Ne pas sous-estimer les boiteries chez la truie
Les boiteries des truies font partie des problèmes les plus récurrents en élevage. Elles ont un impact négatif sur l’état général de l’animal et sur ses performances.
Les boiteries des truies font partie des problèmes les plus récurrents en élevage. Elles ont un impact négatif sur l’état général de l’animal et sur ses performances.
La boiterie est une démarche inhabituelle exprimée par la truie en lien avec une douleur au niveau des membres. La localisation et la cause sont variables. En effet, une boiterie peut atteindre n’importe quel membre.
La source de la boiterie peut se trouver à la fois au niveau des muscles (lésion musculaire) ; des nerfs (compression de la moelle épinière) ; des os (fracture) ; des articulations (arthrites) ; des onglons (panaris, fissure, arrachage d’onglon).
Des facteurs de risques multiples
Les causes des boiteries peuvent être environnementales (type de sol, type de logement, ventilation, taille de groupe), alimentaires (formule, système de distribution), ou comportementales (bagarres…). L’environnement et notamment la qualité des sols, a un fort impact sur la présence de boiteries chez les truies. Le sol doit être sec, propre et non glissant. En effet, un sol humide va fragiliser les onglons. Un sol sale et humide facilite le développement de bactéries et va favoriser les infections au niveau des onglons.
Le sol doit aussi permettre l’usure naturelle des onglons (sol dur) et donc empêcher une pousse trop importante. Il ne faut pas qu’il soit irrégulier ou dégradé car cela favorise les blessures mécaniques. Une position de couchage inconfortable et/ou des bagarres fréquentes vont favoriser les lésions et arrachages d’onglons. Les blessures au niveau du pied et les problèmes articulaires sont les deux principaux types de lésions observées en élevage.
Les lésions issues de boiteries ayant pour source une lésion au niveau du pied sont détectables en maternité. Il faut observer tous les membres (en particulier les membres postérieurs sur lesquels repose la majorité du poids de l’animal) de chaque truie en détaillant chaque partie du pied. C’est le stade idéal pour observer la face postérieure (dessous) du pied. Le blocage de la truie facilite l’observation des pieds du fait qu’ils sont propres et qu’elles sont fréquemment couchées. En gestante, il faut observer les truies pendant leurs déplacements et regarder de plus près si une truie boite.
L’observation se déroule en trois phases :
Pour l’observation des onglons, une grille d’évaluation des lésions permet de les classer entre lésions mineures, lésions modérées et lésions majeures. Les lésions mineures sont fréquentes sur les truies : jusqu’à 90 % des truies ont au moins une lésion sans forcément boiter. Attention, lorsqu’elles sont visibles, c’est qu’il est presque trop tard ! En effet, 20 % des onglons ayant des altérations internes ne présentent pas de lésions externes (source : ELO Santé nutrition 2021, intervention de Luis da Veiga, Zinpro). Il faut faire très attention aux lésions au niveau des pieds et ne pas tolérer plus de 10 % de truies avec des lésions notées 2 ou 3.
Les boiteries de source articulaire surviennent le plus souvent suite à une chute (sol humide, bagarre…) ou à une maladie (streptococcie, mycoplasmose articulaire…). En maternité et/ou en verraterie, il faut observer les truies au moment où elles se lèvent. En gestante, l’observation va être réalisée plus facilement pendant les déplacements. Si vous suspectez une boiterie de source articulaire, palpez les quatre membres et vérifiez toutes les articulations. Regardez s’il y a des zones chaudes, gonflées, douloureuses.
Évaluer l’importance des boiteries dans l’élevage
Quelle que soit la source de la boiterie (une lésion au niveau du pied, un problème articulaire ou une autre cause), il faut évaluer son importance, qui va orienter le choix d’isoler ou non la truie (pour les truies logées en groupe). Ensuite, il faut déterminer s’il y a une infection ou non pour adapter au mieux le traitement. Le suivi des boiteries va permettre de faire une synthèse par bande au sevrage. Il sera donc possible de déterminer le pourcentage de truies atteintes. Cette prévalence ne doit pas excéder 10 %. Les pertes (euthanasies) pour cause de boiterie ne doivent pas dépasser 2 %. Si un de ces seuils est atteint et que la situation se répète de bande en bande, un point avec votre vétérinaire est nécessaire. Ensemble vous discuterez de la mise en place des mesures correctives pour limiter les facteurs de risque, ainsi que des traitements à mettre en place. Un ou plusieurs traitements peuvent être prescrits afin de soigner les truies boiteuses.
Mettre en place des actions préventives
Au niveau de l’alimentation, des apports en biotine, en zinc participent à la solidité des onglons ; des apports en calcium et phosphore fortifient les os. Au niveau de l’environnement, l’hygiène et la qualité du sol sont des aspects essentiels pour assurer un bon état des pieds. Il faut conserver au maximum un sol sec, en raclant le sol si les déjections s’accumulent et en utilisant de l’asséchant. Il est important de désinfecter les salles qui peuvent l’être. De même, la ventilation joue un rôle non négligeable dans le séchage du sol, un audit ventilation peut être nécessaire afin de s’assurer de sa bonne programmation. Il faut également vérifier l’absence d’objet blessant comme des vis ou des clous qui peuvent léser les membres des truies. Dans le cas des onglons accessoires, si le taux d’onglons arrachés est trop élevé et que les onglons sont de façon générale trop longs, leur coupe peut se révéler nécessaire. Cet acte est simple et se réalise en verraterie (parfois un peu plus compliqué) ou en maternité (conseillé) avec une pince coupante électrique. Contactez votre vétérinaire si une mise en place est nécessaire.
Un organe sensible aux lésions
Chaque pied est composé de deux doigts recouverts d’un onglon et possède deux onglons accessoires latéraux. L’onglon se compose de trois parties : sur le dessus du pied se trouve la muraille et sur le dessous du pied se trouvent la sole et le talon. Les jonctions entre ces trois parties sont sensibles aux lésions. La ligne blanche, qui sépare la muraille de la sole, est plus particulièrement sensible aux potentielles agressions du milieu. Une lésion du pied peut se transformer en panaris si des bactéries pénètrent à ce niveau.
Amel Taktak, cabinet vétérinaire Chêne vert
Privilégier l’observation des truies
« Quelle que soit la source de la boiterie, l’observation des truies reste le meilleur moyen de prévention face au risque d’aggravation des lésions. Pour cela, il faut les lever tous les jours et les regarder se déplacer. Il est important de noter toute truie ayant des difficultés à se déplacer, et le symptôme constaté (absence d’appui sur un membre, piétinement, gonflement articulaire…). Privilégier une bonne lumière, utiliser une lampe torche puissante si la lumière de la salle n’est pas suffisante. Noter toutes les boiteries observées, dans un registre ou un tableau de bord. Enregistrer un maximum d’informations : sur la truie (numéro de boucle, rang, stade physiologique…), sur la salle (numéro de salle, qualité du sol, humidité du sol, irrégularité dans le sol, type de sol…), ainsi que les informations sur la blessure (le membre, la localisation, la description…). Positionner un tapis en caoutchouc pour les truies qui ont du mal à se lever du fait de la douleur, cela va leur apporter du confort. »