Maîtriser la caudophagie par une approche globale du bien-être du porc
Six ans d’essais menés par Cooperl sur des porcs élevés avec la queue entière démontrent que la maîtrise de la caudophagie nécessite de limiter simultanément tous les facteurs de risque.
Six ans d’essais menés par Cooperl sur des porcs élevés avec la queue entière démontrent que la maîtrise de la caudophagie nécessite de limiter simultanément tous les facteurs de risque.
Après le passage au mâle entier et l’arrêt de la castration qui concernent aujourd’hui 85 % des porcs, le groupement d’éleveurs de la Cooperl a fait de l’arrêt de la caudectomie une de ses priorités en termes d’amélioration du bien-être animal. « Beaucoup de moyens de Recherche et Développement (R & D) ont été mis en œuvre depuis 2014 sur la problématique de la caudophagie, » explique Mélanie Ory, responsable du service bien-être animal du groupement d’éleveurs. « La morsure des queues est la résultante d’un cumul de situations de stress et d’inconfort. D’origine multifactorielle, elle apparaît lorsque le seuil de sensibilité individuel est dépassé. Travailler sur un seul levier d’action ne suffit pas. Il faut agir simultanément sur tous les facteurs de risque selon une approche globale du bien-être animal. » C’est ce que confirment six années d’essais réalisés sur des porcs élevés avec des queues entières au sein de la ferme expérimentale de La Ville Poissin à Hénanbihen, dans les Côtes-d’Armor, et dont les résultats sur 6 884 porcs issus de 16 bandes ont été présentés lors du forum Cooperl sur le bien-être animal, organisé à Châteaugiron en février 2020.
Des morsures plus précoces
La première série d’essais menés entre 2014 et 2018 a testé l’effet d’un seul levier d’action : par exemple un matériau attractif dans la case ou un apaisant dans l’aliment. Le premier constat est que le phénomène de morsures sur des porcelets avec queues entières est plus précoce que lorsqu’il apparaît sur des porcelets dont la queue a été coupée en maternité. « Le cannibalisme démarre souvent dans les 5 à 10 jours qui suivent le sevrage et augmente progressivement jusqu’à atteindre un pic à un mois du sevrage avec une proportion de 100 % des cases touchées. Dans beaucoup de bandes, nous avons constaté une phase de cicatrisation des queues à partir du milieu du post-sevrage. » S’ensuit un rebond des morsures à l’entrée en engraissement en particulier chez ceux qui avaient déjà des lésions en post-sevrage. « Si l’on regarde la proportion d’animaux avec une queue entière ou pratiquement intacte en fin d’engraissement, on constate une forte variabilité entre bandes. Elle atteint parfois 95 % des porcs voire beaucoup moins sur certaines bandes, du fait d’un épisode sanitaire ou de conditions d’ambiance défavorables. Malgré tout, même si la majorité des cases était atteinte, on constatait souvent une grande majorité de porcs avec au moins trois quarts de la queue intacte. »
Agir sur toutes les sources de stress
La deuxième série d’essais réalisée en 2019 a mesuré l’impact d’un cumul de leviers d’actions. L’idée étant de contrecarrer tous les facteurs de risque de morsures en post-sevrage en agissant sur six types de leviers d’actions : l’alimentation, l’enrichissement, la propreté et l’aménagement du logement, la santé et la gestion du stress, la qualité d’ambiance et la compétition pour l’accès aux ressources. La distribution de maïs ensilage et d’aliment dans des augettes Maxitolva a été testée. « Très attractive pour le porcelet, elle l’occupe et limite la compétition aux nourrisseurs. Les matériaux d’enrichissement sous forme de cordelettes fonctionnent aussi très bien en post-sevrage. » Concernant le logement, des tapis en caoutchouc (et parfois des capots) ont été ajoutés dans la zone de confort (posés à l’opposé de l’alimentation, en évitant la zone de déjection). Les mélanges de portées ont été évités. Les porcelets disposaient d’un abreuvement continu et les risques de nourrisseurs vides, source de beaucoup de stress, ont été évités. La ferme expérimentale a également testé la sociabilisation précoce en maternité. « Des essais de superficie ont été réalisés mais il est encore difficile de voir si ce levier a un poids plus important que les autres. » Enfin la réalisation d’un audit de ventilation des salles de post-sevrage et les corrections qui en ont suivi ont permis un pas en avant important dans la maîtrise de la caudophagie.
« Même s’il reste des voies d’amélioration, les résultats sont beaucoup plus favorables avec une part de cases touchées nulle ou inférieure à 25 % », conclut Noémie Ory. Au final, cette approche globale a permis de retarder l’apparition des morsures en post-sevrage. « Convaincu que cette approche est celle à adopter, Cooperl poursuit sa R & D en ferme expérimentale et chez un réseau d’éleveurs. Le déploiement à grande échelle en élevage n’est pas envisageable pour le moment, faute de solution durable. »
Avis d'expert : Mélanie Ory, référente bien-être animal du groupement Cooperl
Une queue intacte, meilleur index synthétique du bien-être
Mélanie Ory, responsable du service bien-être animal du groupement d’éleveurs Cooperl © A. Puybasset
« Un porc ayant une queue intacte en fin d’élevage témoigne que l’animal n’a pas vécu de stress ou de situation d’inconfort trop importants pouvant conduire à des morsures. C’est finalement le meilleur indicateur pour démontrer indirectement que tous les moyens ont été mis en place pour favoriser le bien-être animal. Cet objectif, sorte de Graal, n’en reste pas moins difficile à atteindre car il intègre de nombreux paramètres. »
À retenir
La queue en tire-bouchon est le signe que tout va bien, tandis qu’une queue allongée, plaquée sur l’arrière-train est un indicateur précoce d’un animal mordu ou malade.