Forum Porveo
Porveo évalue les mesures de bien-être animal en élevage de porcs
Le groupement Porveo a mené une série d’essais visant à évaluer l’intérêt de certaines mesures de bien-être pour l’animal tout en tenant compte des conditions de travail pour les éleveurs.
Le groupement Porveo a mené une série d’essais visant à évaluer l’intérêt de certaines mesures de bien-être pour l’animal tout en tenant compte des conditions de travail pour les éleveurs.
Trouver le bon équilibre entre les attentes sociétales, les performances économiques et les contraintes de travail pour la mise en place de mesures améliorant le bien-être des animaux en élevage, tel était le fil rouge du forum technique organisé par le groupement Porveo, à Laval le 29 novembre dernier. « Il y a des normes réglementaires que tout le monde doit respecter, et qui vont encore évoluer, met en garde Thierry Lambert, le président du groupement. Il y a aussi des initiatives que chacun peut mettre en place dans son élevage, à condition que le coût et la contrainte de travail supplémentaire soient compensés par une amélioration des résultats techniques ou par une plus-value à la vente. » L’objectif du groupement est clair. « On teste les solutions, on évalue les avantages et les inconvénients, et on ne les met en place que s’il y a un retour pour les éleveurs. » Un travail de référencement fait en commun avec les clients du groupement, dont certains présents au forum ont pu constater la complexité de plusieurs de ces solutions.
Sur des bases objectives définies par l’OIE
Depuis sa création en 2017 à partir de la fusion des groupements Terrena, Cam53 et Cap 50, Porveo s’est doté d’un service R & D très efficace, dirigé par Patrick Massabie (ex-Ifip) qui a su apporter le pragmatisme et la rigueur scientifique à tous les essais menés sur le terrain avec les techniciens et les éleveurs. « Notre démarche est basée sur la recherche de solutions qui répondent à la définition objective du bien-être animal énoncée par l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) », explique-t-il. À savoir : l’absence de faim, de soif et de malnutrition, de peur et de détresse, absence de stress thermique ou physique, de douleur, de lésions et de maladie, et enfin la possibilité pour l’animal d’exprimer les comportements normaux de son espèce. Porveo a développé, en partenariat avec CIWF, l’application Tibena qui mesure le niveau de bien-être en élevage au travers de ces cinq libertés fondamentales. Les 160 audits réalisés démontrent le bon niveau général des élevages. Ils mettent aussi en avant les points d’amélioration sur lesquels les éleveurs peuvent travailler, dont certains ont été testés et présentés au forum.
1 Davantage de sevrés en maternité liberté
En comparaison avec des cases bloquées équipées de système ascenseur, les truies logées dans des cases de mise bas liberté d’un élevage de production Porveo ont écrasé davantage de porcelets (+1 par portée). Malgré cela, elles ont sevré 1,1 porcelet de plus ! Le poids de portée a été également plus élevé. « Cet écart s’explique par des cases bloquées trop petites, qui entraînent des problèmes d’accès la mamelle, des décrochages de porcelets et au final une mortalité supérieure en cours de lactation », analyse Patrick Massabie. La productivité des truies de l’élevage dans lequel s’est déroulé le test est représentative de l’évolution actuelle, avec 13,1 porcelets sevrés par portée en cases bloquées, mais 14,2 porcelets en cases liberté. L’éleveur libérait les truies 48 heures après la mise bas, ce qui pourrait expliquer le taux relativement élevé d’écrasés dans cette configuration. « C’est un paramètre qui se travaille au cas par cas et qui peut être amélioré. » Les remontées de l’éleveur sont positives : « Il estime qu’il est plus facile de travailler dans cette salle ».
2 De meilleures croissances en post-sevrage avec une mezzanine
La surface supplémentaire apportée par des mezzanines installées au-dessus de cases de post-sevrage a permis d’améliorer significativement la croissance des porcelets, et de diminuer les nécroses d’oreille de 65 % par rapport à des cases non équipées. « L’objectif est d’apporter aux animaux 20 à 30 % de surface supplémentaire sans construction », explique Patrick Massabie. Les améliorations correspondent aux effets d’une baisse de surcharge, en lien avec une diminution des interactions entre les animaux. En revanche, les éleveurs chez qui ces tests ont été faits soulignent la difficulté d’intervenir dans la case sous la mezzanine. Par ailleurs, le temps de lavage est augmenté de moitié. « Pour développer cette solution, il faudrait que les équipementiers s’y intéressent afin de développer des conceptions plus ergonomiques. »
3 Pas de solution satisfaisante pour arrêter la coupe des queues
Porveo a testé plusieurs solutions pour limiter la caudophagie dans un contexte d’arrêt de la coupe des queues. « La plupart limitent les risques, mais ne les suppriment pas totalement », souligne Loïc Le Marchand, technicien Porveo. De plus, certains sont onéreux. C’est le cas d’un produit antistress à base d’extraits de plantes (1) distribué aux animaux via l’eau de boisson. « Un essai en élevage démontre qu’il limite le cannibalisme sur des porcs dont la queue n’a pas été coupée en conditions normales, avec un ajout de matériau d’enrichissement dans la case », constate-t-il. 84 % des porcelets avaient leur queue entière en fin de post-sevrage, contre seulement 2 % pour le lot témoin. « Cependant, nous avons constaté une recrudescence des morsures en fin de post-sevrage sur le lot traité, quand le chargement est devenu trop important. » Le coût élevé du produit (1,75 € par porcelet s’il est administré durant toute la période) peut être compensé par une amélioration de la croissance qui a été constatée lors de l’essai (+ 68 g/j). Un gain technique à confirmer.
