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Quel avenir pour le cuivre ?

La Commission européenne a proposé un renouvellement du cuivre pour cinq ans seulement. Au sein des États membres, les avis sont partagés, et l’issue du vote reste incertaine.

Le cuivre sera-t-il sacrifié sur l’autel de la sortie des pesticides ? « C’est malheureusement un scénario que l’on ne peut pas encore écarter », regrette Matthias Weidenauer, président de la task force européenne pour le cuivre. Pour rappel ladite matière active est actuellement en cours de réapprobation par la Commission européenne, son autorisation ne courant que jusqu’en janvier 2019. Un processus de renouvellement qui revient tous les sept ans pour l’ensemble des substances actives destinées à la protection des plantes. Sans le précieux sésame de l’Europe, il est impossible pour les États membres de délivrer les homologations des produits contenant ces molécules sur son territoire.

Interdire le cuivre, substance naturelle utilisée pour la protection des cultures depuis plus de cent cinquante ans et principal rempart contre le mildiou en viticulture biologique, cela paraissait complètement insensé il y a encore quelques années. Et pourtant, la question agite aujourd’hui toute la filière. Il faut dire que le contexte a changé depuis la dernière approbation. Car en 2007, le règlement communautaire Reach, destiné à sécuriser la production et l’utilisation des substances chimiques est entré en vigueur.

La viticulture n’a pas pris au sérieux une première alerte en 2015

Ce texte introduit l’idée de retirer progressivement les molécules les plus préoccupantes, en se basant sur les caractères cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, mais aussi bioaccumulables. En 2015, l’Europe a publié une liste de 77 candidats à la substitution, dont les sels cupriques, estimés persistants et toxiques. Une première alerte qui est passée globalement inaperçue dans le milieu viticole. Il faut dire que les combats de la profession sont nombreux, et qu’une interdiction du cuivre paraissait trop grosse pour être vraie. C’est à cette même date qu’a commencée la procédure de réévaluation de la substance par l’Europe, avec la France comme rapporteur sur le sujet, et l’Allemagne en corapporteur. L’inquiétude, quant à elle, est née à la suite de la parution du rapport de l’Anses en 2017, censé orienter l’Efsa (agence de sûreté européenne) et donc la Commission. Ce dernier fait état d’un « risque important » de contamination de l’environnement, notamment les sols, les eaux de surface et les sédiments. Il identifie également un risque pour les travailleurs viticoles, pour les organismes aquatiques, les oiseaux et les organismes du sol dès lors que l’on dépasse la dose de 4 kg/ha/an. Des conclusions que n’entendent pas les défenseurs du cuivre. « Le système d’évaluation des pesticides est conçu pour des molécules de synthèse, explique Mathias Weidenauer. L’Anses ne dispose pas de méthode qui soit adaptée à un élément naturel métallique. » Un biais contre lequel la task force avait mis en garde dès 2014, sans être entendue. Pourtant, l’agence fait elle-même état dans son rapport de nombreux éléments manquants pour apprécier précisément l’impact de la substance.

Des positions très disparates au sein des États membres

En attendant, l’Efsa s’est alignée sur le document de l’Anses, et la Commission souhaite avancer sur le sujet, la date limite ayant déjà été reculée d’un an. Malgré les réserves de l’Allemagne et de l’Italie sur la méthodologie, le vote sera donc maintenu, et devrait avoir lieu en octobre, après concertation des États membres en juillet. Pour l’heure, la Commission a proposé un renouvellement pour une courte durée, cinq ans, avec une limitation à 4 kg/ha/an, sans faire état de possibilité de lissage. En parallèle, il sera demandé à l’Efsa de développer une méthode adéquate pour pouvoir statuer à l’issue des cinq ans. Mais les débats devraient être pour le moins houleux. Les pays du nord de l’Europe sont plutôt réticents, à l’instar du Danemark et des Pays-Bas qui ont interdit le cuivre sur leurs territoires depuis de nombreuses années. Le Danemark a d’ores et déjà annoncé qu’il votera contre un renouvellement à 4 kg. Selon Sonja Kanthak, de la fédération des vins biologiques allemands, l’Allemagne devrait voter pour. Rappelons toutefois que le cuivre a été sur la sellette dans ce pays il y a quelques années, et qu’il doit son salut à l’interdiction des phosphonates dans le règlement bio européen. Berlin pourrait donc se montrer plus à même d’accepter les restrictions que d’autres. Les pays du sud de l’Europe, souvent marqués par la culture de la vigne, devraient se positionner plutôt pour une autorisation, sans que l’on ait plus d’indications sur les conditions.

