Herbicide
« Si demain on m’interdit le glyphosate, je mets tout en prairie »
L’usage du glyphosate est essentiel à l’agriculture de conservation qu’elle pratique en Aveyron, témoigne Sarah Singla, à la demande de Plateforme Glyphosate France, alors que la procédure de réautorisation du glyphosate se poursuit en Europe. D’autres témoignages d’agriculteurs ont été adressés à l’Efsa à l’occasion de la consultation publique qui vient de se terminer.
L’usage du glyphosate est essentiel à l’agriculture de conservation qu’elle pratique en Aveyron, témoigne Sarah Singla, à la demande de Plateforme Glyphosate France, alors que la procédure de réautorisation du glyphosate se poursuit en Europe. D’autres témoignages d’agriculteurs ont été adressés à l’Efsa à l’occasion de la consultation publique qui vient de se terminer.
Sarah Singla, ingénieure agronome, agricultrice dans l’Aveyron depuis 2010, après avoir repris la ferme de son grand-père, et experte dans l’agriculture de conservation, a défendu l’usage de glyphosate ce matin lors d’une conférence en ligne organisée par la Plateforme Glyphosate France. L’organisation qui regroupe les 5 fabricants principaux de produits à base de glyphosate en France souhaitait faire un point à la presse sur la procédure de réautorisation de l’herbicide au niveau européen.
« Le glyphosate est un herbicide non sélectif. En France, il n’est jamais utilisé sur les cultures récoltées, il est utilisé avant la mise en place d’une culture. Et on l’utilise à dose d’environ 1,5 litre par hectare en moyenne, soit l’équivalent d’une bouteille d’eau sur deux terrains de foot », a expliqué l’agricultrice née sur une ferme familiale qui pratique le non labour depuis plus de 40 ans.
L’équivalent d’une bouteille d’eau sur deux terrains de foot
Images de son exploitation à l’appui, elle a souhaité démontrer en quoi, selon elle, « le glyphosate est le produit le plus propre pour lui permettre de répondre à différents enjeux (conservation des sols, gestion de l’eau, préservation de la biodiversité, et maintien des rendements) ».
L’agricultrice préfère le recours au glyphosate au travail du sol qui « casse la glomaline, et entraine ainsi l’écoulement de particules du sol dans l’eau ». Le glyphosate lui permet aussi de gérer les couverts végétaux. « Ces plantes (radis, lin, féverole, trèfles, lupin, phacélie…) font le travail du sol. Je sème les céréales dans le couvert végétal, puis le glyphosate qui stoppe la photosynthèse permet de dégrader petit à petit le couvert pour favoriser le développement des céréales », explique-t-elle. Une technique qui selon elle permet d’améliorer les rendements et de stocker du carbone. « J’ai besoin de moins de surface pour faire la même production, je fais de l’intensification écologique », poursuit-elle.
Je fais de l’intensification écologique
« Si demain on m’interdit le glyphosate, je mets tout en prairie ! » lâche-t-elle, rejetant l’idée de devoir acheter un tracteur, une charrue et ainsi, selon elle, « d’augmenter les coûts de production pour voir son rendement baisser et ses sols se dégrader ».
Alors que le glyphosate est en pleine procédure européenne de réapprobation au niveau européen, plusieurs agriculteurs et organisations agricoles françaises se sont exprimées en ce sens dans le cadre de la consultation publique menée par l’Efsa entre le 24 septembre et le 22 novembre dernier sur la base du rapport des quatre états membres en charge du renouvellement de l’approbation (France, Suède, Pays-Bas, Hongrie). Parmi les 416 contributions recueillies dont 110 provenant de la France : des voix s’élevant contre le glyphosate, dont celle de Générations Futures mais aussi beaucoup de témoignages d’agriculteurs pour justifier de son usage dans certains cas.
