Traiter les effluents, oui, mais avec de la plus-value !
Les éleveurs de porcs plébiscitent les systèmes de gestion des effluents d’élevage permettant de générer de la plus-value. Ils regrettent aussi que d’autres procédés aboutissent à une perte de valeur économique et déplorent parfois un manque de formation.
Les éleveurs de porcs plébiscitent les systèmes de gestion des effluents d’élevage permettant de générer de la plus-value. Ils regrettent aussi que d’autres procédés aboutissent à une perte de valeur économique et déplorent parfois un manque de formation.
L’élevage moderne se doit d’être vertueux en matière d’environnement et nul ne le nie plus. Les éleveurs agissent, contraints ou non. Ils mettent en place et utilisent des dispositifs leur permettant de limiter les rejets de leurs élevages afin d’atténuer leur impact environnemental, et quand ils en tirent une plus-value, c’est parfait ! C’est ce que montre une enquête réalisée en janvier dernier par des élèves ingénieurs de l’institut agro Rennes-Angers auprès de 26 élevages du Grand Ouest, dont 19 en production porcine, majoritairement situés en Bretagne. Les dispositifs rencontrés sont divers, depuis la simple couverture de fosse ou le raclage de fond de fosse à la station de traitement de lisier ou de méthanisation.
Mais pour tous les éleveurs enquêtés, l’enjeu est clair et le même : s’ils veulent continuer leur métier, il faut gérer efficacement les effluents d’élevage, sur leur exploitation ou ailleurs. Augmenter la surface pour épandre les déjections et produire des céréales n’est en effet ni possible ni parfois même désiré. Il faut alors réduire les quantités d’azote ou de gaz émises, exporter le phosphore, parfois normaliser les effluents pour faciliter leur exportation et mieux les valoriser, ou encore, les transformer en énergie. Mais outre le coût, qu’en pensent-ils au final ?
Transformer la contrainte en opportunité
Tous les éleveurs sont unanimes pour mettre en avant l’intérêt des traitements qui apportent une plus-value, qu’elle soit économique, technique ou même agronomique. Par exemple, les enquêtés possédant un méthaniseur sont satisfaits de leur installation, malgré son coût jugé parfois colossal. Il permet, selon eux, de pérenniser l’élevage en créant une nouvelle activité, de travailler à plusieurs et de produire de l’énergie, bien qu’il soit lui aussi chronophage et constitue une activité à part entière. Le lavage d’air et le raclage des déjections en fond de fosse sont aussi plébiscités et qualifiés de “techniques d’avenir” par les éleveurs porcins qui en disposent. En plus de répondre à des obligations réglementaires en matière de gestion des effluents (liquides, solides et/ou gazeux), ces techniques améliorent notablement l’ambiance dans les bâtiments porcins, ce qui profite aux éleveurs et à leurs animaux. Elles ne sont alors pas vues comme des contraintes, mais comme de réelles opportunités. Et la diversité des produits (lisier, fumier, compost, digestat) peut aussi offrir des possibilités de gestion agronomique différentes (épandre un produit riche en azote, mais pauvre en phosphore sur des terres déjà bien pourvues en cet élément, par exemple).
La destruction ou l’exportation mal vécue
Mais les conclusions sont autres lorsque le système de traitement aboutit à une destruction de valeur. Bien que l’efficacité et la simplicité des systèmes de traitement biologique permettant d’abattre l’azote des lisiers soient soulignées par les 11 éleveurs enquêtés disposant d’une station, le temps passé à la maintenance et les coûts associés sont trop importants. Ils sont bien conscients des bénéfices environnementaux rendus (exportation de phosphore, abattement d’azote, réduction des odeurs), mais cette technique, imposée par les mesures environnementales et mise en place entre 1995 et 2006, ne leur apporte pas de réels bénéfices et de satisfaction. Pour couronner le tout, chez certains éleveurs, le séparateur de phase présent tombe régulièrement en panne. Le compostage, souvent mis en œuvre après cette séparation et/ou le traitement biologique, n’est pas plus considéré comme “une technique d’avenir” pour la plupart des éleveurs enquêtés. S’il permet d’exporter une partie des excédents d’azote et de phosphore hors de l’exploitation pour répondre aux exigences du plan d’épandage, sa faible valorisation économique ne les satisfait pas. Et pour toutes ces techniques, la perte d’un fertilisant tel que l’azote attriste souvent les éleveurs.
Un accompagnement parfois trop limité
L’accompagnement de départ est également pointé du doigt. Souvent jugé insuffisant ou inexistant, il oblige l’éleveur à (trop) s’investir et à se former en autonomie. C’est notamment le cas pour des méthodes les plus récentes, comme la méthanisation par voie sèche. Les éleveurs se réunissent alors en association pour s’entraider et échanger plus facilement (Association des agriculteurs méthaniseurs de France par exemple). La formation semble donc primordiale et devrait débuter dès l’école.
Outre les 19 éleveurs de porcs enquêtés, des éleveurs bovins, de volailles et autres ont aussi été interrogés (26 éleveurs en tout, spécialisés ou non dans une production). Les installations en place dans ces élevages étaient rarement la résultante de contraintes et la satisfaction était dans ce cas souvent de mise.
Repères
Une enquête réalisée par les élèves de l’Agro Rennes-Angers
Cette étude s’inscrit dans le projet GT4E (Gestion Technique, Économique et Environnementale des Effluents d’Élevages) porté par l’Ifip pour orienter les éleveurs vers les pratiques les plus compétitives. Elle a été réalisée par des élèves ingénieurs de l’Institut Agro Rennes-Angers, dans le cadre de leur formation. L’enquête s’est aussi intéressée aux outils d’épandage permettant de limiter les émissions à l’épandage (rampe à pendillards, enfouisseurs) et leur perception par les éleveurs.
Une formation indispensable dès le lycée
Si les questions relatives au bien-être des animaux passionnent souvent les jeunes en formation, cette génération se préoccupe aussi de l’environnement. La gestion des effluents d’élevage les intéresse en effet aussi beaucoup, si l’on en croit l’étude complémentaire menée dans ce même cadre de travail, auprès de 81 élèves en filières agricoles dans les lycées du Grand Ouest. Ils souhaiteraient même que l’enseignement autour des techniques pour limiter les rejets d’élevage sur l’environnement soit plus présent dans leur formation. Et plus de la moitié des 20 enseignants enquêtés en parallèle déplore l’absence de cette thématique dans les programmes de formation. Les élèves sont pourtant curieux de découvrir et d’en apprendre davantage sur les techniques innovantes comme la méthanisation. Les visites d’exploitation et les interventions d’experts sont d’ailleurs les plus demandées. Et en mettant entre les mains de ces futurs éleveurs toutes les cartes pour réussir, ceux-ci seront à même de faire les bons choix pour une gestion efficace et optimale des effluents, à la hauteur des attentes sociétales et de pérennité des filières d’élevage.