Cuves et chais vinicoles : ça bouge dans le béton !
Nouvelles formes, nouvelles compositions ; le béton ne cesse de se renouveler. Retour sur les dernières innovations, que ce soit au niveau des cuves, ou du chai.
Nouvelles formes, nouvelles compositions ; le béton ne cesse de se renouveler. Retour sur les dernières innovations, que ce soit au niveau des cuves, ou du chai.
Des cuves rondes et allégées chez Galiléo
Nadine Gublin, consultante œnologue pour le domaine Jacques Prieur à Meursault, en Côte d’Or a également été séduite par ces cuves Galiléo lors du Vinitech 2019. « J’ai eu un vrai coup de cœur pour l’aspect et l’esthétique de ce contenant », témoigne-t-elle. Le domaine a donc acquis une cuve fixe de 30 hl, pour vinifier et élever les blancs. En 2020, une partie du bourgogne générique y a été encuvée après pressurage et débourbage de 36 heures, l’autre partie allant dans des fûts de 228 litres. Les vins y ont fait leur FA, leur FML et sont restés sur lies. Avec au final, une réelle différence entre les deux lots. « Le vin provenant des cuves Galiléo avait davantage de dioxyde de carbone, révèle l’œnologue. Par ailleurs, il était davantage sur une réduction positive, avec des arômes de type iodés, pierre à fusil, pierre frottée. À l’inverse, la partie vinifiée et élevée sous bois était sur des notes de fleurs blanches, de noisette, de beurré. Les deux contenants sont très complémentaires. »
Depuis, le domaine a acquis une nouvelle Galiléo de 15 hl. « J’aime beaucoup ce que ce contenant apporte en termes d’aromatique et de sensation tactile, observe Nadine Gublin. J’ai l’impression que le contact et les échanges avec les lies sont différents. » Tant et si bien qu’elle envisage à l’avenir de troquer l’un des foudres de bois pour une autre cuve Galiléo. « Je ne vois que des avantages à ce contenant », assure l’œnologue, qui apprécie également la simplicité d’emploi et de nettoyage de la cuve.
Des cuves double paroi chez Sonoma by SAS
Ricard Sebastia Foraster, vigneron au Mas Foraster, en Catalogne, s’est équipé d’une grosse cuve carrée en 2020. Il en est très satisfait. Selon lui, ce béton est plus facile à nettoyer que celui de d’autres marques. Il apprécie par ailleurs la bonne inertie du contenant. « Je refroidis la vendange quand je la rentre dans le chai, détaille-t-il. Mais ensuite, je n’ai pas besoin de thermorégulation dans la cuve car le béton conserve bien la fraîcheur. » Le vin vinifié et élevé dans ce contenant bénéficie d’une micro-oxygénation homogène. La fermentation y est régulière, la macération s’y déroule sans encombre. Le vigneron pointe néanmoins deux bémols : la cuve est compliquée à vider post-FA, et elle est très lourde. « Il faut bien réfléchir à l’endroit où on la pose, recommande-t-il, car après, on ne peut plus trop la déplacer. » Des propos confirmés par Antoine Poupard, du domaine de la Petite Roche dans le Maine-et-Loire. Il s’est doté d’un Egg noir pour la vendange 2020, afin d’y vinifier du cabernet sauvignon et juge lui aussi que la cuve est lourde et difficile à déplacer. Il apprécie néanmoins sa simplicité d’utilisation et la micro-oxygénation qu’elle apporte.
« Le rendu est bon. Je vise une cuvée où la typicité du cépage soit conservée, précise-t-il. Avec du fruité, du volume, de la concentration. Et c’est ce que j’obtiens avec cet Egg. » Il est également satisfait des accessoires disponibles dessus, comme une porte de vinification, une trappe de vidange ou encore la thermorégulation à l’intérieur du béton. « Cela fait comme un plancher chauffant, illustre-t-il. La température dans la cuve est très homogène. » La paroi intérieure est lisse, ce qui en facilite le nettoyage. En revanche, l’entretien de la paroi extérieure est ardu. « J’ai eu un peu de jus qui a débordé lors de la macération, regrette-t-il. Et ça a laissé des traînées blanchâtres, un peu comme du tartre. » Pour l’ôter, Sonoma Cast Stone by SAS recommande un protocole très lourd, impliquant le ponçage de toute la cuve. « Ce n’est pas possible, regrette-t-il. Il faut que l’entreprise nous fournisse un protocole plus simple. » Cette dernière vient de tester un protocole allégé qui a donné de bons résultats : « en passant un produit (stone-color) avec un torchon de façon parcimonieuse, les coulures disparaissent », spécifie Christin Mellet, attaché commercial France pour Sonoma Cast Stone by SAS. Ce nouveau protocole sera donc déployé en France ce printemps.
