Bâtiment d'engraissement en porc : quels choix techniques pour quelle conception ?
La Chambre d’agriculture de Bretagne a rassemblé un collectif de dix experts de la filière avec un objectif : dessiner le plan d’un bâtiment d’engraissement conventionnel répondant aujourd’hui aux défis de demain.
La Chambre d’agriculture de Bretagne a rassemblé un collectif de dix experts de la filière avec un objectif : dessiner le plan d’un bâtiment d’engraissement conventionnel répondant aujourd’hui aux défis de demain.
Lorsqu’un éleveur a un projet de bâtiment d'engraissement neuf, il se pose de nombreuses questions. En effet, son bâtiment doit répondre aux enjeux présents et futurs.
Se mettre à la place de cet éleveur, voilà l’exercice proposé par la Chambre d’agriculture de Bretagne à un collectif de dix personnes, composé de directeurs et de techniciens de groupements, de vétérinaires, de firmes services, d’élus éleveurs et salariés en élevage.
Si l’ouvrage dessiné in fine à l’issue des échanges ne révolutionne pas complètement la production, il affiche de sérieux atouts pour relever les défis de demain. « Le groupe a tranché pour un système éprouvé, fonctionnel et ergonomique pour limiter la prise de risque et assurer la performance technique », explique Frédéric Kergourlay, chargé d’étude bâtiment et énergie de la Chambre d’agriculture de Bretagne.
Un consensus autour des enjeux
Rentabilité, attractivité du métier, adaptation aux futures évolutions réglementaires, au changement climatique, à la biosécurité… Après avoir introduit les principaux enjeux à prendre en compte lors de la conception des bâtiments, Frédéric Kergourlay a invité le collectif à réagir sur plusieurs choix techniques.
Dès lors, des options ont fait consensus au sein du groupe : « Il faut anticiper la fin du caillebotis intégral », « on va vers du un mètre carré par porc à 110 kilos », « l’autonomie alimentaire est importante », « une gestion optimisée de l’eau est nécessaire », « la robotisation du lavage par la standardisation des bâtiments est à intégrer dès la conception », « maîtriser les coûts d’investissement et de fonctionnement est essentiel » ou bien encore « la réduction de l’ammoniac produit et émis au bâtiment va de pair avec une obligation de résultat »…
Ces éléments ont servi de base pour poursuivre la réflexion jusqu’à l’élaboration d’un plan type.
Un bâtiment fermé, mais lumineux
Sur certains aspects, le groupe n’avait pas d’hésitation. C’est le cas par exemple du choix d’un bâtiment fermé pour des raisons sanitaires. L’alimentation soupe a également été plébiscitée, afin de bien valoriser les matières produites sur l’exploitation. Ce qui a d’emblée orienté la configuration des cases. Des auges de 40 centimètres par porc idéalement sont préférées aux traditionnels 33 centimètres. À noter que les nourrisseurs permettant une valorisation du maïs humide ont obtenu quelques voix.
L’automatisation du lavage a aussi remporté tous les suffrages, imposant ainsi de limiter la profondeur des cases à moins de 5,50 mètres. L’apport de lumière repose beaucoup sur l’optimisation de l’entrée de la lumière naturelle au cœur du bâtiment. Elle est apportée par trois fenêtres en fond de salle donnant sur l’extérieur, ainsi que par deux fenêtres complétées d’une porte avec oculus en entrée de salle donnant sur le couloir de service, lui-même éclairé par un dôme lumineux.
« Le groupe a opté pour plus de volume dans les salles, mais pas de grand volume à proprement parler », précise Frédéric Kergourlay. Le collectif s’est ainsi positionné sur un plafond plat de 2,80 mètres de hauteur, avec charpente fermette. Un cooling, tout comme des débordements de toiture d’un mètre ou bien des filtres anti-UV aux fenêtres extérieures ont été prévus pour éviter l’exposition directe des porcs au soleil. L’extraction basse a été retenue avec en option un système de traitement d’air. Le bio filtre est sorti du lot.
