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« La microoxygénation est-elle indiquée pour mes vins rouges ? »

Plébiscitée dans les années 2000, la microoxygénation semble aujourd’hui délaissée. Cette opération est-elle toujours intéressante ? À quels types de vins convient-elle ? Les réponses des spécialistes.

Vigne / micro-oxygénation pendant l'élevage, et soutirage de cuve / Champagne Caron
Bien que délaissée ces dernières années, la microoxygénation reste une pratique intéressante pour apporter fruité et rondeur aux vins rouges.
© J.-C. Gutner
 

Philippe Chrétien, ingénieur œnologue à l’IFV

« Un outil particulièrement intéressant pour les vins du val de Loire »

 

 
Philippe Chrétien, ingénieur œnologue à l’IFV, estime que la microoxygénation est intéressante pour les rouges ligériens.
Philippe Chrétien, ingénieur œnologue à l’IFV, estime que la microoxygénation est intéressante pour les rouges ligériens. © P. Chretien
« J’ai récemment mis en place une expérimentation de deux ans (millésimes 2020 et 2021) chez un vigneron qui était équipé en microoxygénation mais avait laissé tomber la pratique depuis plusieurs années. Nous avons comparé un vin témoin inerté et des modalités microoxygénées. Et au final, la microoxygénation a largement amélioré le profil du vin. Je pense que la pratique est tombée en désuétude car elle demande un suivi analytique rigoureux, de nombreuses dégustations, ainsi qu’un pilotage fin et adapté à chaque cuve. Mais les vins du val de Loire, notamment ceux de cabernet franc et cabernet sauvignon, apprécient les apports d’oxygène.

 

En post-FA, cette opération structure les vins ; elle stabilise les polyphénols et évite leur précipitation. En post-malo, cela joue sur la maturité aromatique, avec une diminution du côté végétal et une augmentation du fruité. La microoxygénation accroît également le gras, la rondeur, le volume en bouche et l’enrobage des tanins. On cherche à faire évoluer le pouvoir réducteur des tanins pour diminuer leur réactivité. En revanche, il faut éviter d’arriver sur des tanins secs.

Pour bien piloter cette pratique, en post-FA, il faut attendre l’apparition d’une pointe d’éthanal (arômes de cacao, pomme mâchée). Ce défaut disparaîtra ensuite car l’éthanal sera utilisé lors des combinaisons anthocyanes-tanins et tanins-tanins. On peut apporter environ 10 à 30 cm3/l de vin par mois, parfois plus, sur une durée assez courte de quelques jours.

En post-FML, le pilotage s’effectue à la dégustation, complétée par le dosage de l’oxygène dissous qui doit rester proche de zéro (moins de 0,4 mg/l). On apportera entre 0,5 et 2 cm3/l/mois, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en fonction du vin et du profil aromatique recherché. Il faut éviter d’arrêter la microoxygénation d’un coup ; une réduction progressive des doses laissera le temps au vin de se stabiliser. »

Florent David, œnologue-conseil en vallée du Rhône

« La microoxygénation durant la fermentation favorise la production d’arômes »

 

 
Florent David, œnologue-conseil en vallée du Rhône, est un adepte de la microoxygénation en vinification.
Florent David, œnologue-conseil en vallée du Rhône, est un adepte de la microoxygénation en vinification. © F. David
« La microoxygénation en fermentation est essentielle pour tous les types de vin, et elle présente des avantages supplémentaires sur rouges. Parmi ces avantages, l’oxygène favorise la croissance et le bon fonctionnement des levures. Lorsque les levures fonctionnent dans des conditions optimales, elles produisent des composés aromatiques. De plus, l’oxygène favorise la formation de 'facteurs de survie' tels que les stérols, qui permettent d’assurer des fermentations difficiles en présence d’alcool en quantité élevée. Un autre atout est la stabilisation de la couleur, l’adoucissement des tanins et la réduction des arômes végétaux.

 

Enfin, lorsqu’apparaissent des problèmes de réduction au cours de la fermentation, l’apport d’oxygène sous forme de microbullage est nécessaire pour éliminer les composés formés et prévenir l’évolution négative.

La microoxygénation à l’élevage présente des avantages similaires à ceux observés pendant la fermentation, tels que l’adoucissement des tanins et la réduction de la perception végétale dans les vins. Cette technique est particulièrement intéressante pour les raisins rouges récoltés précocement et encore plus bénéfique pour les raisins dont les arômes végétaux sont très prononcés lorsqu’ils sont en sous-maturité, comme c’est le cas pour le cabernet.

L’utilisation de la microoxygénation doit être maîtrisée afin d’éviter les effets indésirables d’une oxydation excessive. »

Dimitri Basevi, œnologue-conseil chez Enosens, à Grézillac en Gironde

« La microoxygénation affine le vin, lui apporte de la rondeur et l’ouvre à son meilleur potentiel »

 

 
Dimitri Basevi, œnologue conseil chez Enosens, à Grézillac en Gironde, prône l'emploi de la microoxygénation sur rouges pour ouvrir les vins à leur meilleur potentiel.
Dimitri Basevi, œnologue conseil chez Enosens, à Grézillac en Gironde, prône l'emploi de la microoxygénation sur rouges pour ouvrir les vins à leur meilleur potentiel. © D. Basevi
« Au départ, la microoxygénation a été très employée sur des vins durs, à tanins verts et végétaux, dans l’objectif de les gommer, pour arrondir le vin. Avec le changement climatique, les vins sont plus mûrs, plus chaleureux et avec moins de notes végétales. Pour autant, la microoxygénation est toujours intéressante, et ce, quel que soit le type de vin. Durant la fermentation alcoolique, elle facilite le développement des levures. En fin de FA, avant le départ de la FML, elle participe à la construction du vin, en permettant de stabiliser la couleur, de gommer le végétal et d’accroître la sucrosité. Elle crée de l’éthanal qui fixe les anthocyanes libres du vin.

 

Lors de l’élevage, la microoxygénation agit comme un contenant poreux (barrique, amphore), en optimisant le potentiel redox du vin. Cela affine le vin, lui apporte de la rondeur et l’ouvre à son meilleur potentiel. Alliée à des staves et des copeaux lors d’un élevage en cuve, elle permet une meilleure intégration du boisage et mime un élevage en barriques.

Le pilotage de la microoxygénation est très technique, il est indispensable de bien adapter la dose apportée au vin et au stade. Pour cela, il faut étudier la matrice en dégustant, et identifier les types de tanins du vin. S’ils sont réactifs et verts, le vin aura besoin de beaucoup d’oxygène, sans quoi il sera réduit en bouteille. Si les tanins sont fermes, il ne faudra que peu d’oxygène, afin d’éviter de les assécher. En présence de tanins secs, l’apport d’oxygène augmentera leur agressivité. Dans tous les cas, un pilotage fin est indispensable et les doses d’oxygène apportées sont souvent très faibles. »

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