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Emploi viticole : accueillir un apprenti ne s'improvise pas

Parce que l’apprenti n’est pas un salarié comme les autres, son accueil au sein de votre entreprise est spécifique. Prendre en compte ses particularités favorise une collaboration bénéfique pour vous comme pour lui.

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Embaucher un apprenti suppose de dégager du temps pour le former, surtout la première année.
© J.-C. Gutner

Recruter un apprenti est une véritable décision de management car c’est un salarié particulier. Il induit un coût salarial (1), mais aussi un coût en temps de travail puisque le but est de le former. « Le premier formateur, c’est l’entreprise, expose Frédéric Herrada, directeur de l’unité de formation par apprentissage du lycée viticole Pierre Le Roy de Boiseaumarié à Orange. L’apprenti n’est pas autonome au départ, il le deviendra davantage au fil de la formation. » Le travail qu’il effectuera sur l’exploitation lui permettra d’obtenir son diplôme.

S’interroger sur ce que l’on va attendre de lui, sur les tâches que l’on va lui confier est la première étape. S’il est mineur, certains travaux sont interdits par le Code du travail, d’autres sont réglementés et nécessitent le dépôt d’une dérogation auprès de l’Inspection du travail pour pouvoir lui être confiés.

Informer l’ensemble des collaborateurs de l’exploitation du souhait d’intégrer un apprenti est également un réflexe à adopter. « Prendre un apprenti est une décision d’équipe. L’apprenti ressent s’il n’est pas le bienvenu », souligne Pauline Amet, chargée de développement de l’apprentissage à l’EPLEFPA (2) Les Sillons de Haute Alsace, à Rouffach. L’équipe peut être présentée dès l’entretien d’embauche.

Les attentes doivent s’accorder au niveau d’études de l’apprenti. « Un BTS viti-œno est formé pour gérer une équipe de taille. Pour un CAP, l’objectif est d’apprendre à tailler », illustre Frédéric Herrada. Michel Ferreira-Maia, directeur général adjoint d’Ocapiat en charge du service aux adhérents et du développement, encourage à s’assurer du contenu de l’enseignement avec l’établissement de l’apprenti et de ce qu’il doit mettre en pratique. « Ce qui est confié au jeune doit être en adéquation avec les matières du diplôme », rappelle-t-il. Ce conseil s’applique aussi aux entreprises habituées aux contrats d’apprentissage car les contenus des diplômes évoluent.

Le maître d’apprentissage, pilier du dispositif

Michel Ferreira-Maia estime que le choix du maître d’apprentissage est un point de vigilance essentiel. Ce n’est pas forcément le chef d’exploitation. « Un bon maître d’apprentissage va sécuriser la formation du jeune dans l’entreprise. Sa relation avec l’apprenti est déterminante pour la réussite au diplôme. Il doit être pas trop loin des tâches que le jeune va exécuter pour pouvoir s’assurer de la maîtrise des compétences », développe-t-il. « Plusieurs salariés de l’entreprise peuvent partager cette fonction. Cela permet à chacun de transmettre les compétences spécifiques de son poste de travail. Dans ce cas, un maître d’apprentissage référent est désigné au sein de l’équipe tutorale », précise le guide de l’apprentissage d’Ocapiat accessible en ligne.

Son nom est inscrit dans le contrat d’apprentissage. S’il doit répondre à certains critères d’expérience et de diplôme par rapport à celui que prépare l’apprenti, le maître d’apprentissage n’a plus de formation obligatoire. « Il n’est pas laissé seul. Le référent du CFA (Centre de formation d’apprentis) va le voir, lui explique son rôle », rassure Frédéric Herrada. Une de ses missions est de remplir chaque semaine le cahier de liaison avec les tâches réalisées en face de ce qui est au programme du CFA, ce qui prend, selon lui, environ 1 heure. Tout tuteur doit « déployer de la patience, de la persévérance et de la pédagogie », énonce-t-il.

Border les obligations administratives

« Être carré sur l’aspect réglementaire », est un conseil d’Évelyne Klinger, chargée du suivi en entreprise à l’EPLEFPA de Rouffach. « Un retard de paiement, une demande de congés à laquelle on tarde à répondre, une fiche de paye que l’on ne donne pas dans les temps, ça peut donner l’impression d’un manque de considération pour le jeune », illustre-t-elle.

Le CFA s’occupe de la rédaction du contrat qui est un formulaire Cerfa, de sa signature par Ocapiat, l’opérateur de compétences (Opco) de la filière agricole qui finance la formation. La déclaration préalable à l’embauche (DPAE) est à déposer auprès de l’Urssaf dans les huit jours qui précèdent l’embauche. Surtout, il faut prendre rendez-vous avec la médecine du travail pour la visite d’information et prévention (VIP) qui doit se dérouler dans les deux mois après la signature du contrat. Pour un mineur, elle intervient même « avant son affectation au poste », précise le guide de l’apprentissage Ocapiat. Claude Rozet, conseiller en prévention des risques au travail de la MSA Alpes Vaucluse, signale aussi que « si l’apprenti est mineur, c’est un médecin qui doit l’assurer pas une infirmière ». Anticiper la prise de rendez-vous est d’autant plus pertinent que « comme tous les contrats démarrent en même temps, il peut y avoir un goulot d’étranglement », alerte Frédéric Herrada.

Parmi les points réglementaires, ne pas oublier la déclaration de dérogation à déposer auprès de l’Inspection du travail (Dretts) si l’on souhaite confier au mineur des tâches réglementées.

