Conjoncture
2012, l'année de la prudence
La crise économique actuelle risque-t-elle de déteindre sur le milieu viticole comme ce fût le cas en 2008 ? C'est ce que craignent nombre d'opérateurs. Le point sur la situation à mi-décembre.
“Les opérateurs s’attendent à un début 2012 catastrophique. Notre plus gros débouché est celui des marchés développés, tels que l’Europe ou l’Amérique du Nord. Or, ce sont ceux qui sont concernés par la morosité économique actuelle ”, s’inquiète Patrick Aigrain, chef du service Evaluation, prospective et analyses transversales de FranceAgriMer. Crise européenne, incertitude quant à la tenue des marchés, interrogations sur l’évolution des taux de change sont autant de sujets qui poussent les opérateurs à la frilosité et à l’attentisme. “ On assiste à une prudence de la part du négoce sur les achats en ce moment, confirme en effet Xavier Coumau, président des courtiers de Bordeaux. Nous sommes presqu’à l’équilibre entre l’offre et la demande pour le bordeaux rouge. En temps normal, nous aurions déjà dû sentir une hausse des cours. Mais là, les affaires sont ralenties. D’un côté, nous sommes très inquiets par rapport au marché européen et français. De l’autre, nous sommes optimistes pour le marché chinois. Nous sommes donc en situation de statu quo. Les cours stagnent. Si le ralentissement économique se poursuit, il n’y aura pas d’amélioration des cours, qui sont en moyenne à 900 €/tonneau de 900 litres. Mais nous en saurons plus en mars. ”
France et Royaume-uni sous surveillance
Cette prudence est aussi de mise en Champagne. “ Nous restons optimistes, car nous avons confiance en nos produits, indique Thibaut Le Mailloux, directeur de la communication du comité champagne. Néanmoins, nous avons des incertitudes pour 2012. Depuis cet été, nous observons un léger recul des exportations par rapport à 2010, année de forte reprise. Certains marchés sont sous surveillance, notamment le Royaume-Uni où le pouvoir d’achat des ménages est en chute suite à la politique de rigueur. Le marché intérieur, qui représente 60 % de nos ventes, est lui aussi en léger recul. Si les politiques de rigueur et la baisse de la croissance économique se poursuivent en Europe, nous espérons limiter le recul sur ces marchés, tout en nous développant sur le grand export. ”
En Côtes-du-Rhône et en Provence, la situation est saine, même si, comme dans les autres régions, quelques marchés donnent des signes d’alerte. “ Le contexte économique et financier international est mouvant et fragile, mais la campagne démarre sur des agrégats économiques très corrects, assure Christian Paly, président d’Inter-Rhône. Nous avons destocké sur les deux dernières campagnes. La vendange 2011 est bonne et pas trop abondante. Néanmoins, nous faisons attention car sur certains marchés, nous observons une forte croissance, comme en Amérique du Nord ou en Asie. En revanche, nous sommes en légère régression en Grande Bretagne, et à + 0,5 % seulement en France. ” Même son de cloche en Provence, où Jean-Jacques Bréban, président des négociants se veut optimiste : “ À ce jour, il n’y a pas de stocks. Les 2011 vont donc être commercialisés très vite, dès le mois de janvier. C’est une très bonne chose. De plus, les prix sont stables à la production, et les acheteurs traditionnels viennent déguster et se projettent aux achats. 2012 s’annonce donc plutôt bien. La demande est soutenue aux Etats-Unis, au Brésil et en Chine. En revanche, nous observons un ralentissement au Royaume-Uni et en Allemagne. ”
Amérique du Nord et Chine tirent les exportations
Ces observations confirment celles de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS). “ Il est très dur de prévoir ce qui va se passer en 2012, prévient Benoît Stenne, délégué général adjoint de la FEVS. L’année 2011 a été bonne. Mais nous avons des inquiétudes sur la zone euro, et ce d’autant plus que l’Europe est notre premier marché à l’exportation en volume. Le contexte financier européen pourrait donc entraîner quelques problèmes pour 2012. Nous sommes vigilants. À l’heure actuelle, la bonne tenue des Etats-Unis, notre premier marché en valeur, et de l’Asie qui connaît une très forte croissance, compense avec le demi-sommeil de l’Europe. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que ce sont des marchés capables de se retourner très vite, contrairement au marché européen, qui ne s’effondre jamais entièrement. ” La viticulture va-t-elle replonger dans les affres de la crise comme en 2008, ou tenir le coup grâce à une situation micro-économique saine ? Réponse dans quelques mois.
CLARA DE NADAILLAC