Comment gérer l’instabilité protéique des vins blancs et rosés et éviter la casse protéique ?
L’instabilité protéique des blancs et des rosés semble devenir plus fréquente. Très surveillée, elle n’est toujours pas mesurable au grand dam des vinificateurs qui cherchent à réduire leurs intrants.
L’instabilité protéique des blancs et des rosés semble devenir plus fréquente. Très surveillée, elle n’est toujours pas mesurable au grand dam des vinificateurs qui cherchent à réduire leurs intrants.
Frédéric Eichebrenner, œnologue conseil au Laboratoire œnologie Gauthier, à Sauveterre-de-Guyenne, en Gironde
« Bien préparer le collage est primordial »
« En tant que conseiller, on propose systématiquement à nos clients de vérifier l’instabilité protéique de leurs vins blancs et rosés par un test à chaud. Cela permet d’estimer le risque d’apparition d’un trouble, mais ce n’est pas une mesure. Sans en tirer de conclusions définitives, je dirais que les instabilités protéiques sont plus élevées sur les millésimes concentrés. Aujourd’hui, environ 90 % des vins sont instables et les doses de traitement recommandées ont tendance à progresser. Pour cette raison, la bonne mise en œuvre du collage est primordiale. En travaillant avec précaution, on peut diminuer la dose de bentonite et éviter les impacts négatifs sur le potentiel aromatique et le volume en bouche du vin. Tant que la dose reste inférieure à 30 g/hl, l’impact est faible. On a montré chez des clients qu’avec certaines précautions à la préparation du collage, on peut éviter 20 à 40 g/hl de bentonite pour une même efficacité. Il faut réhydrater la bentonite par ajouts progressifs d’eau puis attendre au moins 4 heures que les feuillets gonflent. Le brassage est recommandé sur deux jours consécutifs. Et après traitement on refait le test. Si on veut éviter de coller le vin, le seul moyen est de l’élever sur lies. »
Pierre Fonteneau, œnologue conseil chez Burgundia œnologie, à Beaune, en Côte-d’Or
« Une logique de diminution des intrants, notamment des enzymes, peut s’avérer contre-productive »
« Traditionnellement le chardonnay est peu sensible à la casse protéique mais cette problématique le concerne de plus en plus. J’y vois deux raisons principales. Le changement climatique qui stresse la vigne et amène davantage de contenu protéique. Et l’utilisation d’inhibiteurs de précipitation tartrique de type CMC ou polyaspartate qui interagissent avec les protéines résiduelles, ce qui génère du trouble. Avec nos clients, nous analysons la cohérence de leurs schémas de vinification et d’élevage pour les amener à un juste niveau de risque. Produisent-ils des raisins et des moûts particulièrement instables ? Quelles sont leurs pratiques de sulfitage, de pressurage, d’enzymage, de stabilisation tartrique ? Effectuent-ils un élevage sur lies ou des vinifications en fûts ? Tous ces choix techniques ont une incidence sur la stabilité finale du vin. Une logique de diminution globale des intrants, notamment dans le cas des enzymes, peut parfois s’avérer contre-productive vis-à-vis des doses de bentonites nécessaires à la stabilisation. J’ajouterai que le « zéro » protéine n’est pas une fin en soi pour les grands blancs de chardonnay. Nous préférons souvent une légère instabilité maîtrisée, assumée, mais l’intégralité des qualités du vin préservées. »
Éric Meistermann, directeur du pôle Alsace de l’IFV
« Le mécanisme exact de la casse protéique n’est toujours pas connu »
« On sait que la casse protéique est provoquée par des protéines instables qui floculent avec d’autres composés, mais le mécanisme exact n’est pas connu. On sait aussi que le phénomène est déclenché par l’augmentation de la température et que le pH joue un rôle important. Mais le comportement des vins est très variable, ce qui complique l’évaluation du risque réel à l’aide d’un test simple, sans faux-positifs et avec la garantie que le vin n’aura pas de problème. La stratégie actuelle de stabilisation consiste à traiter à la bentonite tant que l’on détecte des protéines instables. Le gewurztraminer, cépage très instable, est traité systématiquement sur moût avec une efficacité réelle et sans préjudice qualitatif. Mais ces stratégies ont des limites si on cherche à baisser les intrants. Des vignerons choisissent aussi, avec succès pour certains, de ne pas traiter leurs vins. Dans ce contexte, un projet de recherche démarre avec pour but de développer un ou des outils pour répondre à différentes questions : Le vin est-il ou non instable ? Mérite-t-il d’être traité compte tenu des marchés auxquels il est destiné ? Comment définir la dose de bentonite adaptée en évitant les surdosages inutiles ? »