L'Ifip prévoit un recul graduel du prix du porc
Le recul du prix du porc en France devrait être modéré cet hiver, après une année 2019 qui a battu tous les records. Dans un contexte de crises sanitaires, l’offre européenne progressera et la demande chinoise s’intensifiera.
Le recul du prix du porc en France devrait être modéré cet hiver, après une année 2019 qui a battu tous les records. Dans un contexte de crises sanitaires, l’offre européenne progressera et la demande chinoise s’intensifiera.
En 2019, le marché du porc avait été marqué par une forte élévation des cours du porc, stimulés par le dynamisme des exportations vers la Chine. Début 2020, l’arrivée de la Covid-19 a perturbé les marchés mondiaux et affecté les niveaux de prix. À cette première crise, s’est additionnée plus récemment celle de la fièvre porcine africaine en Allemagne. Les prévisions anticipent une hausse de l’offre européenne, suivie d’une baisse de l’export début 2021. Ces deux éléments feront reculer les cours du porc en France. Malgré tout, grâce à une demande qui se maintient en fin d’année, le repli hivernal sera progressif. Le prix du porc classe SE (> 55 % taux de muscle) s’établirait à près de 1,46 euro par kilo (€/kg) en moyenne sur le dernier trimestre 2020 (-22 % en un an), aux environs de 1,39 €/kg au premier trimestre 2021 (- 19 % en un an) et autour de 1,52 €/kg au deuxième trimestre 2021 (- 5 % par rapport à 2020). L’hiver 2019/20 a connu une élévation des prix particulièrement inédite, ce qui rend la baisse saisonnière des cours à l’hiver 2020/21 d’autant plus forte.
Progression de l’offre européenne
La production de porcs en Europe devrait augmenter jusqu’au premier semestre de l’année prochaine, d’après les résultats de la dernière enquête cheptel réalisée par les services statistiques de chaque État membre. Au printemps 2020, les effectifs de truies en Europe sont en légère hausse par rapport à l’an dernier (+0,4 %). La conjoncture porcine en 2019 et début 2020, plutôt bénéfique pour les élevages européens, a incité certains éleveurs à produire davantage de porcs. Cependant, la dynamique productive a été ralentie par la crise de la Covid-19 au premier semestre, en raison des difficultés rencontrées dans de nombreux outils d’abattage-découpe en Europe. Le nombre de porcs abattus dans la zone intracommunautaire a chuté de -1,6 % au premier semestre 2020 par rapport à 2019. En Allemagne, les retards d’enlèvement des porcs causés par la crise de la Covid-19 ne sont pas encore résolus, et la résorption de ce stock sur pieds s’étendra jusqu’au début de l’année 2021. L’alourdissement des porcs charcutiers en Europe sera alors important et la hausse de l’offre va s’amplifier. La croissance espagnole se maintiendra à des niveaux élevés. En revanche, la fièvre porcine africaine en Allemagne pèsera sur le développement de la production dans les pays du Nord. Les effets de cette crise s’illustreront au-delà du premier semestre 2021. En France, la production indigène brute exprimée en nombre de têtes progressera début 2021. Les services statistiques français envisagent une hausse de 1,4 % au premier semestre 2021 par rapport à 2020.
Regain de l’export fin 2020 avant un léger repli en 2021
Les exportations européennes vers les marchés tiers continueront de progresser jusqu’à la fin de l’année. La Chine devrait importer davantage dans les prochains mois, en préparation du nouvel an chinois. La demande des importateurs mondiaux en produits d’origine européenne est actuellement intense. Mais face à l’imposante concurrence internationale, ce dynamisme devrait s’affaiblir en 2021. Les prévisions de croissance aux États-Unis et au Brésil indiquent une hausse des disponibilités à l’export dans les prochains mois, dans un contexte monétaire et de prix plus avantageux pour les viandes du bassin américain qu’en Europe. Par ailleurs, l’embargo de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud sur les produits allemands sera partiellement compensé par les exportations espagnoles, danoises, néerlandaises ou encore françaises. Les flux intra-européens seront réorientés et permettront au marché européen de retrouver un certain équilibre face à l’excédent d’offre allemande. L’export compensera en partie le recul de la demande intérieure liée à la crise de la Covid-19. Durant la première période de confinement, la perte des débouchés hors domicile n’a pas été couverte par le développement de la consommation à domicile. Les nouvelles restrictions sanitaires qui se mettent en place progressivement dans les pays européens impacteront à nouveau les niveaux et habitudes de consommation.
L’objectif des prévisions est de fournir la meilleure estimation possible des conditions de marché jusqu’à la fin du premier semestre 2021. Elles restent dépendantes de la gestion du coronavirus et de la fièvre porcine africaine en Europe. Ces crises sanitaires sont actuellement les déterminants majeurs du marché et sont sources de nombreuses incertitudes qui pourraient perturber davantage les activités dans la filière et impacter les cours.
Hausse attendue du prix de l’aliment
Dans un contexte de volatilité des prix des céréales et des différents tourteaux, les prix de l’aliment pour porc charcutier pourraient renchérir dans les prochains mois pour atteindre 258 euros par tonne à la fin du premier trimestre 2021, le plus haut niveau atteint depuis l’été 2014. En effet, la forte demande internationale en matières premières, et particulièrement les importants besoins chinois, couplée à la faible récolte française de 2020 et à des inquiétudes climatiques dans des bassins de production de premier plan (Brésil, Russie, États-Unis) ont poussé le prix des matières premières à la hausse dès le mois de septembre. L’augmentation du coût matière de l’aliment pourrait se poursuivre dans les mois à venir. Toutefois, la conjoncture porcine n’étant pas aussi favorable qu’en 2019, la demande en aliment pour porc charcutier pourrait être un peu moins dynamique. Cela contribuerait à atténuer légèrement l’augmentation du prix de l’aliment. Une détente des prix pourrait ensuite intervenir au second trimestre 2021 avec l’arrivée de la récolte brésilienne de soja et à l’approche des récoltes 2021 de l’hémisphère nord, sauf accidents climatiques majeurs d’ici là.
Manon Sailley