Oenologie
La dégustation olfactive est-elle une supercherie ?
Oenologie
Selon certains chercheurs, le sens olfactif ne serait pas fiable mais largement influençable par la vision. De là à remettre en cause le résultat de la dégustation de vin, il n´y a qu´un pas.
Doit-on encore accorder quelque crédit aux conseils des sommeliers les plus prestigieux et autres dégustateurs émérites ou chevronnés ? A en croire les résultats d´études menées par l´Inra Montpellier (Gil Morrot) et la faculté d´oenologie de Bordeaux (Frédéric Brochet) sur la perception olfactive lors d´une dégustation de vin, le doute est permis. « L´odeur perçue n´est pas un objet réel, explique Gil Morrot, chercheur à l´Inra. L´objet perçu est totalement reconstruit par le cerveau à partir d´informations multiples non olfactives ». Ainsi, la simple vision, la renommée ou le prix d´un vin influenceraient la perception olfactive d´un individu. Des expériences menées par l´Inra à l´aide de techniques IRM (Imagerie par résonance magnétique) tendraient à monter que des zones spécifiques du cerveau, clairement définies, répondent aux sollicitations de bruit et de vue.
Mais, par contre, soumis à une stimulation olfactive, le cerveau laisse apparaître sur les clichés IRM des tâches éparses, montrant que l´olfaction fait intervenir des zones variées, très différentes d´une personne à une autre. Cette utilisation de l´IRM a en fait découlé de nombreuses observations parfois troublantes. Ainsi, l´Inra et le CNRS ont remarqué qu´en matière d´analyse lexicale, moins de 5 % du vocabulaire olfactif est commun entre vin rouge et vin blanc.
Les sommeliers égaux des novices en olfaction
Pourtant, lors de dégustations à l´aveugle, le pourcentage de réussite ne dépasse pas 60 à 70 % dans la différenciation rouge/blanc. « Soit pas vraiment plus que les 50 % dus au hasard », constate Gil Morrot. Les termes descriptifs employés sont également révélateurs de la dépendance du dégustateur vis-à-vis des informations dont il dispose sur le vin en question.
Cela est particulièrement flagrant pour la vision. Sont alors employés souvent des noms d´objets et plus particulièrement d´objets clairs pour décrire les vins blancs (litchi, pamplemousse, pêche.) et d´objets rouges (fruits rouges, framboise, griotte.) pour les vins rouges. Ainsi, « croyant faire de l´olfaction, nous faisons en réalité de la vision, poursuit Gil Morrot. Notre cerveau semble l´interpréter pour nous renvoyer la perception que nous voulons sentir ».
L´approche neurophysiologique de l´Inra semble ainsi n´être qu´aux balbutiements de la compréhension de l´olfaction chez l´homme. D´autant que certaines expériences restent sidérantes comme celles concernant la dégustation triangulaire olfactive qui consiste à identifier parmi trois verres, celui qui contient un vin différent des deux autres. Ainsi, aucune différence significative dans la perception olfactive n´a été décelée entre grands sommeliers parisiens et simples étudiants novices en la matière. Ces 10 « grands » sommeliers confrontés encore à 18 vins étaient ensuite censés les reclasser dans leur grande région française d´origine. La moyenne de leurs erreurs d´attribution a été proche de 13 et un sommelier s´est même trompé 18 fois sur 18 ! Pourtant, ils pouvaient non seulement sentir mais également voir. et même goûter les différents vins.