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Vitipastoralisme : Ce qu’il faut savoir avant de se lancer

Il n’existe pas de mode d’emploi concernant le vitipastoralisme. Mais les nombreuses initiatives de pâturage des brebis dans les vignes permettent de tirer quelques enseignements pour aider ceux qui souhaitent se lancer.

Les brebis se prêtent bien au pâturage des vignes, à condition de prendre quelques précautions.
© CHATEAU PRÉ VERT

Toutes les surfaces peuvent-elles être mises en pâturage ?

L’enquête Brebis_Link souligne qu’il convient d’éviter les parcelles où les ceps sont trop jeunes ou trop bas, trop risquées quant aux dégâts potentiels. Attention également aux parcelles trop éloignées les unes des autres, qui demandent trop de temps de pose de clôture et des déplacements compliqués. Dans les cas recensés, la taille de l’interrang variait de 1 à 3 m. En cas de vignes étroites, la race se révèle être un facteur important : elle doit être petite et calme.

À quelle période ?

L’installation la plus courante des brebis dans les vignes est lors de la phase hivernale, entre novembre et mars. Elles entretiennent le sol et permettent d’avoir un couvert végétal minimal lors de la reprise de la végétation au printemps. Certains viticulteurs utilisent les brebis lors de la saison végétative, mais cela est plus délicat à gérer. Pour les laisser entretenir le sol sans craindre des dégâts sur la vigne, la muselière Winebaa est une solution. Elle empêche les animaux de manger les feuilles des vignes mais leur permet de consommer le couvert herbacé. Guillaume Jacquemin, vigneron au château Pré Vert, à Razac-de-Saussignac en Dordogne, est convaincu par l’essai. Ayant appris que le fabricant néo-zélandais du Winebaa a suspendu son activité, il envisage d’en faire fabriquer des copies en trouvant un plasturgiste. D’autres viticulteurs organisent des rotations rapides, car ils ont constaté que leurs brebis ne s’attaquent à la vigne que lorsqu’elles n’ont plus d’herbe à brouter. Quelques vignerons ont trouvé le moyen de réaliser l’effeuillage et l’épamprage à l’aide des brebis, en laissant les animaux dans les vignes entre mai et août sur de courts laps de temps.

Quel cheptel pour mes vignes ?

Certains achètent leurs propres animaux, mais au-delà d’un certain nombre de têtes cela revient à devenir soi-même éleveur. Les grandes structures salarient parfois des personnes dédiées à la gestion du troupeau. Les sociétés de prestation se développent également, elles offrent l’avantage d’avoir une solution souple et facile pour le viticulteur. Mais dans la plupart des cas, il s’agit de partenariats entre un viticulteur et un éleveur. L’idée étant d’avoir un système gagnant-gagnant : le viticulteur profite de l’effet désherbant et fertilisant ; et l’éleveur profite gratuitement de terres pour l’hivernage de son troupeau. " Même si on collabore avec un berger, adhérer à cette approche agronomique nécessite d’avoir une fibre d’éleveur", considère Pierre-Yves Petit, coordinateur de Vignes en transition, structure de mise en réseau d’expériences et de connaissances sur l’agroécologie.

Toutes les races sont-elles adaptées ?

La petite taille des animaux est un facteur majeur pour limiter les risques de dégâts causés aux vignes. La rusticité est également une condition essentielle. Les moutons d’Ouessant semblent particulièrement adaptés parce qu’il s’agit des plus petits moutons au monde (45 cm de haut pour les femelles). De plus, c’est une race qui n’est ni réputée pour la qualité de sa viande, ni pour celle de sa laine, ce qui n’attire pas les convoitises. Les animaux résistent très bien aux conditions hivernales même sans abris. Assez peureuses, les brebis restent en groupe et ne cherchent pas à s’échapper, ce qui en fait des animaux faciles à gérer pour des novices. Étienne Loew, du domaine Loew à Westhoffen en Alsace en a acquis il y a deux ans. En observant ses 2 brebis et son bélier dans sa parcelle de vigne de 4 ha du Bruderbach, il constate que « c’est une race résistante, trapue, assez petite pour passer sous les fils qui ne nécessite pas de surveillance particulière ». Selon lui, son seul défaut est « qu’elle ne se reproduit qu’à raison d’un agneau par an ». Mais pour certains, la race doit être locale.