La notion de grand groupe a rapidement été écartée pour, notamment, des raisons de gestion sanitaire délicate, de difficultés de surveillance et de tri, ainsi que de complexité des systèmes d’alimentation. Des lots de douze à quinze porcs, avec 1 mètre carré par porc hors auge, ont été choisis, avec une variante possible allant jusqu’à trente porcs. « De nombreux échanges autour de la densité ont eu lieu », indique Frédéric Kergourlay. Avant de préciser : « Tous ont soulevé les difficultés de gérer ces grandes surfaces en début d’engraissement, notamment pour assurer le confort thermique des animaux et le respect de zones de vie distinctes. »
Les solutions possibles, comme le démarrage des lots en double densité ou bien l’installation de cloisons modulables, n’ont pas convaincu le groupe. L’importance de garantir les performances et leur suivi constituait une des clés de voûte de la réflexion du groupe. Cela passe notamment par une amélioration du pourcentage de porcs dans la gamme à travers des pesées, avec ou sans nouvelles technologies (station de tri, caméras de pesées…).
Vers la fin du caillebotis intégral
La perspective d’élever des porcs à queue longue était bien présente dans les esprits. Cela a conduit à l’option d’installer les auges longues en position centrale des cases, pour créer des zones de fuites et ainsi réduire le risque de caudophagie. La possibilité d’installer un bloc de luzerne en cas de problème de cannibalisme a été soulignée.
Concernant le type de sol, le groupe s’est orienté vers du caillebotis béton, avec une partie en gisoir drainant sur 20 % de la case. Malgré le manque de recul et donc de garantie d’efficacité, l’option régulation « chaud/froid » du gisoir drainant a été retenue, afin de gérer au mieux la bonne utilisation de cette surface.
Le groupe n’a pas pris position quant à l’élevage de mâle entier, castré ou immunocastré. La construction d’une infirmerie générale dans le bâtiment ainsi que la création d’un espace infirmerie en fond de couloir de salle ont été adoptées. La gestion des effluents se ferait soit avec un système de raclage en lisier frais, soit avec un stockage en préfosse associé à des vidanges régulières. La couverture des fosses et un système de récupération des eaux pluviales pour le lavage ont été intégrés au bâtiment.
Le photovoltaïque reste en option, notamment selon les compagnies d’assurances qui durcissent de plus en plus leur politique commerciale. L’intégration ou non des dernières technologies en matière de valorisation de calories (ex. : lisiothermie ou récupération de calories dans la gaine d’extraction) n’a pas été tranchée. L’intégration paysagère n’a pas été négligée, avec entre autres le choix d’un habillage bois ou bien des murs teintés pour assurer l’esthétique de l’ouvrage. Enfin, l’importance de locaux bien équipés et confortables pour le personnel a fait l’unanimité au sein du groupe.
Un coût à la place élevé
Dans un contexte actuel plutôt favorable aux investissements, avec un prix du porc et des coûts de production aujourd’hui maîtrisés, les coûts de construction de cet ouvrage atteignent déjà 800 euros la place, selon une rapide estimation. Ce frein économique est réel pour la construction « telle quelle » de ce type de bâtiment sur le terrain. C’est pourquoi un projet évolutif permettant une mise en œuvre progressive de certaines options techniques en faciliterait le déploiement.
Claire Walbecque, claire.walbecque@bretagne.chambagri.fr
Frédéric Kergourlay, Chambre d’agriculture de Bretagne
Le résultat d’un compromis
« Le travail mené lors de cet atelier a permis de confronter les différents avis et de valoriser des expériences au sein d’un groupe d’acteurs ayant peu l’occasion de travailler ensemble. Enrichies par cette diversité et confortées par le caractère collectif des conclusions, les idées qui en sont issues ne constituent en aucun cas un cahier des charges prédéfini. Mais elles peuvent éclairer les choix de chaque porteur de projet : à chacun de s’en emparer et de les adapter à ses propres objectifs et convictions ! »
Des échanges constructifs et prospectifs
Cet atelier a eu lieu dans le cadre du « comité R&D porc », organisé chaque année par la Chambre d’agriculture de Bretagne dont l’objectif est de recueillir les attentes du terrain en matière de recherche appliquée, besoins de références, ainsi que d’actions de formation, d’accompagnement et de diffusion à mettre en place. Pour cette édition 2024, un format différent de celui des années précédentes a été proposé, avec notamment deux ateliers de réflexion proposés au choix pour les participants.