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SARS-CoV-2 : les 10 points clé d’un avis sur la sensibilité des espèces animales et les risques en santé publique

Jeanne Brugère-Picoux, Professeur honoraire de l'École nationale vétérinaire d'Alfort, Yves Buisson, épidémiologiste,  et Jean-Luc Angot, chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, sont les trois auteurs de l’avis sur la sensibilité des espèces animales et les risques en santé publique vis-à-vis du SARS-CoV-2, le virus responsable de la Covid-19, publié par l’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France.

Le virus SARS-CoV-2 vu au microscope électronique et colorisé.
© NIAID

L’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France viennent de publier un avis commun sur la sensibilité des espèces animales et les risques en santé publique vis-à-vis du SARS-CoV-2. L’étude est co-signée par Jeanne Brugère-Picoux, Yves Buisson et Jean-Luc Angot.

1 - L’origine de la contamination humaine n’est pas précisément connue

Pour les scientifiques, l’origine animale de la Covid-19, apparue à Wuhan en Chine en décembre 2019, ne fait pas de doute. L’analyse du génome du virus émergent, le SARS-CoV-2, a montré une homologie de 96,2 % avec le coronavirus RaTG13 présent chez la chauve-souris fer à cheval. « Toutefois, si cette émergence semble provenir d’un marché d’animaux vivants sauvages et domestiques de Wuhan, on ne connaît pas précisément l’origine de la contamination humaine par le SARS-CoV-2 », écrivent les académiciens. Selon eux, il n’a pas été possible d’identifier l’hôte intermédiaire et l’hypothèse du pangolin n’a « pas été démontrée avec certitude ».

2 - La barrière d’espèce n’est pas imperméable

En 2002, le SARS-CoV-1, coronavirus émergent apparu dans la province de Guangdong en Chine et issu lui aussi d’un marché d’animaux, a été responsable du syndrome respiratoire aigu (SRAS). Le SARS-CoV-2 vient montrer à son tour que la barrière d’espèce n’est pas imperméable. Tous deux sont d’origine zoonotique. Le franchissement de cette barrière par le SARS-CoV-2 « a été observé dans les conditions naturelles ou expérimentales chez les animaux de compagnie (chiens, chats, furets), les animaux de laboratoire ou les animaux de la faune sauvage captive ou non », assurent les spécialistes. « En cas de co-infection des animaux de compagnie, la possibilité de recombinaisons entre les coronavirus pathogènes canins ou félins et le SARS-CoV-2 ne peut être exclue ».

3 - De nombreuses espèces animales domestiques ou sauvages sensibles

De nombreuses espèces animales domestiques ou sauvages sont sensibles à l’infection, la spécificité d’hôte n’est pas exclusive. Un premier cas de contamination d’un chien de compagnie par l’Homme a été observé à Hong Kong en février 2020 et de nombreuses infections animales d’origine humaine ont été rapportées, le plus souvent sporadiques.

Lire aussi [Covid-19] Les animaux sauvages et domestiques peuvent-ils propager virus en France ?

4 – Quelques cas de transmission de l’Homme aux animaux domestiques

Dans les conditions naturelles, des cas sporadiques d’infection d’animaux par leur propriétaire ont été observés. Ces cas étaient « soit asymptomatiques, soit révélés par des signes cliniques mineurs (difficultés respiratoires avec toux, diarrhée, vomissements ...) bien contrôlés par le traitement », notent les académiciens. En France, 2 cas de contamination de chat ont été rapportés.

5 - Aucune transmission à l’Homme, à l’exception des visons d’élevage

Les chercheurs assurent que, dans le sens inverse, aucune transmission du SARS-CoV-2 à l’Homme n’a été décrite jusqu’à présent à partir d’animaux de compagnie ou d’élevage domestique (bovins, ovins, porc, volailles), à l’exception des visons d’élevage. « Dans ce cas particulier, la contamination de 12 personnes à partir de visons infectés dans les fermes d’élevage au Danemark était due à une souche mutante de SARS-CoV-2 qui aurait pu compromettre l’efficacité des vaccins préparés à partir du virus originel, justifiant l’abattage préventif de la totalité de ces élevages », observent les auteurs de l’étude.

6 – Animaux d’élevage : le lapin sensible

Pour les animaux domestiques d’élevage, « dans des conditions expérimentales, les porcs et les volailles s’avèrent résistants à toute inoculation par le SARS-CoV-2 [7], alors que le lapin (qui est aussi un animal de compagnie ou de laboratoire) s’est révélé sensible », rapportent les chercheurs. Pour les bovins, en Allemagne, l’inoculation de six animaux a permis de noter « une très faible sensibilité, la réplication du virus n’étant constatée que chez deux d’entre eux, avec séroconversion malgré la présence d’anticorps dirigés contre le coronavirus bovin (BCoV), mais sans transmission aux trois bovins mis au contact des animaux inoculés. »

7 – Faune sauvage : peu de cas observés en conditions de liberté ou semi-liberté

Pour les animaux de la faune sauvage élevés dans des parcs zoologiques ou en liberté, les cas répertoriés sont peu nombreux. « Aux États-Unis, 4 tigres et 3 lions, contaminés vraisemblablement par l’Homme dans un zoo du Bronx, ont présenté des symptômes respiratoires discrets », indique le rapport. « Depuis, un tigre et un puma ont été aussi déclarés infectés. »

Des études ont été menées également, de façon expérimentale, sur la souris sylvestre. Cet animal très répandu dans toute l'Amérique du Nord et réservoir de l’agent de la maladie de Lyme s’est révélé sensible au SARS-CoV-2. De même, en Allemagne, 9 chauves-souris ont été aussi inoculées et ont répliqué le virus dans leurs premières voies respiratoires, contaminant aussi par contact une des trois chauves-souris testées.

