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Un an après le début de la guerre en Ukraine, où en est l’agriculture française ?

A quelques jours de la date anniversaire du début de l’invasion russe en Ukraine, Chambre d’agriculture France fait le point sur les évolutions marquantes de l’agriculture française depuis février 2022.

Champs de tournesol en France
© Pixabay

Le 24 février 2023 marquera un triste anniversaire, celui du début de l’invasion russe en Ukraine. Ce sera aussi la veille de l’ouverture du salon de l’agriculture. L’occasion pour Chambres d’agriculture France de faire un point sur les conséquences du conflit sur l’agriculture française.

« Cette guerre a empêché l’Ukraine de produire et exporter ses volumes agricoles. On aurait pu s’attendre à ce que la France compense un peu. Or on voit que la France se met à importer plus », résume Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, après la présentation des chiffres par les économistes de l’organisation, le 14 février devant la presse.

Retour sur les principaux chiffres à retenir de l’année agricole 2022.

Recul de la production en volume

Pas facile de déterminer ce qui est lié à la guerre en Ukraine ou à d’autres facteurs comme la sécheresse, mais les Chambres d’agriculture pointent des reculs importants de production sur les grandes cultures : blé tendre d’hiver (-2.8% en superficie la moyenne des 5 années précédentes et -3.6% en production), maïs grain irrigué (respectivement -18.5% et -24.7%) et maïs non irrigué (-1.6% et -23.4) mais aussi en betteraves industrielles (-10.3% et -14.6%). A l’inverse, la culture de tournesol a connu un boom de 33.5% en superficie et de 19.1% en production.


Du côté des productions animales, Marine Raffray, agroéconomiste pour Chambres d’agriculture France, souligne aussi un retrait de la collecte de lait de vache de 3 à 4% selon les mois en 2022 par rapport à la moyenne des 5 années précédentes. « Un recul qui s’accentue début 2023 avec une baisse de 5% à 6% sur les premières semaines de l’année, surtout dû à la baisse du cheptel de vaches laitières liée à la sécheresse », pointe l’agroéconomiste.

En viande, les chambres d’agriculture notent aussi une baisse des abattages de l’ordre de 8% à 9% en veaux de boucherie, bovins mâles et vaches laitières.

En volailles, la chute des abattages par rapport aux cinq précédentes années est de l’ordre de 11%, avec des baisses de 42% en canards et de 24% en dindes et pintades. Une chute à attribuer en très grande partie à la grippe aviaire.
 

Hausse des prix et des charges : gare à l’effet ciseaux

Du côté des prix, « la reprise de l’économie post-Covid et la guerre en Ukraine ont entrainé un épisode de flambée des prix significatifs, avec des niveaux de prix supérieurs aux précédentes crises financières de 2008, 2010 et 2021 », commente Thierry Pouch, chef du service économie des Chambres d’agriculture. Ainsi le blé tendre a franchi la barre des 400 euros la tonne, et la graine de colza a dépassé les 1000 euros la tonne, pointe-t-il. Les prix des productions animales ont aussi progressé.

Mais qu’en sera-t-il en 2023 ? Sur les céréales, Thierry Pouch cite plusieurs facteurs qui orienteront les prix : une production mondiale de blé à 795 millions de tonnes (-1.8%), une hausse de la production en Australie, au Canada, au Kazakhstan, et en Russie mais des baisses en Argentine, dans l’Union européenne, en Ukraine et une stagnation aux Etats-Unis, des interrogations sur le prolongement du corridor dans la mer Noire ou encore les effets du tremblement de terre en Turquie sur la production de farine. « La hausse du prix du blé est amorcée depuis quelques jours, on se rapproche des 300 euros la tonne », souligne l’agroéconomiste. D’autres éléments devront influer sur l’évolution des prix des céréales : la politique massive de stockage en Chine « qui contribue à l’instabilité des marchés » et le rôle de la spéculation notamment sur le marché de Chicago avec une part importante d’acteurs financiers depuis le début du conflit en Ukraine.

Si les prix progressent, du côté des coûts de production, la guerre en Ukraine a des conséquences importantes sur les comptes des agriculteurs avec un coût de l’énergie et du carburant en forte hausse. Marine Raffray cite des prix de l’énergie et des lubrifiants en hausse de 43.6% entre janvier et novembre 22, un prix du GNR à +69% sur la moyenne de l’année, mais aussi une envolée du prix des engrais dont la fabrication nécessite beaucoup d’énergie. Des prix qui pourraient bien rester tendus en 2023 conditionnés par la poursuite de la guerre en Ukraine, le resserrement ou non de la production russe et la reprise de la croissance mondiale, avec la sortie de la politique Zéro Covid de la Chine notamment. Si le prix des engrais reste inférieur au pic du printemps 2022, « on constate le risque d’un effet ciseau entre les prix des engrais et des matières premières agricoles », alerte Marine Raffray.


Une hausse des résultats de la branche agricole durable ?

Ainsi si globalement l’année 2022 a été favorable en termes de résultats pour la branche agricole, rappelle Thierry Pouch, « c’est un résultat en trompe l’œil, on peut penser que la ferme France ne va pas si mal que ça mais cela cache une réalité sur la baisse des volumes », commente pour sa part Sébastien Windsor. Et reste à savoir si ces résultats positifs vont se maintenir en 2023. « La poursuite de la guerre va être centrale pendant toute l’année 2023 pour voir si la rupture (par rapport aux années précédentes de baisse de la valeur ajoutée, ndlr) va s’inscrire dans la durée ou non », prévient l’agroéconomiste Thierry Pouch.


Une consommation alimentaire qui décroche

Autre élément à surveille de près en 2023 qui aura des conséquences sur l’agriculture française : l’évolution de la consommation fortement touchée par les conséquences indirectes de la guerre en Ukraine.

La guerre et le retour de l’inflation ont poussé les Français à faire des arbitrages sur leur consommation. Un phénomène qui s’observe à travers l’augmentation des achats dans les enseignes à marques propres type Lidl, la baisse des quantités achetées en lait, fruits et légumes, boucherie et vins, et un recul de la valorisation, avec la chute des achats de produits bios, souligne Marine Raffray. Un chiffre est éloquent : le recul des dépenses de consommation des ménages en alimentaire de 8% entre décembre 2022 par rapport à la moyenne 2017-2019.

Le commerce extérieur français est aussi à surveiller de près, souligne Thierry Pouch qui malgré une hausse de la balance commerciale alimentaire française en 2022 (à +11 milliards d’euros) note une aggravation du déficit en fruits et légumes, volaille et viande en général, et une hausse de 140% des importations de poulet ukrainien.


Que fait la Commission européenne pour la souveraineté alimentaire ?

Une hausse des importations qui n’est pas « une fatalité », selon Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture France. Pour autant, il s’étonne du « peu de réaction de la Commission européenne, face à la guerre en Ukraine ». « On voit arriver des restrictions et contraintes supplémentaires et je ne vois aucune politique européenne sur la reconquête de la souveraineté alimentaire », déplore-t-il citant la directive IED, le bien-être animal, les systèmes alimentaires durables, la restauration de la nature, la directive Sud concernant les pesticides. Et de s’offusquer du manque de volonté de la Commission européenne d’imposer des clauses miroirs.

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