Pour attirer plus de femmes à la tête des entreprises agricoles : « Il faut libérer les potentiels ! »
Le nombre de femmes à la tête d’exploitations agricoles stagne, malgré les défis liés au renouvellement des générations. Qui sont ces cheffes d’exploitations agricoles ? Quels sont les freins à leur développement ? Quelles propositions pour les lever ? Réponses avec Gabrielle Dufour du think tank Agridées et Anne-Dumont-Leca de Vox Demeter.
Le nombre de femmes à la tête d’exploitations agricoles stagne, malgré les défis liés au renouvellement des générations. Qui sont ces cheffes d’exploitations agricoles ? Quels sont les freins à leur développement ? Quelles propositions pour les lever ? Réponses avec Gabrielle Dufour du think tank Agridées et Anne-Dumont-Leca de Vox Demeter.

Durant tout le salon de l’agriculture, Gabrielle Dufour, responsable communication du think tank Agridées et Anne Dumont-Leca, fondatrice et présidente de Vox Demeter, n’ont pas ménagé leur peine pour promouvoir leur précieux petit livret bleu. Intitulé « Entrepreneuriat féminin en agriculture : libérer les potentiels ! », il s’agit de la première note aussi complète en la matière, issue d’échanges et réflexions durant 18 mois d’un groupe de travail regroupant 40 représentantes de la chaîne agroalimentaire et publiée fin novembre 2024.
« Notre idée était de réfléchir aux enjeux des femmes dans l’entreprise agricole dans le cadre du défi du renouvellement des générations », explique Anne Dumont-Leca sur le SiaPro fin février.
Les femmes représentent aujourd’hui 26% des cheffes d’exploitation et des coexploitantes, un chiffre qui stagne depuis 2010, malgré leur rôle essentiel
« Près de la moitié des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite d’ici 2030. Les femmes représentent aujourd’hui 26% des cheffes d’exploitation et des coexploitantes, un chiffre qui stagne depuis 2010, malgré leur rôle essentiel », constate la présidente de Vox Demeter.
« Derrière ces chiffres, qui sont peu nombreux, on a voulu savoir qui sont ces cheffes d’entreprises, quelles sont leurs forces et les freins qui les bloquent pour mieux comprendre comment elles peuvent libérer leur potentiel » explique Anne Dumont-Leca.
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Quelles sont les spécificités des agricultrices ?
« Sans vouloir faire rentrer les agricultrices dans de nouvelles cases », souligne Gabrielle Dufour, la note d’Agridées et Vox Demeter pointe quelques spécificités des cheffes d’entreprises agricoles au nombre de 111 700 selon le dernier recensement agricole :
- Dans le mode de gestion des entreprises et l’innovation : « Elles ont une approche de management plus attentive au bien-être », explique Gabrielle Dufour ; elles innovent dans les pratiques agricoles du fait notamment de la diversité des études et des expériences professionnelles qui ont précédé leur installation (les agricultrices de moins de 40 ans sont 57% à avoir fait des études supérieures cotre 41% des hommes d’après une étude Agreste)
- Dans leur engagement pour la durabilité : près de 33% des exploitations biologiques sont dirigées par des femmes (contre 26% pour l’ensemble des exploitations, selon une étude de BacktoEarth) et près de 70% de l’ensemble des agricultrices mettent ou ont mis en place des techniques agroécologiques (conservation des sols, haies, agroforesterie…), selon la même étude.
- Diversification des activités : les agricultrices sont plus nombreuses que la moyenne des chefs d’entreprise agricole à vendre leurs produits en circuits courts (30% soit +7 points selon la MSA), à s’engager dans l’agro ou l’oenotourisme (58% d’agricultrices parmi les adhérents de Bienvenue à la ferme ou à l’ouverture de leur exploitation à la ferme. « Convaincues de l’utilité de leur métier pour la société, ce sont des médiatrices du monde agricole », peut-on lire dans la note qui cite l’étude Vérian pour la MSA.
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Quels freins expliquent la dynamique récente de l’entrepreneuriat féminin en agriculture ?
Mais derrière ces points forts et spécificités, Agridées et VoxDemeter identifient dans leur note des « freins pour expliquer l’émergence récente des cheffes d’entreprises agricoles » dont des :
- Freins sociaux et culturels : « La transmission des exploitants est encore aujourd’hui – pour beaucoup- une affaire d’hommes » peut-on lire dans l’étude qui pointe la difficulté de reprise pour les filles d’agriculteurs et pour les Nima d’accéder au foncier. L’étude pointe aussi les différentes formes que prend le « sexisme en agriculture »
Quel que soit le secteur d'activité les femmes ont moins d'argent pour s'installer
- Freins structurels : « Quel que soit le secteur d’activité les femmes ont moins d’argent pour s’installer », explique Gabrielle Dufour. Quand elles s’installent, les agricultrices ont en moyenne moins de patrimoine et moins de revenus que leurs homologues masculins, souligne la note. Souvent plus âgées à l’installation, elles ne touchent par ailleurs pas la DJA.
- Freins professionnels : il existe peu de programmes de mentoring et d’accompagnement spécifique aux cheffes d’entreprise agricole, la charge mentale reste importante et la conjugaison des rôles professionnels et familiaux complexe en raison de contraintes multiples.
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44 propositions pour libérer le potentiel des femmes dans l’agriculture
Face à ces constats, pour créer des conditions favorables à l’accueil de nouvelles venues dans le monde agricole, la note d’Agridées et VoxDemeter propose 44 mesures dont 5 mesures phare :
- Créer un observatoire de l’entrepreneuriat en agriculture avec des données genrées
- Centraliser les données sur un site dédié aux femmes qui se lancent ou veulent se convertir en agriculture
- Réunir les conditions pour permettre à toutes les femmes cheffes d’entreprise de prendre leur congé de maternité de la même manière que les salariées
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- Rendre obligatoire la publication annuelle d’un index d’égalité par les collectifs de gouvernance
- Créer un réseau de femmes cheffes d’entreprises agricoles puissant ou encourager les agricultrices à intégrer des réseaux déjà existants non spécifiques au monde agricole.
A noter parmi les autres mesures : la proposition de faire évoluer les aides spécifiques sans restriction d’âge pour les nouveaux installés dans la mesure où les femmes entrent en agriculture plus tardivement que les hommes, ou créer des mécanismes de soutien financier ciblés pour les femmes porteuses de projets.
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