Quelle charge d’animaux par hectare sur la parcelle faut-il prévoir ?

Le chargement doit être adapté à la ressource fourragère et au résultat souhaité. La chambre d’agriculture de Dordogne donne quelques ordres de grandeur : 170 brebis sur quatre jours pour un hectare au printemps permettent l’entretien d’un couvert semé. L’hiver, un hectare peut recevoir 160 à 240 brebis pendant deux jours. Guillaume Jacquemin, au château Pré Vert en Dordogne, ne dépasse pas les 100 animaux par hectare. À noter qu’il existe plusieurs stratégies : certains installent les brebis sur de grandes surfaces pour les laisser plus longtemps, d’autres préfèrent les concentrer sur de petites surfaces et les déplacer régulièrement.

Qu’est-ce que ça modifie dans les travaux viticoles ?

La présence des brebis ne perturbe pas les pratiques et travaux agricoles. La taille peut se faire en présence des animaux. Pour éviter que les brebis éparpillent les sarments, il peut être intéressant de les ramasser et de les broyer au fur et à mesure. Par ailleurs, la plupart des propriétaires ne fertilisent plus les vignes, estimant que les déjections des brebis suffisent. L’enquête Brebis_Link relève cependant que les clôtures compliquent les interventions en tracteur, notamment en empêchant de tourner au bout des rangs. Les brebis peuvent parfois casser les baguettes.

Qui gère les clôtures ?

La répartition des tâches s’étudie au cas pas cas. En règle générale ce sont les éleveurs qui prennent la responsabilité de s’occuper des clôtures, mais certains viticulteurs préfèrent gérer eux-mêmes ou embaucher des bergers à temps partiel. La gestion journalière prend environ une heure. Deux heures sont nécessaires en début de saison pour s’assurer que les clôtures électriques sont en places. Les actes de vandalisme en revanche sont nombreux. C’est souvent le vigneron qui finance la clôture. Guillaume Jacquemin du château Pré Vert indique un prix de 40 € pour 50 m et en utilise donc 8 par ha. Dans des cas très particuliers, la clôture est évitée. Par exemple au Clos Liebenberg du domaine Valentin Zusslin, un espace naturellement clos de 3,5 ha où pâturent 20 à 30 moutons d’un éleveur voisin de novembre à mars.

L’enherbement naturel est-il suffisant pour nourrir les brebis ?

La qualité fourragère des parcelles peut être insuffisante. L’étude Brebis_Link souligne que les brebis envoyées dans les vignes doivent avoir des besoins alimentaires limités (animaux âgés, vides ou en tout début de gestation). Si elles sont en lactation ou gestantes, un complément de foin et de céréales est à prévoir.

Quel risque en cas d’utilisation de cuivre ?

Le cuivre peut s’avérer toxique pour les moutons. Il s’accumule dans le foie et peut provoquer la mort de l’animal à partir d’un certain seuil. Le syndicat de la clairette de Die a mené une expérimentation avec le FiBL France (branche française de l’institut technique d’agriculture biologique suisse). Des analyses de sang ont été faites sur les brebis avant et après pâturage en hiver, et ont révélé que la valeur du cuivre n’atteint pas le seuil de dangerosité, malgré des teneurs dans la végétation élevées. " Toutefois on observe bien le phénomène d’accumulation pendant la phase hivernale, affirme Martin Trouillard, du FiBL. Se pose donc la question de la dangerosité au fur et à mesure des années ou pendant la phase végétative. Nous avons besoin de continuer les recherches." D’autant plus que de nombreux facteurs influencent le niveau d’exposition comme le lessivage du cuivre, la teneur en molybdène, la race des brebis…

Quel effet sur le tassement des sols, notamment en cas de sol très humides ?

Les avis divergent sur la question. Pour certains, la façon de marcher des moutons fait qu’ils tassent très peu les sols. D’autres observent toutefois des phénomènes de tassement dans les parcelles pâturées par temps humide. C’est notamment le cas du prestataire de labour à cheval Trait de Caractère basé à Lorgues dans le Var, qui le constate lors de ses travaux. En l’absence de données expérimentales validées sur le sujet, le plus prudent est donc d’éviter le pâturage en condition trop humide et de limiter le temps de pâturage ou la taille du troupeau.

Lire la suite de notre dossier sur le vitipastoralisme : 

 

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