec une faible réserve utile et qui souffrent maintenant régulièrement de stress hydrique. À titre d’exemple, en Champagne, il est intéressant de comparer les vignobles sur sol de craie avec une fourniture permanente d’eau pour les racines, à des sols de calcaire pierreux du jurassique dont la réserve en eau dépend uniquement du sol et de la matière organique. Ainsi la plupart des vignobles, peut-être à partir d’un zonage, devront développer des adaptations contextuelles à la sécheresse, dans l’esprit de l’aridoviticulture.

Quelles zones dans le monde pratiquent ce type de viticulture ?

Le déficit en eau est une constante de nombreux vignobles du Nouveau Monde (Australie, Afrique du Sud, Amérique du Sud, etc. ) qui utilisent régulièrement l’irrigation. Concernant les vignobles emblématiques de l’aridoviticulture, on peut citer les îles de Lanzarote en Espagne et de Santorin en Grèce, ou encore Israël, particulièrement à la pointe en matière d’optimisation de l’irrigation.

Quels enseignements peut-on en tirer en termes d’encépagement ?

Les cépages méditerranéens, de type carignan, cinsault, agiorgitiko, ou encore aglianico sont les plus résistants à la sécheresse. Ainsi les zones qui vont progressivement être impactées par une aridité croissante devront peut-être revenir à des cépages plus traditionnels, adaptés à chaque contexte, au détriment des variétés internationales.

Au-delà du cépage, il est intéressant d’intégrer également les porte-greffes, dont les parents américains sont issus principalement de Vitis riparia, Vitis berlandieri et Vitis rupestris. Ceux-ci ont des caractéristiques différentes par rapport à la sécheresse, ce qui explique la diversité de résistance des porte-greffes qui en sont issus. Bien évidemment d’autres facteurs interviennent dans le choix du porte-greffe, mais le volet sécheresse, souvent occulté, doit être associé à la mise en place d’un vignoble.

Quels conseils en retenir sur le mode de conduite ?

Le gobelet, mode de conduite traditionnel, est adapté depuis très longtemps aux conditions sèches de la zone méditerranéenne.

 

 
À Santorin, les vignerons conduisent les vignes en kouloura, ou « gobelet en couronne », qui consiste à tresser les sarments en couronne afin de les protéger du vent et du sable, et de réduire l’évapotranspiration.
À Santorin, les vignerons conduisent les vignes en kouloura, ou « gobelet en couronne », qui consiste à tresser les sarments en couronne afin de les protéger du vent et du sable, et de réduire l’évapotranspiration. © J. Rochard
À Santorin, les vignerons utilisent même la kouloura, ou « gobelet en couronne », qui consiste à tresser les sarments en couronne afin de les protéger du vent et du sable, et de réduire l’évapotranspiration.

 

Sans aller jusqu’à cet extrême, chaque vigneron devra peut-être adapter son mode de conduite, pour intégrer la problématique de l’eau au même titre que les aspects économiques et environnementaux.

Quelles préconisations au niveau de la couverture du sol ?

À Lanzarote, la vigne est cultivée sur un mulch composé de sable volcanique. Chaque pied est planté dans un genre de petit cratère, refermé par un muret.

 

 
À Lanzarote, la vigne est cultivée sur un mulch composé de sable volcanique. Chaque pied est planté dans un genre de petit cratère, refermé par un muret. Ce système permet la fixation de l’eau la nuit mais entraîne des coûts de production très importants.
À Lanzarote, la vigne est cultivée sur un mulch composé de sable volcanique. Chaque pied est planté dans un genre de petit cratère, refermé par un muret. Ce système permet la fixation de l’eau la nuit mais entraîne des coûts de production très importants. © Lanzarote et le vin, paysage et culture, Ruben Acosta et Mario Ferrer, éd. Acosta
Ce système permet la fixation de l’eau la nuit mais entraîne des coûts de production très importants.

 

Plus simplement, le paillage de la vigne peut permettre de limiter l’évapotranspiration du sol et de la plante, tout en réduisant la colonisation du sol par les adventices. Lors d’une forte pluie, le paillis se comporte comme une éponge et évite que l’eau ravine la terre sans y pénétrer. Il conserve le sol frais et meuble en été. Bien évidemment cette méthode n’est pas transposable partout, mais elle fait partie de la stratégie d’adaptation à la sécheresse.

Comment adapter les travaux en vert ?

Il faut arriver à trouver un équilibre entre une quantité de feuillage suffisante pour assurer la production et en même temps sa limitation pour atténuer l’évapotranspiration. Parallèlement lorsque le feuillage n’est pas suffisant dans la partie supérieure, un risque de dessication et d’échaudage des grappes peut apparaître. Tout est question de compromis. Mais à l’heure actuelle, il est plus facile d’anticiper les rognages grâce aux prévisions météorologiques à 2 ou 3 semaines.

Quelles leçons peut-on en tirer pour l’irrigation de la vigne ?

L’irrigation des plants se faisait traditionnellement par jarre ou olla. Cette technique d’irrigation souterraine est économe en eau et particulièrement adaptée pour les petites exploitations dans les zones arides. Ce système n’est plus possible actuellement du fait de son coût et des contraintes, mais l’irrigation enterrée s’en approche et donne de bons résultats.

Il faut avoir à l’esprit qu’au cours des prochaines décennies, l’eau sera de plus en plus rare, notamment suite aux changements climatiques et à l’augmentation de la consommation humaine. Par ailleurs, à l’échelle locale, la vigne ne sera pas toujours prioritaire par rapport aux cultures vivrières, aux besoins domestiques et à l’équilibre écologique des milieux aquatiques. Des conflits pour l’usage de l’eau apparaissent déjà dans différentes régions du monde.

Quelles autres mesures permettent d’adapter la vigne aux conditions arides ?

Un aspect important est aussi la limitation de l’intensité solaire. L’ombrage peut être obtenu de différentes manières : par le biais d’arbres et de haies, comme c’était traditionnellement le cas dans la région méditerranéenne, de filets antigrêle, comme c’est aujourd’hui le cas en Argentine, ou de panneaux photovoltaïques.

Tous ces procédés permettent en plus de modifier le microclimat de la vigne en agissant sur la température et l’évapotranspiration.

L’agroforesterie peut passer par la plantation d’arbres isolés, de haies de grande hauteur, ou même de rangées entières dans les vignes pour atténuer le vent et accentuer l’effet d’ombrage, comme le pratiquent les vignerons de la région australienne McLaren Vale.

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