8 - Elevages de faune sauvage : surveillance des visons et chiens viverrin

Dans les élevages de faune sauvage, la possibilité de contamination de l’espèce humaine par le vison est désormais avérée. « Dans ces élevages, les virus SARS-CoV-2 ne sont pas plus contagieux ou plus virulents, mais ils circulent rapidement dans les bâtiments et chez les personnes habitant à proximité des exploitations. La contamination rapide des visons dans un élevage s’explique par la grande sensibilité des mustélidés (loutres, blaireaux, martres, zibelines, putois, fouines, visons, furets) aux virus à tropisme respiratoire. Par ailleurs l’élevage des visons, réalisant une forte densité animale dans un bâtiment fermé, favorise la production d’aérosols infectants et la contamination rapide de la totalité des animaux, voire du personnel d’élevage », peut-on lire dans le rapport des académiciens.

Le cas des chiens viverrins, élevés en Chine pour leur fourrure, a également été étudié. Des chercheurs de l'Institut Friedrich Loeffler en Allemagne ont montré que ces chiens sont sensibles au SARS-CoV-1 et peuvent contaminer par contact direct d’autres chiens viverrins, même s’ils n’ont pas présenté de signes cliniques. « Ces animaux peuvent être considérés comme des hôtes intermédiaires potentiellement impliqués dans la propagation de la Covid-19. S’il n’existe pas d’élevages importants de chiens viverrins en Europe comme en Chine, on peut retrouver ces animaux à l’état sauvage après qu’ils aient été relâchés dans la nature ou se soient évadés de zoos ou de laboratoires (où ils sont notamment utilisés dans les études sur la rage). Connus pour être les principaux vecteurs du virus rabique dans certaines forêts de l’Europe de l’Est, ils sont considérés comme des nuisibles sur tout le territoire français (Arrêté du 24 mars 2014). »

9 - Des mutations du virus souvent sans conséquence importante

Les virus variants observés dans les élevages de vison poussent les chercheurs à s’interroger sur les risques que représentent ces mutations du SARS-CoV-2 chez l’animal. Selon un rapport européen, « les informations disponibles au Danemark et aux Pays-Bas ne démontrent pas un risque accru de contagiosité par rapport aux autres virus humains, même si des incertitudes subsistent, tous les cas n’étant pas détectés et tous les virus n’étant pas séquencés », analysent les académiciens. « Ainsi la probabilité d'une infection par les variants liés au vison est évaluée comme faible pour la population générale, modérée pour les populations des zones à forte concentration d'élevages de visons et très élevée pour les personnes exposées aux fermes de visons ». Selon ces spécialistes, les coronavirus étant des virus à ADN, des mutation mineures apparaissent fréquemment, qui sont « souvent sans conséquence importante ». Ils affirment d’ailleurs que « depuis son émergence, le SARS-CoV-2 a accumulé des mutations par rapport à la première souche (Wuhan-Hu-1) séquencée en janvier 2020 ».

Les mutations mineures sont fréquentes chez les coronavirus car il s’agit de virus à ARN. Depuis son émergence, le SARS-CoV-2 a accumulé des mutations par rapport à la première souche (Wuhan-Hu-1) séquencée en janvier 2020, la protéine S étant la plus importante à considérer dans le contexte d’une protection immunitaire. Cependant elles sont souvent sans conséquence importante.

10 – Mutations sans risque réel pour la santé publique mais principe de précaution

Pour les académiciens, « les rapports publiés jusqu’à présent sur les mutations du SARS-CoV-2 n’apportent pas de données scientifiques précises laissant présager un risque réel pour la santé publique ». A ce jour « rien ne permet de conclure que ces mutants représentent un réel danger pour l’Homme et pour l’efficacité des vaccins futurs », affirment-ils. Cependant « le principe de précaution a prévalu », soulignent-ils. C’est pourquoi le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies ( ECDC : European Centre for Disease Prevention and Control) a émis plusieurs recommandations parmi lesquelles :

- détecter précocement, dans une approche « une seule santé » impliquant les autorités de santé animale et publique, l’infection par le SARS-CoV-2 des visons et les cas humains liés aux élevages de visons, afin de réagir rapidement et de mettre en place de mesures de biosécurité ;

- améliorer la détection précoce des mutations en vue de signaler rapidement toute mutation préoccupante avec un partage régulier des séquences dans des bases de données ouvertes.

Lire aussi [Covid-19] Pourquoi les vétérinaires veulent rejoindre les conseils scientifiques ?

Par ailleurs, l’Académie nationale de médecine nationale et l’Académie vétérinaire de France recommandent de mener des études supplémentaires pour évaluer le risque présenté par le virus variant (DFVI-spike). « Si ces études révèlent que ce variant risque d’échapper à la réponse immunitaire développée contre le SARS-CoV-2 », leur recommandation est alors « d'évaluer les implications potentielles pour le diagnostic, le traitement et le développement de vaccins contre la Covid-19. »

 

 

 

 

 

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