La prévention sécurité, une mission permanente

Pour ces jeunes souvent propulsés du collège au monde du travail ou n’ayant pas d’expérience du secteur, la prévention des risques est un enjeu majeur. Partager le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est indispensable. Il faut donc que ce document soit à jour et complet. La MSA aide pour le constituer ou le mettre à jour, signale Claude Rozet. « Récupérer celui du voisin n’est pas adapté », glisse-t-il.

L’information doit aussi circuler oralement. « Il faut expliquer le fonctionnement des matériels viticoles, les dangers liés au dioxyde de carbone, aux pressoirs, aux tracteurs car l’apprenti ne connaît pas tout ça, sauf à être issu d’une famille viticole », insiste Frédéric Herrada. Comme d’autres CFA, son établissement se veut proactif en matière de prévention et convie les maîtres d’apprentissage à des réunions d’information. Attention aussi au port de charges limité selon l’âge et le sexe.

Attention à la jeune génération accrochée à son Smartphone

Claude Rozet alerte tout particulièrement sur les dangers auxquels sont exposées les nouvelles générations accrochées à leurs téléphones. « Un téléphone qui tombe sur le chapeau de marc et que le jeune veut récupérer, c’est un risque d’accident mortel avec le CO2. Le téléphone doit rester dans une boîte à l’entrée de la cave et n’être récupéré qu’à la pause. On ne peut pas regarder ses notifications et travailler en même temps. On doit être vigilant et avoir ses deux mains disponibles », martèle-t-il.

Tous nos interlocuteurs le soulignent, une interdiction passe beaucoup mieux si on explique pourquoi et si on donne des exemples. « Ne pas oublier que les apprentis sont en fin d’adolescence ! », ironise Claude Rozet. Les services prévention de la MSA diffusent des outils didactiques et visuels comme une « fresque d’accueil en cave », sensibilisant à tous les risques liés à la vinification. En cliquant à différents endroits de l’image numérique représentant toute l’activité de réception de raisin et de vinification, des messages vocaux détaillent la réglementation et les dangers potentiels.

Claude Rozet pointe que prendre son enfant en apprentissage a des incidences très concrètes en matière de prévention. L’enfant acquiert un statut de salarié. « Il ne peut par exemple pas utiliser de sécateur électrique si la dérogation n’a pas été demandée », illustre le conseiller. Des tensions peuvent naître de ce changement de situation.

La communication, le nerf de la guerre

Mieux vaut poser les règles dès le départ, même celles qui paraissent évidentes. « Souvent, l’apprenti entre dans une famille qui a son mode de fonctionnement sans qu’il soit besoin de se parler, constate Évelyne Klinger. Certains employeurs ont parfois du mal à comprendre qu’un jeune ne s’y plie pas tout de suite. » Elle souligne que les 15-18 ans ne sont pas forcément à l’aise pour poser des questions très pratiques, comme où se changer, où déjeuner. La règle de base est donc la communication. Toute occasion est bonne.

Elle conseille aussi de ne pas oublier de « montrer sa passion du métier », ce qui est beaucoup plus attirant qu’un « patron qui râle tout le temps ». L’exemplarité du dirigeant et de l’équipe est requise. L’apprentissage doit aussi ouvrir la curiosité professionnelle de l’apprenti. Pauline Amet observe que souvent, les maîtres d’apprentissage s’interdisent par exemple d’emmener l’apprenti dans une réunion professionnelle ou un rendez-vous technique. « Nous, on leur dit, emmenez-le, il en tirera toujours quelque chose », lance-t-elle. Elle incite aussi à ne pas l’enfermer dans des tâches de base et à fixer des objectifs à atteindre.

Un signe de bonne intégration qui ne trompe pas, selon elle : voir arriver au CFA des apprentis portant les vêtements de l’entreprise.

« La pyramide des âges en agriculture force à être dynamique sur l’apprentissage », conclut Michel Ferreira-Maia, directeur général adjoint d’Ocapiat.

(1) Le salaire de l’apprenti varie entre 27 % et 100 % du Smic. Ocapiat propose un simulateur de coût. Une aide à l’embauche de 6 000 euros est versée la première année mais elle risque d’être remise en cause par la loi de finances pour 2025
(2) Établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole

Cadrer l’accueil dès l’entretien d’embauche

L’entretien d’embauche est le bon moment pour expliquer les objectifs, le fonctionnement de l’entreprise ainsi que les attentes. C’est l’occasion de rappeler qu’il y a des horaires à respecter, qu’il faut être poli, respectueux. Dans des structures souvent petites et familiales, le manque de savoir-être d’un salarié ou stagiaire est particulièrement mal vécu. « Souvent les maîtres d’apprentissage remontent des difficultés relationnelles sur le savoir-être », relate Pauline Amet. Pour les mineurs, elle préconise de le rencontrer d’abord seul puis avec ses parents. Elle constate que « certains parents sont trop présents ou insistants mais le jeune peut ne pas être aussi motivé. On a le cas tous les ans ».

Un taux de rupture de 11 %

Michel Ferreira-Maia, directeur général d’Ocapiat, fait état d’un taux de rupture des contrats d’apprentissage de 11 % en 2022 pour les métiers rentrant dans la sphère de compétence d’Ocapiat. C’est moitié moins que le taux de rupture national, qui est de 21 % cette même année.

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