La profession agricole unanime demande à négocier les 6 kg/ha/an

En France, le contexte est toujours flou. « C’est un dossier compliqué », avoue Olivier Pruneaux, au ministère de l’Agriculture. Et pour cause. La position devra être un compromis issu du dialogue entre les ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Santé. Si le premier devrait favoriser l’aspect protection des cultures, le deuxième est pris en tenailles entre soutenir l’agriculture biologique et les questions environnementales que cela pose, et le troisième pourrait suivre la position de son organisme sanitaire, à savoir l’Anses. Dès lors, l’ensemble de la profession agricole est actuellement mobilisé pour faire pression sur nos dirigeants. Dans un courrier commun, elle demande explicitement au ministère que soient maintenues la dose de 6 kg/ha/an et la possibilité de lissage. « Une enquête nationale d’utilisation du cuivre sur 5 millésimes (ITAB, IFV) {…} montre l’impossibilité de réduire les doses de cuivre autorisés à 4 kg/ha/an, même en maintenant le lissage, notamment pour les vignobles septentrionaux et atlantiques », stipule-t-il.

La Fnab appelle le gouvernement à être cohérent

Philippe Huppé, député de l’Hérault et nouveau coprésident de l’association des élus du vin (Anev) a également envoyé au Premier ministre une lettre allant dans ce sens. De son côté, la fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) appelle le gouvernement à être cohérent « Parmi ses priorités figurent l’interdiction des substances les plus dangereuses et le développement des alternatives, au premier rang desquelles l’agriculture biologique. Le réseau Fnab ne comprendrait pas que le gouvernement français soutienne une réduction des usages du cuivre dans l’état actuel des données disponibles, sans aucun plan d’action en face. »

Cependant, bien que les fabricants de cuivre et la filière viticole fassent tout leur possible, l’issue du vote dépendra de la volonté politique. L’exemple du glyphosate nous a montré qu’aujourd’hui l’opinion publique semble plus importante dans la prise de décision que les problématiques techniques. Et même si la filière obtient gain de cause, il restera encore une interrogation celle de savoir ce que les États membres en feront. Car la boîte de pandore est ouverte, et l’Anses pourrait imposer des restrictions dans les futures autorisations de mises en marché (AMM) dans la lignée du rapport de 2017. « Le risque, c’est de voir apparaître des conditions d’utilisation beaucoup plus strictes, comme des ZNT (Zones non traitées) étendues pour protéger les organismes aquatiques ou encore le renforcement des EPI (Équipements de protection individuelle) nécessaires », avertit Diane Pellequer de la Fnab.

Il y a un gros risque de déconversions en bio

Cinq ans, à l’échelle de l’existence du cuivre c’est ridicule. Aussi je ne comprends pas cette proposition de la Commission. Si jamais le vote va dans le sens d’une autorisation à 4 kg/ha/an sans lissage, ce sera un mauvais coup pour la viticulture biologique. La dynamique de conversion serait assurément stoppée, et il y aurait surtout un gros risque de voir des vignerons bio revenir en arrière. Mais cette question de retirer le cuivre un jour est un problème aussi pour les conventionnels, qui utilisent près de la moitié des volumes. D’une part c’est un produit très intéressant en termes de coût, mais il permet aussi de gérer les résistances. Et c’est également le seul produit utilisable en post-vendange pour lutter contre le mildiou mosaïque et favoriser la mise en réserve. Et puis il y a un côté hypocrite, car le cuivrol, lui, sera toujours autorisé… Mais je suis de nature optimiste, et rien n’est irréversible. J’ose espérer que l’on se rendra compte que nous sommes allés trop loin dans le principe de précaution et que le cuivre sera réévalué à sa juste valeur.

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