Midiporc et l’Ifip imaginent l’élevage de porcs demain
Un collectif piloté par l’interprofession porcine d’Occitanie a réfléchi à un nouveau concept d’élevage associant le bien-être animal, l’environnement, les attentes sociétales et la sécurité sanitaire, tout en maintenant les performances techniques.
Un collectif piloté par l’interprofession porcine d’Occitanie a réfléchi à un nouveau concept d’élevage associant le bien-être animal, l’environnement, les attentes sociétales et la sécurité sanitaire, tout en maintenant les performances techniques.
En s’inspirant des acquis de la recherche en termes de modèles et techniques, un collectif piloté par Midiporc, Interprofession porcine d’Occitanie, et composé d’acteurs de la filière, d’experts, de consommateurs et de représentant d’association de défense de l’environnement, a imaginé un concept d’élevage pour demain. L’objectif était de trouver le meilleur compromis entre le bien-être animal, l’environnement, les attentes sociétales et les aspects sanitaires tout en maintenant le plus possible les performances techniques des animaux. L’aboutissement de cette réflexion est illustré par un élevage de 220 truies naisseurs-engraisseurs conduit en sept bandes. Globalement, l’ensemble des bâtiments a été imaginé pour offrir des surfaces plus importantes par animal, des zones de vie différenciées et l’accès à des substrats organiques pour satisfaire les comportements d’investigation et de satiété des animaux. Sur la question environnementale, les bâtiments permettent une centralisation et un lavage de l’air afin de réduire les émissions d’ammoniac, d’odeurs et de particules. La gestion des effluents est gérée grâce au lisier flottant ou à un système de raclage en V quand la configuration des bâtiments le permet. Ces deux techniques combinent l’intérêt, de réduire les émissions gazeuses des bâtiments, et de faciliter l’évacuation de matériaux manipulables meubles présents dans chacun des stades physiologiques. La chaîne bâtiment est composée de deux blocs distincts : une partie naissage et post-sevrage et une deuxième partie avec les bâtiments d’engraissement. Des coques de bâtiment sont proposées dans laquelle chaque éleveur peut choisir des options en termes d’aménagements selon ses préférences ou les orientations de son élevage.
Un compromis complexe à déterminer
La prise en compte de toutes ces attentes n’est pas une tâche aisée car elles ne sont pas toutes d’emblée compatibles, certaines allant même jusqu’à s’opposer. C’est le cas des aspects bien-être et environnementaux pour lesquels l’amélioration de l’un peut parfois dégrader l’autre. Pour ne pas prendre le risque de s’arrêter à mi-chemin et de ne satisfaire ni l’un ni l’autre, une priorité a été donnée pour le bien-être en cherchant, dans un deuxième temps, à maintenir les performances environnementales. Concernant la différenciation des élevages, l’expérience montre que plus les surcoûts de production sont élevés, moins il y a un consentement à payer des consommateurs. Pour ne pas scléroser l’exercice de projection sur un élevage de demain, une priorité a été donnée à une différenciation jugée significative. Concernant la prise en compte des attentes sociétales, elle fonctionne de pair avec le niveau d’acceptabilité des modèles d’élevage. L’objectif était donc de franchir les étapes suffisantes et nécessaires pour basculer vers une acceptabilité plus forte de ces modes d’élevages. Enfin, du fait d’une opposition entre la primeur des innovations considérées et les connaissances acquises sur leur fonctionnement et leurs performances, le choix s’est porté sur des innovations pour lesquelles un minimum d’informations étaient disponibles.
Des questions encore en suspens
Des évaluations environnementales de ce modèle d’élevage de demain pour ses différentes configurations ont été réalisées par l’Ifip grâce à de la modélisation en comparaison à deux élevages de référence : un élevage conventionnel actuel et un élevage conventionnel mettant déjà en œuvre des pratiques environnementalement vertueuses. L’évaluation porte sur trois indicateurs : consommation d’énergie, émission d’ammoniac et émission de gaz à effet de serre. Moyennant une bonne appropriation des différentes zones de vie par les porcs, le travail démontre que les aspects bien-être peuvent être conciliés avec l’environnement et que les performances environnementales de l’élevage peuvent être meilleures que celles des élevages actuels ayant déjà des bonnes pratiques. Cependant, ce concept ne doit pas être considéré comme la solution, mais comme une boîte à outils au service des éleveurs et des filières. Ce travail n’est qu’à un stade exploratoire. En effet, faute de connaissances suffisantes à ce stade, des hypothèses de travail (comportement des animaux, appropriation des zones de vie, localisation des déjections selon les lots ou les saisons, consommation réelle des animaux en paille, facteurs d’émissions gazeuses pour les différents types de sol) demandent à être vérifiées dans le cadre d’expérimentations terrain. De plus les surcoûts engendrés à la place sont importants par rapport à un élevage conventionnel : il est d’environ 59 % sur la partie truie, 31 % en post-sevrage et jusqu’à 247 % en engraissement ! Un consentement à payer sera donc déterminant pour envisager un déploiement sur le terrain. Ce projet prospectif apporte de nombreux éléments techniques et quantifiés à la filière et aux éleveurs sous la forme d’une boîte à outils ou d’un catalogue de solutions pour leur permettre d’avancer avec leurs parties prenantes sur la question des élevages de demain. Il reste donc un travail d’appropriation et d’échanges à prévoir autour de ce concept au sein de la filière afin de progressivement lever les principaux freins constatés sur cet élevage de demain.
Avis : Joël Laverdet, éleveur à Mayrac dans le Lot (145 truies naisseurs-engraisseurs)
« Anticiper les évolutions des élevages »
« Je me suis impliqué dans ce projet il y a cinq ans en tant que président du groupement Païso. Je trouvais important d’anticiper les évolutions des élevages porcins et d’évaluer le marché potentiel pour des élevages « améliorés ». J’ai participé au groupe de travail et échangé avec les différents maillons de la filière, mais aussi avec des consommateurs et une association environnementale. Ceci m’a permis de me forger une vision du type d’élevage attendu par les consommateurs et les citoyens. Le modèle d’élevage construit répond aux évolutions réglementaires et aux attentes sociétales. Mais c’est un modèle de production « Premium » dont il reste à développer le marché. Le lycée agricole de Figeac va en construire une version. Dans mon élevage, je me suis appuyé sur ces travaux lors de la restructuration de mon engraissement. J’ai pioché dans la boîte à outils et j’ai installé des racleurs pour récupérer le lisier frais destiné à ma station de méthanisation. L’objectif était aussi de réduire les émissions d’ammoniac. De plus grandes fenêtres laissent entrer un maximum de lumière naturelle, et des panneaux photovoltaïques produisent de l’énergie renouvelable que j’autoconsomme. »