Un modèle pour repérer la caudophagie
La longueur de la queue en fin d’engraissement permet d’identifier certains porcs victimes de caudophagie à l’aide d’un modèle de croissance. Tous les porcs victimes ne sont cependant pas repérés.
La longueur de la queue en fin d’engraissement permet d’identifier certains porcs victimes de caudophagie à l’aide d’un modèle de croissance. Tous les porcs victimes ne sont cependant pas repérés.
Sur le plan du bien-être, la présence de la queue chez le porc est parfois présentée comme un indicateur « iceberg », dont la queue est la partie émergée. Quand on la voit, on est à peu près certain que les conditions de logement et de conduite du porc, la partie immergée qu’on ne voit pas mais qui représente l’essentiel du volume de l’iceberg, sont bonnes et qu’il n’y a pas eu de morsures. Peut-on se fier à la présence de la queue chez le porc pour garantir l’absence de caudophagie ?
L’aspect de la queue en fin d’engraissement traduit mal le vécu des porcs
Pour les 99 porcs dont la queue n’a pas été coupée en maternité lors de l’essai à Guernévez, la longueur de la queue de ces porcs en fin d’engraissement variait entre 7 et 33 cm, pour une moyenne de 22,7 cm. 81 % des animaux ne présentaient aucune marque sur la queue, et 12 % seulement de petites griffures qui ne pouvaient pas être spécifiquement associées à des morsures. Impossible pour ces animaux de savoir si la queue était entière, ou si le porc avait été victime de caudophagie à un stade précoce. Seuls 7 % des porcs avaient des rougeurs ou une petite plaie à la queue et un seul animal présentait une plaie importante au moment du départ. Ce résultat obtenu en fin d’engraissement traduit cependant assez mal le vécu des porcs. Seulement 12 porcs avaient leur queue entière aux quatre stades de mesure (naissance, entrée post-sevrage, entrée engraissement, départ engraissement). Tous les autres porcs, ont été victimes de caudophagie avec un niveau de gravité très variable. Les plaies se sont guéries ensuite, et le raccourcissement de la queue lié aux morsures était également variable. Plus la caudophagie intervient tôt dans la vie du porc, plus l’impact sur la longueur de la queue semble être limité.
La croissance de la queue est liée à l’augmentation du poids
À partir des 12 porcs ayant la queue intacte à tous les stades, la chambre d’agriculture de Bretagne a établi une courbe de croissance allométrique de la queue en fonction du poids de l’animal. Sur le plan statistique, le modèle est fiable, bien qu’obtenu sur un nombre limité de porcs. La croissance de la queue est statistiquement liée à l’augmentation du poids des animaux. On peut alors placer chaque porc sur la courbe. Si la longueur de la queue d’un porc est comprise dans l’intervalle de confiance de 2 écarts types résiduels, alors on peut affirmer qu’il y a 95 % de chances qu’elle corresponde à une longueur « normale » par rapport au poids de l’animal. Si le porc est en dehors de l’intervalle, la longueur de la queue n’est pas normale. Même sans connaître l’historique de l’animal ou observer l’état de la queue, on peut affirmer qu’il a été victime de caudophagie. Pour 38 % des animaux de notre essai à Guernévez, la croissance de la queue est conforme au modèle en maternité, suivi d’un décrochage en post-sevrage. Ces animaux ont typiquement été victimes de caudophagie au cours du post-sevrage. 4 % ont la queue plus petite en fin d’engraissement par rapport au modèle, suggérant une caudophagie en engraissement.
Une observation à différents stades de la vie du porc est nécessaire
Ce modèle de prédiction a cependant des limites. La présence de caudophagie n’implique pas nécessairement un raccourcissement de la queue puisque 28 % des animaux identifiés comme victimes à un stade de croissance ont une longueur de queue comprise dans l’intervalle de confiance à tous les points de mesure. Pour les animaux dont la longueur de la queue est normale par rapport au modèle, on ne peut donc pas affirmer à 100 % qu’il n’y a pas eu de caudophagie. S’il y a eu des morsures, elles sont arrivées très tôt dans la vie du porc, en début de post-sevrage pour l’essentiel, et elles ont eu un impact limité sur l’intégrité du porc. Une observation à différents stades de la vie du porc est donc nécessaire. Notre modèle de croissance permet néanmoins d’identifier avec certitude un nombre minimum de porcs victimes de caudophagie dans un groupe d’animaux.