Du béton biodynamique avec Pneumatit
L’entreprise suisse Pneumatit propose quant à elle, depuis 2016, une préparation homéopathique et dynamisée, permettant de créer du béton « biodynamique ». Cette solution liquide contient des substances minérales (sulfate de plomb, cuprite, carbonate de calcium, sulfate de cuivre, soufre natif), métalliques (plomb, fer, or, cuivre, mercure, argent, zinc), végétales (euphorbium, ginkgo) et animales (fémur droit du geai des chênes, coquille de Nautilus pompilius, écailles d’ailes de papillons). À cela s’ajoutent de l’eau, de l’éthanol et de l’indigotine, ce dernier élément conférant une couleur bleutée au liquide. Le produit s’incorpore dans la bétonnière au moment du gâchage à raison de 125 ml (20 euros HT les 125 ml) par mètre cube de béton.
Stéphane Bannwarth, vigneron alsacien basé à Obermorschwihr, dans le Haut-Rhin, s’est intéressé à ce produit dès 2017. Avant de franchir le pas, il a fait stocker une partie de son vin dans un local entièrement conçu avec du Pneumatit durant 28 jours, et a conservé l’autre dans son chai. Si le vin n’est pas ressorti différent à la dégustation, la cristallisation sensible a en revanche mis en avant un meilleur vieillissement. « Le vin ayant séjourné dans la pièce en béton Pneumatit avait une meilleure tenue, décrit-il. Ceux de mon chai étaient plus « fatigués ». » En 2018, il décide donc de couler son nouveau chai avec cette préparation. « Il est difficile d’être tranché sur l’apport du Pneumatit, nuance néanmoins Stéphane Bannwarth. Dans le local, on ne se sent jamais crispé, on ne ressent pas la masse des murs autour de soi ; on est bien. »
Le vigneron ne réalisant pas de comparatif, il est impossible de connaître l’impact exact de la préparation sur les vins. « Pour un coût supplémentaire, on peut espérer que ce soit mieux par rapport aux ondes environnantes, mieux pour la vie du vin, sa genèse et son vieillissement », met en avant Stéphane Bannwarth, qui s’est depuis équipé de cuves Nomblot dans lesquelles il a également demandé un ajout de Pneumatit.
Mêmes échos chez Étienne Suzzoni, du Clos Culombu, à Lumio en Haute-Corse. Il a fait appel à Pneumatit pour son chai et ses cuves en 2019, suite à une formation en biodynamie. Il a utilisé cette solution « homéopathique » dans une partie de son nouveau chai (murs, dalles au plafond et sols) d’élevage et de vinification, ainsi que dans ses cuves Œufs de Beaune. Mais il estime lui aussi que le résultat est difficile à évaluer, faute de comparatifs. « Les vinifications s’y déroulent bien, tout comme l’élevage, rapporte-t-il. Ce n’est pas magique, mais je pense qu’il y a quelque chose. »
demain
Bientôt un béton avec du graphène ?
En 2017, l’université britanniuquee d’Exeter annonçait avoir mis au point un béton à la fois beaucoup plus robuste que le béton actuel, mais aussi plus résistant à l’eau et surtout plus écologique. Son secret : être en partie composé de graphène. Résistant, stable et conducteur, le graphène est, selon Le Robert, un nanomatériau composé de cristal de carbone dont les atomes sont organisés en cellules hexagonales.
voir plus loin
Eode, le chai béton préfabriqué d’Ingévin
Le bureau d’études Ingévin a lancé récemment Eode, son concept breveté de chai en béton préfabriqué. « Les panneaux de béton sont faits en usine, dévoile Roman Tournier, chef de projet process & chargé de communication d’Ingévin. On les assemble directement sur place. » La plus grosse innovation réside dans le fait que ces panneaux constituent à la fois les murs de la structure et… les parois des cuves ! Cela permet à la fois un gain de place et une limitation des coûts.