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« Avec ces ZNT, ce sont des milliers d’hectares de vignes qui vont être arrachés"

Éric Tesson, directeur de la Cnaoc, réagit au projet d'arrêté, annoncé en juillet par le gouvernement, qui fixe des zones de non-traitement (ZNT) au niveau national, alors qu’un texte encadrant les chartes d’utilisation des produits phytosanitaires prévues par la loi Egalim est attendu pour la fin de l’année.

L’ensemble de la filière est mobilisé contre le projet d'arrêté du gouvernement qui implique une ZNT de 10 m pour les vignes.
© C. Gerbod

 

Alors que le texte sur les chartes d’utilisation des produits phytosanitaires est attendu pour la fin de l’année, pourquoi le gouvernement a-t-il rédigé un projet d’arrêté rendant obligatoire la mise en place de zones de non-traitement à 10 m ou 5 m selon les cultures et les produits ?

Le Conseil d’État a annulé le 26 juin 2019 plusieurs dispositions de l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à l’utilisation de produits phytosanitaires au motif qu’il ne contient pas de mesure générale destinée aux riverains qu’il assimile à des personnes vulnérables. La législation communautaire impose des mesures de protection. Avec ce nouvel arrêté, le gouvernement impose donc un contenu minimal pour les chartes d’utilisation des produits phytosanitaires prévues par la loi Egalim. Il n’en était pas encore question il y a quelques mois. Pour les chartes, la loi Egalim renvoie au niveau départemental.

Sur quoi reposent ces distances de 10 m et 5 m ?

Les zones de non-traitement de 10 m et de 5 m sont définies par l’Anses. L’agence préconise une ZNT à 10 m éventuellement réductible à 5 m en fonction du matériel utilisé, ce dernier restant à définir. Aucune réduction de distance n’est possible pour les CMR.

Ces ZNT sont-elles une solution pour résoudre les problèmes de plus en plus nombreux de voisinage ?

Nous n’avons pas changé de position. Nous ne sommes pas favorables aux zones de non-traitement. Si des produits sont dangereux, ils doivent être retirés du marché. C’est le devoir de l’État qui est dans une hypocrisie insupportable. Il homologue des produits avec des conditions d’utilisation qui peuvent déjà prévoir des ZNT. Si les études montrent qu’il faut des ZNT sur certains produits, il faut s’y astreindre. Mais fixer une ZNT pour tous les produits c’est un non-sens. Ainsi un produit aussi anciennement utilisé que la bouillie bordelaise va se retrouver à faire l’objet d’une ZNT pour des maisons qui auront été construites un siècle plus tard. Il n’y a pas de respect de l’antériorité.

Que préconisez-vous ?

Le gouvernement s’apprête à prendre des mesures sans discernement, sans savoir si le riverain a été prévenu. La loi européenne impose déjà depuis 2009 de prévenir les riverains lors des traitements. Avec ces ZNT, ce sont des milliers d’hectares qui vont être arrachés. C’est encore sur l’opérateur que l’on fait peser des charges nouvelles. Tout est fait pour lui compliquer la vie et pour rendre l’utilisation des produits impraticables. Il n’y a aucune obligation du côté des bâtisseurs, pour réguler les constructions et prévoir des espaces de transition entre zones agricoles et zones habitées ou aménagées. En 2014 déjà, nous avions fait une proposition d’amendement dans ce sens qui n’a pas été suivie.

Nous préconisons des choses simples. 10 m ou 5 m dans certains cas, ça va être incompréhensible. Au-delà des considérations économiques, les gens ne feront pas la différence entre des produits de synthèse et des produits bio. Ce qu’ils verront c’est un pulvérisateur.

Quelles sont les conséquences de ce projet d’arrêté pour les chartes sur lesquelles travaillent certains vignobles, organisations professionnelles ou communes ?

Les textes définitifs ne sont pas connus. Ils sont prévus pour la fin d’année. Il est donc compliqué de faire des hypothèses. Mais quel sens auront les chartes si le cadre national est à ce point contraignant ? Leur intérêt est de pouvoir s’adapter au local. Ça risque de changer leur nature et même de démobiliser tous ceux qui dans le vignoble travaillent sur leur avancement.

La filière mobilisée

Dans un communiqué de presse commun adressé le 11 juillet au président de la République et au Premier ministre, la Cnaoc, Coop de France, les Vignerons coopérateurs, la confédération des vins IGP de France et les Vignerons indépendants se sont élevés contre le projet d’arrêté qu’ils perçoivent comme « le témoignage terrible d’un profond mépris » pour la filière. Ils ont appelé le gouvernement à « sanctuariser l’espace viticole ». L’arrêté doit être publié le 26 décembre au plus tard. Pour la Champagne, Maxime Toubart, président du SGV, a estimé la perte de surface induite à 800 hectares. A Bourgueil, l'impact est estimée à au moins 85 ha.

La mise en consultation publique du futur arrêté initialement prévue le 26 juillet a été reportée à octobre. Le ministère de l'Agriculture à indiqué à Agra Presse le 29 août que que l'arrêté rendra possible des « dérogations en fonction de considérations locales ». Sur CNEWS, le même jour, Didier Guillaume a précisé que l'Etat imposera des ZNT dans les localités où riverains, agriculteurs et élus n'auront  « pas réussi à se mettre d'accord ».  Le calcul des ZNT  à partir des murs des bâtiments et non des limites de propriété est l'un des points abordés dans la concertation actuelle entre les organisations professionnelles et le gouvernement à propos du projet d'arrêté.

Lire aussi notre article sur les initiatives pour pacifier les relations avec les riverains

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