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« Travailler en conscience des risques limite les accidents pendant les vendanges »

Par son intensité, la période des vendanges cumule les risques d’accidents du travail et exige donc une démarche de prévention accrue, rappelle Laurent Rousseau, vigneron à Abzac en Gironde et formateur.

Laurent Rousseau a grillagé et rendu accessibles avec badge ou clés certaines parties du chai comme celle abritant les produits œnologiques.
Laurent Rousseau a grillagé et rendu accessibles avec badge ou clés certaines parties du chai comme celle abritant les produits œnologiques.
© C. Gerbod

À la tête des Vignobles Rousseau sur 60 hectares dans le Libournais, Laurent Rousseau est non seulement vigneron, mais également formateur en droit du travail et sauveteur secouriste du travail (SST). Un rôle inspiré par sa fonction de conseiller au sein du collège employeurs du conseil de prud’hommes de Libourne depuis près d’une vingtaine d’années.

Dans cette juridiction civile dont il est l’actuel président, il s’est imprégné du Code du travail, des conventions collectives et de la responsabilité sociale des entreprises. Dans sa propre société, il s’engage dans l’identification et la prévention des risques. L’attention redouble au moment des vendanges.

Prendre du temps pour la sécurité

La première source de danger est évidente, mais bien difficile à dominer, c’est la pression du temps. « Malheureusement, lors des vendanges, on est dans un contexte d’urgence et la sécurité passe au second plan, ce que l’on regrette le jour où il y a un problème », observe Laurent Rousseau.

Il invite à relativiser le sentiment d’urgence face à la mise en danger qui finit par coûter beaucoup plus cher en cas d’accident, tant sur le plan financier qu’humain et psychologique. Par exemple, mieux vaut accepter de perdre 10 minutes si la benne n’arrive pas, plutôt que d’encourager à la prise de risque ou se refuser à la surcharger pour éviter un renversement. « C’est quand il y a trop de pression qu’arrivent les accidents », insiste-t-il.

Systématiser les actions de formation

Laurent Rousseau regrette un « défaut de formation flagrant » dans les entreprises viticoles alors qu’elle est justement au cœur de la gestion des risques. Et d’évoquer des cas jugés au conseil de prud’hommes où le déficit de formation a fini par se retourner contre l’employeur.

« Le but, c’est que les gens travaillent en conscience, avec une connaissance du risque », développe-t-il. Dans son entreprise, il élabore des fiches sur les fonctions confiées aux salariés. Les tâches sont décrites avec référence aux textes réglementaires (Code du travail, convention collective…), aux éléments techniques (méthode, équipement…) et aux points de vigilance sur la sécurité. « Chaque personne doit savoir pourquoi elle fait le travail et quelles sont les normes de sécurité », considère-t-il.

 

 
Laurent Rousseau a conçu des fiches de formation incluant des consignes de sécurité.
Laurent Rousseau a conçu des fiches de formation incluant des consignes de sécurité. © C. Gerbod

Le contenu des fiches est délivré en bout de parcelle ou dans le chai selon le sujet. Le support écrit est remis à la personne formée qui signe une attestation. Un point important en cas de litige.

L’effet responsabilisant des formations

Dans l’idée d’intégrer la formation en interne et de partager son expérience, Laurent Rousseau est lui-même devenu formateur, ainsi que sa femme Lucie, responsable technique et qualité. Il collabore avec une structure de formation. Certaines actions sont financées via l’opérateur de compétences Ocapiat, qui gère les cotisations formation des employeurs agricoles. Le sujet de la sécurité est souvent anticipé comme rébarbatif, alors Laurent Rousseau veille à être extrêmement concret et n’hésite pas « à être dans le choquant pour que l’information soit retenue », images à l’appui, assume-t-il. Pour certains documents écrits, des quiz ont été insérés pour une présentation plus ludique.

 

 
Responsable technique et qualité, Lucie Waldmann-Rousseau veille au bon affichage des consignes.
Responsable technique et qualité, Lucie Waldmann-Rousseau veille au bon affichage des consignes. © C. Gerbod

Il souligne l’effet parallèle bénéfique des formations : valoriser les salariés et les faire monter en compétences. « J’ai des salariés qui se font des classeurs avec mes fiches », se réjouit-il. Côté employeur, il constate que savoir le salarié informé des risques rend son responsable « plus serein ». La démarche s’inscrit dans ses engagements RSE.

