Comment ôter les goûts de mildiou dans un vin rouge ?
L’attaque de mildiou de cet été a eu un impact sur certaines cuvées de rouge. Voici comment procéder si vous faites face à ce défaut.
L’attaque de mildiou de cet été a eu un impact sur certaines cuvées de rouge. Voici comment procéder si vous faites face à ce défaut.
Cette année, de nombreux domaines ont (re) découvert le goût de mildiou sur leurs vins rouges. Certains ont été très touchés par ce phénomène, d’autres juste un peu ; d’autres encore l’ont été sur certaines cuves et non sur d’autres, pourtant remplies avec le même cépage de la même parcelle. Pourquoi de telles différences ? « Nous n’avons pas encore d’éléments de réponse », regrette Stéphane Becquet, œnologue et animateur conseil des Vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine. Néanmoins, Philippe Darriet, enseignant et directeur de l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV), avance le fait que certains des composés donnant ces goûts de mildiou (voir sous-papier) sont volatils. En conditions chaudes et sèches, ils peuvent être éliminés.
La macération alcoolique extrait les composés odorants
Lorsque tel n’est pas le cas, c’est la macération alcoolique qui les extrait et révèle donc le défaut. Pour éviter de faire les frais du manque de netteté aromatique induit par le mildiou, plusieurs recours existent. À commencer par le tri à la vigne ou au chai. Dimitri Basevi, œnologue conseil chez Enosens, à Grézillac, en Gironde, note que sur ce millésime 2023, les trieurs densimétriques ont donné de très bons résultats, écartant parfois jusqu’à l’équivalent d’une benne sur trois de baies flétries par le champignon ! Philippe Darriet préconise également l’usage de trieurs densimétriques mais cite aussi ceux avec flux d’air. Et il souligne que bien souvent, un éraflage ne suffit pas.
Le second réflexe à avoir est d’écarter les premiers jus des bennes à vendange, qui ont macéré avec les raisins attaqués par le mildiou. « Je recommande de les débourber et de les coller à la PVPP (1) ou à la protéine de pomme de terre, voire de mettre un charbon décontaminant », détaille Dimitri Basevi.
Sur le reste de la vendange, il s’accorde avec Stéphane Becquet sur le fait de ne pas trop extraire, surtout si le tri n’a pas été optimal. « Une extraction enzymatique douce permettra de détruire les pellicules sans action mécanique, soutient-il. Ensuite, je préconise de faire peu de remontages et de laisser infuser. »
Si tout cela n’a pas pu être mis en place ou n’a pas été suffisant, le masquage du caractère végétal par l’ajout de bois, que ce soient des granulats, des copeaux ou des staves, donne de bons résultats. « Si on agit à l’encuvage, un apport de granulats à raison de 4 à 5 g/l, avec une proportion de deux tiers de bois frais et un tiers de bois chauffé permettra au boisé de prendre le pas sur le végétal », indique Dimitri Basevi. En post FML, des copeaux (2 g/l maximum) ou des staves (1 ou 2/hl maximum) apporteront volume et structure au vin ; sucrosité et gourmandise. De même, recourir à l’assemblage est une bonne voie.
Le collage, efficace pour certains, inutile pour d’autres
L’œnologue conseil estime que le collage, en FA à la dose de 10 à 20 g/hl de PVPP ou de patatine ; ou à la gélatine ou colle végétale en post FML, donne aussi de bons résultats. Philippe Darriet estime lui aussi que les traitements correctifs par collage peuvent bien fonctionner, mais Stéphane Becquet est pour sa part plus mitigé sur l’action de la colle sur ce défaut.
plus loin
Davantage de vin de presse
La chambre d’agriculture de la Gironde a étudié l’impact du mildiou durant les millésimes 2008 et 2009 et a établi que le rendement global en jus diminue fortement avec l’intensité d’attaque de mildiou. « Cette différence devient particulièrement sensible pour les modalités comprenant 30 % et 50 % en masse de grains atteints, pointent les conseillers. La proportion de vin de presse augmente aussi très fortement. » Ils ont également constaté une hausse « sensible » de l’IPT pour les attaques les plus fortes, une augmentation de l’acidité totale et une diminution du pH. De même, ils ont observé une forte hausse du taux de combinaison du SO2 pour les intensités les plus fortes.
Le goût de mildiou, quésako ?
Le goût de mildiou se caractérise par « des notes végétales plus accentuées, un goût tannique, sec et amer, avec des arômes de lierre et champignons frais », décrit Dimitri Basevi, œnologue conseil chez Enosens, à Grézillac, en Gironde. Pour Stéphane Becquet, œnologue et animateur conseil des Vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine, il s’agit plutôt d’une certaine dureté en bouche, d’une verdeur. De son côté, une étude de la chambre d’agriculture de la Gironde, menée durant les millésimes 2008 et 2009, a mis en évidence que la présence de rot brun entraînait l’apparition de « notes végétales », avec un fruité « fortement diminué ». « De nombreux dégustateurs s’accordent sur une perception de type 'feuille de lierre', écrivent les conseillers de la chambre. En bouche, le mildiou entraîne un amaigrissement et une augmentation de la dureté des tanins. L’équilibre du vin est ainsi fortement altéré. »
Diverses molécules rentrent en jeu dont le salicylate de méthyle
Philippe Darriet, enseignant-chercheur et directeur de l’Institut des sciences de la vigne et du vin, complète ces propos et précise que l’arôme de ces vins est un mélange de notes végétales et de fruits cuits. Cela provoque « un manque de netteté caractéristique » dans les vins. Plusieurs molécules entrent en jeu. La dégradation des lipides de la pellicule provoquée par le champignon conduit à la formation de composés donnant des notes végétales, herbacées évoquant la feuille de géranium. En 2018, Alexandre Pons a mis en évidence que la dégradation des lipides amenait aussi la production de molécules donnant des arômes de fruits surmûris, et plus précisément de pêche cuite, de figue sèche, voire de pruneau impliquant la 3-méthyl-2,4-nonanedione, et plusieurs lactones dont la gamma-nonalactone.
Parallèlement à cela, sur certains cépages comme le cabernet sauvignon, la présence de rot brun va bloquer la maturation des raisins et stabiliser les teneurs en IBMP (3-isobutyl-2-méthoxypyrazine), ce qui conduit à des notes de poivron. Enfin, l’attaque du champignon peut conduire à la formation dans la baie d’une molécule de défense : le salicylate de méthyle, qui se caractérise par des notes vertes médicinales et camphrées.
Les dégustations effectuées par la chambre d’agriculture de la Gironde montrent qu’à partir de 5 % d’intensité d’attaque, la qualité du vin est affectée et certains dégustateurs rejettent le produit.