Bretts, la révolution est en marche
Détecter jusqu’à la dernière Brett grâce à des nanoparticules d’or ou encore caractériser le profil génétique des souches en présence. Voici les grandes innovations qui vous attendent.
Détecter jusqu’à la dernière Brett grâce à des nanoparticules d’or ou encore caractériser le profil génétique des souches en présence. Voici les grandes innovations qui vous attendent.
Les moyens de lutte actuels se relèvent parfois insuffisants, voire inefficaces, pour pallier l’apparition de goûts phénolés. Mais la recherche s’oriente vers des outils de plus en plus pointus pour enrayer les Bretts. Tour d’horizon.
Et s’il était possible de détecter jusqu’à la dernière Brett présente dans un échantillon de vin ? Un défi tout à fait réalisable selon Pierre-Michel Adam, de l’université de Troyes. En partenariat avec les universités d’Udine, en Italie, et de Chengdu, en Chine, les chercheurs ont mis au point des nanocapteurs plasmoniques capables de détecter la présence de B. bruxellensis à des teneurs très faibles. La première étape consiste à synthétiser des nanoparticules d’or, sur lesquelles les chercheurs fixent ensuite une sorte de molécule serrure. « Il s’agit d’une Brett biofonctionnalisée, c’est-à-dire sur laquelle a été rajoutée une fonction thiol afin qu’elle puisse se fixer sur les nanoparticules d’or. Les Bretts présentes dans le milieu peuvent quant à elles se fixer sur ce complexe par hybridation des brins d’ADN », explique Pierre-Michel Adam. Dès qu’une Brett s’attache sur cette molécule soufrée, les chercheurs captent une modification des propriétés optiques de la nanoparticule, se traduisant par un changement de couleur. Ainsi, il leur est possible de détecter la présence de Bretts à des teneurs de l’ordre de 0,1 ng/µl. « Nous pouvons jouer sur la géométrie et l’arrangement des nanoparticules pour augmenter la précision de la mesure. Ainsi, il serait possible de détecter même une seule levure », souligne le chercheur. Mais surtout, pourquoi ne pas voir plus loin en imaginant un traitement curatif ? « Cela se fait déjà dans le milieu médical. Il suffit d’envoyer la bonne fréquence lumineuse sur la nanoparticule afin qu’elle entre en résonance. La lumière est ensuite transformée en énergie thermique, ce qui provoque un échauffement du milieu environnant et une destruction des molécules agrégées autour de la nanoparticule », poursuit le physicien. Même si elles présentent un potentiel énorme, il faudra sans doute un peu de temps avant que ces nanotechnologies ne soient transposables dans les laboratoires œnologiques.
De récents travaux menés par les chercheurs de l’ISVV (Institut des sciences de la vigne et du vin) de Bordeaux ont permis de caractériser différentes souches de B. bruxellensis en fonction de leur profil génétique. « Trente-trois souches d’origines variées ont été testées, puis classées, en trois grands groupes génétiques : A, B et C », explique Julie Maupeu, ingénieure en microbiologie de la cellule de transfert de l’ISVV Microflora. En pratique, les souches appartenant au groupe A sont dites « tolérantes » au SO2. « Autrement dit, elles peuvent se développer dans un milieu contenant jusqu’à 0,6 mg/l de SO2 actif. La phase de latence sera plus longue mais au final la croissance des populations ne sera pas impactée », commente-t-elle. À l’inverse, les souches appartenant aux groupes B et C sont plus sensibles à la présence de sulfites et sont inhibées dès lors que l’on dépasse 0,4 mg/l de SO2 actif. L’ISVV vient donc de développer, et de breveter, un test moléculaire par PCR qui permet d’analyser les souches de Bretts présentes dans un échantillon de vin afin de déterminer leur groupe génétique et ce, dans un délai d’une semaine. « Avec cette information, les vignerons pourront ajuster leurs pratiques. S’ils sont en présence de souches du groupe A, ils n’auront pas intérêt à forcer le sulfitage mais plutôt à miser sur un soutirage suivi d’une filtration par exemple », commente Julie Maupeu. Le test pourrait être disponible d’ici six mois environ, à condition que les chercheurs obtiennent suffisamment de financements pour poursuivre leurs travaux actuels. À plus long terme, l’objectif est d’évoluer vers une analyse qualitative (qPCR) pour quantifier les populations de Bretts de chaque groupe génétique, en 24 heures seulement.
De son côté, Inter Rhône planche sur une nouvelle application capable d’estimer le risque de croissance de Bretts et de production de phénols au cours de l’élevage. « Nous voulons simplifier le travail pour les vignerons par rapport aux outils déjà existants », précise Mohand Sadoudi, chargé d’études pour Inter Rhône. Pour ce faire, le chercheur n’a retenu que quelques paramètres clés. Il s’agit du pH, de la température, du degré alcoolique, de la richesse en sucres, du SO2 actif et de la présence ou non de lies. « Les tests en cours vont nous permettre de vérifier si ces facteurs sont suffisants pour donner une estimation du risque fiable », poursuit-il. Les essais ont démarré en 2015 sur une solution synthétique. Au total, 54 modalités ont été testées pour trois souches de Bretts différentes. Quant aux expérimentations menées depuis le début de l’année, elles ont pour but de valider les résultats sur vin réel. « Pour le moment, les essais sont très encourageants et renvoient à des conclusions similaires à celles obtenues sur solution synthétique », note le chercheur. Sans surprise, le SO2 actif, le taux d’alcool et la température sont les critères les plus déterminants. Le test devrait être accessible en ligne, et gratuitement, dès 2018. « Nous accompagnerons les prédictions par des préconisations afin d’aider les vignerons à comprendre d’où provient le risque pour mieux le gérer », précise Mohand Sadoudi.
Mathilde Leclercq
Optimiser la désinfection des fûts
L’ozone gazeux est le moyen le plus efficace pour désinfecter les fûts. Telle est la conclusion des travaux présentés par Engela Kritzinger, de l’institut de viticulture et d’œnologie DLR Rheinfpfalz en Allemagne, lors du séminaire Macrowine. Cela va dans le sens des résultats précédemment obtenus par Nicolas Richard d’Inter Rhône. Contrairement à son homologue français, Engela Kritzinger a réalisé ses essais non pas sur des barriques mais sur des cubes de chêne français de chauffe moyenne. Parmi l’ensemble des modes de désinfection testés, la chercheuse pointe également l’efficacité du percarbonate de soude, de la vapeur, de l’acide péracétique et du SO2. Cependant, contrairement à Nicolas Richard, qui préconisait un méchage à 5 g/hl, Elena Kritzinger obtient quant à elle de meilleurs résultats avec un trempage à 200 mg/l de SO2 liquide durant 24 heures. En revanche, les chercheurs s’accordent sur la moindre efficacité de l’eau chaude et de l’eau ozonée. Et Elena Kritzinger de compléter sur l’impact mitigé de l’éthanol et des micro-ondes.
Un capteur innovant
Un projet de capteur à phénols est en cours à l’IUVV (Institut universitaire de la vigne et du vin) de Dijon. "Nous voulons développer un appareil capable de mesurer en instantané la quantité de phénols dans le vin. Le but étant d’aider les vinificateurs à intervenir le plus tôt possible", explique Régis Gougeon, chercheur à l’IUVV. La technologie employée reste pour partie confidentielle mais elle permet de déceler la présence de phénols à des teneurs de l’ordre du ng/l. Cet outil devrait aussi déceler les chloroanisoles ou certains marqueurs d’oxydation. Il pourrait être disponible d’ici deux ans, selon Régis Gougeon.