Le mélange de deux portées en maternité dès le cinquième jour de vie semble également avoir des effets positifs sur la réduction de la caudophagie. « 78 % des porcelets avaient encore la queue entière en fin de post-sevrage, ce qui est correct », indique Loïc Le Marchand. Un apport de toiles de jute en cas de problème a aussi limité les épisodes de caudophagie. Cependant, l’éleveur souligne la nécessité d’être très réactif pour enrayer le problème dès les premières blessures. Par exemple, l’apparition d’un problème de ventilation en cours de post-sevrage a immédiatement provoqué une recrudescence des morsures de queues. « C’était un test stressant », conclut-il.
Notation des morsures des queues non coupées
Recrudescence des morsures de queue en fin d’engraissement sur le lot recevant un antistress
La note varie de 0 (aucune marque visible) à 3 (plaie importante ou lacération). L’objectif est de ne pas dépasser la note de 1.
4 Moins de morts nés avec les toiles de jute
« L’apport d’un enrichissement de type toile de jute semble avoir un effet bénéfique sur les mort-nés », souligne Patrick Massabie. Toutes les truies n’ont cependant pas les mêmes besoins. « Certaines n’y touchent pas. D’autres la détruisent complètement. » L’effet de l’enrichissement est plus marqué sur les cochettes (-0,84 mort-né par portée) et les truies à risque (-1,37 mort-né par portée). En revanche, aucun effet sur les écrasés et les pertes en maternité n’a été constaté.
5 La vaccination sans aiguille limite les arthrites
Les appareils de vaccination sans aiguille limitent les risques infectieux en améliorant l’hygiène au point d’injection et en réduisant les plaies cutanées. Ils diminuent aussi les risques traumatiques grâce à une moindre manipulation des porcelets. D’après l’analyse des résultats d’abattage de 11 sites d’engraissement qui sont passés à la vaccination sans aiguille, le nombre de saisies pour arthrites est passé de 2,36 % à 1,43 % en un an sur un total de 50 000 porcs abattus. Dans le même temps, le nombre de saisies totales est passé de 2,91 % à 1,57 %. « Il faut aussi ajouter en avantage un travail moins pénible pour l’éleveur », souligne David Peroz, vétérinaire Porveo.
6 Un sevrage moins pénible avec des porcelets sociabilisés
Deux éleveuses ayant adopté la technique de la sociabilisation des porcelets en maternité (voir Réussir Porc mai 2019 page 32) ont témoigné d’une amélioration des conditions de travail liée à cette pratique. « Au sevrage, tous les porcelets sortent facilement des cases. La pénibilité du travail s’en trouve fortement réduite durant cette journée », affirme Madeleine Malle, éleveuse dans le sud de la Manche. Elle pratique la sociabilisation des porcelets en maternité depuis le mois de février 2019. Pour cela, elle soulève les cloisons arrière des cases à 10 jours d’âge. Les porcelets peuvent ainsi accéder au couloir central sur caillebotis. Dominique Marchand souligne que, pour une bande de 40 truies et 520 porcelets en moyenne, le gain de temps moyen est de deux heures au sevrage. Les porcs charcutiers sortent également plus facilement des cases. « Au départ et au tri des porcs, le gain de temps est estimé à une heure, soit un total de quatre heures et demie par bande. »
À la maternité collective de la Perrière à La-Bazouge-de-Chéméré en Mayenne, Angéline Bréhin, la chef d’élevage, témoigne d’une amélioration de la qualité des porcelets au sevrage. « Il y a beaucoup moins de décrochés au sevrage. Les porcelets restent dormir dans leur case d’origine. Mais dans la journée, ils circulent d’une truie à l’autre. » Les cloisons sont enlevées sept jours après les mises bas. Mais elle impose de maintenir isolées les portées adoptives jusqu’à 15 jours de lactation.
Dominique Marchand souligne également l’absence d’effets significatifs de cette technique sur le statut sanitaire des porcelets. « Dans un élevage avec un sevrage à 21 jours positif à la grippe, et dont les truies sont vaccinées SDRP, nous n’avons vu aucune différence significative dans les résultats PCR sur les sérologies SDRP et influenza », constate-t-il. Même constat dans un élevage au sevrage à 28 jours dont les truies sont vaccinées SDRP uniquement. « La sociabilisation des porcelets n’a pas entraîné une reprise de la circulation des virus SDRP et influenza. » Dans les deux cas, le vétérinaire souligne une amélioration significative du GMQ en post-sevrage pour les lots sociabilisés, avec un gain de 2 kilos par porcelet au passage à l’engraissement.