Des initiatives pour alléger la fatigue

Le danger est particulièrement grand pour des matériels dont l’usage se répand et qui paraissent simples à utiliser. Laurent Rousseau identifie par exemple une montée en flèche des accidents de quads, équipement pour lesquel aucune formation n’est réellement dispensée aux utilisateurs.

Pour les nouveaux venus, une formation en début de vendanges s’impose. Mais même si les équipes sont aguerries, il n’est jamais inutile de faire des rappels. Et de répéter des choses même aussi simples que « ne pas couper face à face, de veiller à plier les genoux ou à faire des étirements », argue le vigneron.

Être à l’écoute inspire des idées pour alléger certaines tâches. Ainsi, au chai, Laurent Rousseau a systématisé l’usage des transpalettes pour transporter des charges lourdes comme les contenants remplis de levain. Sa femme lui a soufflé l’idée de fixer au-dessus des cuves de vinification des « doubles poulies déportées » pour qu’un opérateur puisse faire monter les seaux d’en bas à l’aide d’une corde plutôt qu’ils soient hissés d’en haut, geste beaucoup plus fatigant. Des idées peu coûteuses.

Réaliser un audit de sécurité

Dans des lieux dont on est familier, rien de tel qu’un regard extérieur pour repérer les dangers éventuels. Il peut prendre la forme d’un audit de sécurité. Selon Laurent Rousseau, le coût est d’environ 1 000 à 1 500 euros. L’audit va aussi vérifier la conformité aux obligations légales. Il fera des recommandations d’amélioration avec différents degrés d’urgence.

 

 
Avant le début des vendanges, vérifier le bon état des informations affichées est indispensable.
Avant le début des vendanges, vérifier le bon état des informations affichées est indispensable. © C. Gerbod

Même si l’on ne peut pas toujours mettre en œuvre tous les aménagements idéaux, Laurent Rousseau atteste qu’en cas de visite de l’inspection du travail, montrer qu’on a conscience des problèmes éventuels et qu’une démarche est en place pour les résoudre est un plus. Il ne s’agit pas toujours de dépenses pharaoniques. Il cite par exemple l’ajout de quelques barres pour sécuriser un conquêt qu’il a suggéré lors d’un audit.

Imposer des règles claires

Autre précaution, la définition de zones accessibles par badge, pour éviter qu’une personne ne se retrouve dans un lieu qui ne lui serait pas familier. Les phytos et produits œnologiques sont aussi sous accès sécurisé.

Laurent Rousseau s’appuie sur le règlement intérieur pour établir des principes à respecter par tous. Le sien comprend, par exemple, des règles pour le port de lunettes de sécurité pour certaines tâches ou interdit le travail au soleil torse nu ou en short. Porter des chaussures de sécurité est également une obligation. Vignobles Rousseau les finance pour ses salariés.  « À 70 euros la paire, à raison de deux par an, c’est autour de 1 300 euros, mais ça coûte beaucoup moins cher qu’un orteil en miettes », calcule le vigneron.

Trois documents à prévoir

- Le document unique d’évaluation des risques professionnels aussi appelé DUERP ou document unique, est une obligation légale. Il inventorie les risques au travail identifiés dans l’entreprise.

- Le règlement intérieur n’est obligatoire que pour les entreprises employant au moins 50 salariés, mais Laurent Rousseau le conseille en tant que mode d’emploi du vivre-ensemble. On y trouve les horaires, les règles en matière de santé et de sécurité, les sanctions et recours applicables. « Il est déposé à l’inspection du travail et auprès des prud’hommes », précise le vigneron. Il doit aussi être affiché dans l’entreprise.

- Le livret d’accueil est prévu par le Code du travail. Il fournit au salarié, alternant ou stagiaire toutes les informations nécessaires pour faciliter son intégration. Y figurent des consignes de sécurité et d’hygiène ainsi que par exemple le plan du site, les horaires… Des modèles à adapter se trouvent facilement sur Internet.

Voir plus loin

La MSA édite et met à jour des fiches récapitulant les accidents les plus fréquents lors des vendanges. À la vigne, sont citées, entre autres, les coupures par sécateurs, les chutes à la descente de camionnettes, les lombalgies, les piqûres d’insectes… En cave, sont notamment évoqués les chutes, les brûlures dues aux produits de nettoyage, les accidents liés aux équipements mécaniques dotés de vis sans fin, le risque CO2… Le document se télécharge sur le site de sa caisse MSA.

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