Autres témoignages d’agriculteurs
Comme cet agriculteur qui souligne que « l'utilisation à des doses faibles du glyphosate ( 0,5 à 3L/ha) permet d'éviter la consommation de carburant ( 10 à 20L/ha) par l'action mécanique des déchaumeurs ».
Un autre agriculture écrit : « j'ai besoin d'utiliser du glyphosate au pied de mes pommiers pour lutter contre les mauvaises herbes ». « Le contrôle des mauvaises herbes près des arbres peut m'aider à économiser des nutriments et de l'eau pour les arbres. Je ne peux pas utiliser le travail mécanique du sol pour tuer les mauvaises herbes parce que notre sol est plein de pierres », explique-t-il encore mettant par ailleurs en avant les pentes de ses vergers et le risque de créer de l’érosion de ses sols.
A partir de constats de son service technique réalisés en 2020, la coopérative Unicoque affirme de son côté que « sans l'opération de désherbage au glyphosate à dose réduite, une part importante des fruits ne peut être récoltée, représentant une perte de produit de l'ordre de 400 €/Ha ».
L’association nationale des organisations de producteurs de légumes de transformation (Cénaldi) explique de son côté que « la destruction chimique des couverts végétaux peut être la seule solution pour une dégradation correcte avant incorporation de la végétation afin d'obtenir la qualité de sol attendue pour le semis ». Une opération particulièrement nécessaire lorsqu’il y a un risque de « plantes toxiques, comme le datura ». Et d’affirmer que « le désherbage mécanique, pouvant être rendu difficile par les mauvaises conditions climatiques, ne permet pas d'obtenir un contrôle complet, notamment sur le rang ».
Où en est la procédure de réapprobation ?
Le glyphosate est en procédure de réapprobation au niveau européen, rappelle la plateforme Glyphosate France. Après la publication du rapport d’évaluation des quatre Etats membres (portant sur le dossier de demande de réhomologation qui comprend 180 000 pages, 1500 études réglementaires dont 100 nouvelles depuis la dernière approbation) et la phase de consultation publique, des réunions vont être organisées au premier semestre 2022 entre des collèges d’experts des 23 autres Etats membres et l’Efsa. En juin prochain, l’Efsa devrait rendre ses conclusions pour un vote des Etats membres fin 2022. A l’issue du vote, deux solutions : soit le glyphosate n’obtient pas sa réapprobation, les autorisations de mises sur le marché des produits à base de glyphosate devraient être alors retirées en 2023 soit la substance active obtient le feu vert, et chaque état membre ouvrira alors les ré-homologations des produits à base de glyphosate.
Des restrictions d’usage mises en place en France
Pour rappel les 4 Etats membres ont conclu que le « glyphosate répond aux critères d’approbation pour la santé humaine » et « qu’une classification du glyphosate comme cancérigène » était « injustifiée », se félicite la plateforme Glyphosate France.
Elle rappelle que la France a décidé en parallèle en 2019 via l'Anses de procéder à une évaluation comparative des alternatives au glyphosate selon les différents usages, en lien avec Inrae et des instituts techniques. Un travail rendu en octobre 2020 qui a conduit aux premières décisions de renouvellement d’autorisations de mises sur le marché de produits à base de glyphosate avec restriction aux usages sans alternatives (sur les sols caillouteux ou en pente par exemple). Des restrictions mises en œuvre dès mars 2021. Selon les estimations de la plateforme Glyphosate France, alors que l’usage du glyphosate a reculé en France de 11% entre 2018 et 2020, ces nouvelles conditions d’utilisation devraient entrainer un nouveau recul de 31% à horizon 2022-2023 avec même un recul de 77% sur la vigne où l’usage du glyphosate est restreint aux grands et à petite dose.
« Nous cautionnons cette utilisation plus ciblée et nous l’accompagnons même avec la diffusion prochaine d’un guide de bonnes pratiques du glyphosate », déclare Quitterie Daire-Gonzalez, secrétaire de Glyphosate France.