La France, distancée, doit réagir
Selon une étude commanditée par les interprofessions et FranceAgriMer, la France pourrait améliorer sa compétitivité en travaillant sur son offre, ses marques, l’accès aux marchés ou encore sur ses coûts de revient.
Selon une étude commanditée par les interprofessions et FranceAgriMer, la France pourrait améliorer sa compétitivité en travaillant sur son offre, ses marques, l’accès aux marchés ou encore sur ses coûts de revient.
La France doit-elle s’en tenir à un marketing de l’offre comme elle l’a toujours fait jusqu’à présent, ou doit-elle se mettre au marketing de la demande, à l’instar de ses concurrents ? C’est la principale question que l’on se pose à la lecture de l’étude mandatée par FranceAgriMer et le Cniv (Comité national des interprofessions des vins AOC et IGP). Le groupement de cabinets Agrex Consulting, Sève Conseil et Efeso Consulting a passé au crible les stratégies commerciales de dix pays : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Chili, Chine, Espagne, États-Unis, Italie, Nouvelle-Zélande et France.
Pour ce faire, il a distingué neuf facteurs clés de compétitivité : la capacité d’adaptation de l’offre aux attentes des marchés, la disponibilité en eau, les coûts de revient, la capacité des opérateurs à conquérir des marchés, la capacité à construire des marques, des origines et/ou cépages à forte notoriété, la stabilité financière, l’équilibre entre le marché intérieur et export, le dynamisme des structures d’accompagnement, et enfin, la diversité de l’offre.
Marketing de la demande en entrée et moyenne gamme
Et il en ressort clairement que la France est devancée sur de nombreux domaines, le premier étant l’adaptation de l’offre à la demande. L’Hexagone se retrouve en effet en difficulté, tandis que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis s’en sortent haut la main. Or ces deux pays, tout comme l’Australie, pratiquent un marketing de la demande, à l’inverse de nous. Néanmoins, il ne faut pas oublier que grâce à son modèle de push, la France occupe « un des terrains stratégiques les plus vastes », notent les experts. Faut-il dès lors changer notre fusil d’épaule ? Oui, si l’on en croit les consultants. Ils estiment que la filière doit s’adapter si elle ne veut pas être définitivement distancée. « La demande a évolué avec l’émergence de nouveaux consommateurs et de nouvelles occasions de consommation, avec l’arrivée de consommateurs plus exigeants et à la recherche de diversité, et le poids grandissant du digital dans la connaissance », expliquent-ils. Mais il faut opérer ce changement avec discernement. « La France devrait développer un marketing de la demande sur ses vins d’entrée et de moyenne gamme, en s’adaptant aux types de cépages attendus par les consommateurs mondiaux, au taux d’alcool, ou encore au packaging », jugent-ils.
On en déduit logiquement que les produits à forte valeur ajoutée, ayant un marché captif et ayant contribué à la notoriété de la France à l’international, tels que les champagnes ou les grands crus, ont tout intérêt à conserver un marketing de type push.
Développer des marques fortes dans les vins tranquilles
Mais ce n’est pas le seul handicap relevé par l’étude. La capacité de notre filière à développer des marques fortes au niveau international, surtout dans le domaine des vins tranquilles est pointée du doigt. Et pour cause. Quatre des neuf concurrents étudiés, à savoir le Chili, l’Italie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, nous devancent largement sur ce terrain. L’enjeu, pour la France est donc d’« élargir son portefeuille de marques de notoriété internationale vers les vins tranquilles et de développer le segment des entrées de gamme », recommandent les auditeurs. Et de prévenir que cela présuppose un « assouplissement des réglementations et la révision de pratiques culturales ». Notamment au niveau de l’irrigation. Mais les choses sont peut-être en train de changer sur les entrées de gamme. Dans le Languedoc, la coopération, InterOc et le négoce travaillent conjointement à une contractualisation des vins sans IG. Si ce sujet ressemble à un vieux serpent de mer, le consensus entre les trois familles pourrait néanmoins permettre d’aboutir. Avec un objectif volumique de « 1 à 1,5 million d’hectos par an », annonce ainsi Boris Calmette, président de la CCVF (Confédération des coopératives vinicoles de France).
Des acteurs français trop atomisés à l’export
Pour ce qui est du développement de marques fortes, c’est un critère pour partie corrélé à la taille des opérateurs. Or là aussi, le bât blesse. Quand le Chili se caractérise par la grande concentration de sa filière et l’Australie par la présence de quatre gros leaders ; la France, elle, est atomisée. Les auditeurs relèvent « une force de frappe commerciale réduite à l’exportation pour la plupart des acteurs français, compte tenu de leurs tailles ». Ce qui entrave forcément la filière au moment de promouvoir des marques fortes. La situation devrait là aussi évoluer, les professionnels ayant conscience de cette lacune depuis un certain temps déjà. La coopération avait notamment mené une réflexion sur le sujet il y a quelques années. Qui avait débouché sur l’arrivée du groupe coopératif InVivo dans le milieu viticole, avec pour but de « structurer un pôle vin français puissant, créateur de valeur en France et à l’international ». Mais le résultat n’est pas encore au rendez-vous.
Autre pendant de l’atomisation du négoce : sa capacité à conquérir les marchés est moindre que celle de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Chili ou encore de l’Italie. Si cela peut notamment s’expliquer du fait d’accords de libre-échange plus favorables pour les trois premiers, ce n’est pas le cas pour l’Italie qui joue à armes égales avec la France. Et cet atout douanier ne fait pas tout non plus pour l’Australie, qui se distingue par « des schémas logistiques et de commercialisation performante de la part de ses quatre leaders ». Pour pallier ce handicap, les cabinets de conseil recommandent donc « de favoriser la réappropriation par la filière de la connaissance intime des marchés et de la création de valeur générée par les marques, aujourd’hui transférées à d’autres opérateurs tels que les GMS ou les importateurs ».
Last but not least, comme il fallait s’y attendre, la France est également distancée sur le terrain des coûts de revient. L’Afrique du Sud, tout comme le Chili, disposent d’un net avantage concurrentiel, procuré par des rendements élevés et donc des coûts de production faibles. L’Espagne et l’Australie devancent également la France.
En revanche, la France se place avec l’Italie sur la première marche du podium en termes de diversité d’offre. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, la France est assez bien située au niveau de la disponibilité de l’eau. Elle fait jeu égal avec l’Italie et le Chili, et n’est devancée que par la Nouvelle-Zélande, « qui bénéficie d’une importante diversité agro-climatique et d’un bon accès à l’eau dans un contexte d’irrigation de 85 % de ses surfaces », notent les auditeurs. Enfin, la France dispose d’un bon équilibre commercial entre marché intérieur et export, tandis que la Nouvelle-Zélande et l’Australie sont plus sensibles à des retournements de marché export. Attention toutefois. Notre marché intérieur a encore diminué de 14 % en dix ans. Trouver des relais de croissance à l’export est donc plus que jamais prioritaire…
Le volume des exportations a augmenté de 3 % en moyenne entre 2008 et 2013. Mais cette croissance a majoritairement profité au Chili, à la Nouvelle-Zélande et à l’Afrique du Sud.
La valeur des exportations a pris + 8 % en cinq ans. Mais une fois encore, la hausse a essentiellement profité à la Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, ainsi que, dans une moindre mesure, au Chili et à l’Argentine.
Dans ce contexte, la France progresse mais recule en termes de part de marché. À noter que l’Australie recule tant en valeur exportée, qu’en volume.