Forum Evel’up
Les clés pour bien transmettre son exploitation porcine
Evel’Up a organisé, fin juin, une journée d’information sur le thème de la cession d’activité à un tiers au moment de son départ en retraite, avec plusieurs témoignages d’expériences réussies.
Evel’Up a organisé, fin juin, une journée d’information sur le thème de la cession d’activité à un tiers au moment de son départ en retraite, avec plusieurs témoignages d’expériences réussies.
Sur les 150 éleveurs du groupement devant partir en retraite dans les cinq prochaines années, environ la moitié était présente à la réunion d’information organisée par Evel’Up, le 28 juin à Carhaix. Un sujet majeur pour le second groupement de producteurs de France et, au-delà, pour l’ensemble de la profession, quand aucuns des enfants et des salariés ne veulent reprendre l’exploitation. Car on transmet plus difficilement aujourd’hui son entreprise porcine qu’il y a 20 ans. Le contexte a changé : il y a actuellement 180 élevages à vendre en Bretagne et seulement 80 repreneurs en face. L’an passé, 38 se sont installés en production porcine principale (7 % des installations aidées recensées par les chambres d’agriculture de Bretagne). À l’instar du vendeur d’un bien immobilier, le cédant d’une exploitation porcine doit donc proposer à la vente un outil dans lequel le candidat peut se projeter. Mais pas seulement. Il lui faut avoir plusieurs éléments clé dans le montage de son dossier.
Anticiper la cession longtemps à l’avance
Tout d’abord, la première chose à faire pour tous ceux qui préparent leur départ en retraite, c’est d’anticiper la cession suffisamment longtemps à l’avance. Idéalement en y travaillant cinq ans avant son départ pour avoir le temps de tout mettre à plat sur le plan fiscal – il est utile pour ne pas dire indispensable de se rapprocher de conseillers en gestion –, et en matière de foncier. « Sinon, c’est une cession subie alors que la vente est une procédure complexe », souligne Alain Coignard (Cogédis), notamment en matière fiscale, foncière, réglementaire, etc. " Il y a cinq étapes à respecter, poursuit le conseiller, la réflexion (qui reprend ? Les enfants ? Un tiers ?) ; le diagnostic de l’entreprise ; l’évaluation (l’objectif de vente) ; la simulation (quel capital restera-t-il après la vente des parts sociales de la société ?) ; la transmission ". Il faut avoir en tête qu’il faut entre huit et dix-huit mois pour trouver un acquéreur et formaliser la vente.
Comment réussir sa transaction ? Il y a évidemment des règles à respecter, explique Jean-Michel Le Priol, négociateur au sein de Quatuor Transactions, courtier en exploitations agricoles dans tout l’Ouest de la France. « Donner envie d’acheter son entreprise porcine, d’avoir une bonne organisation des bâtiments, une bonne gestion de la main-d’œuvre, des contrats de production et de commercialisation et les meilleurs résultats techniques possibles », explique-t-il. Intégrer dans la vente la maison d’habitation est forcément un plus pour le repreneur. Le foncier est un élément clé dans une cession. Vendre une exploitation dont les terres sont en location signifie que le repreneur devra établir un nouveau bail en location. Ce qui n’est pas forcément garanti. Il peut donc être envisagé de racheter une partie de ses terres avant la mise en vente de son exploitation. Attention également à la durée du bail. Un bail rural de 25 ans ne comprend pas de tacite reconduction, contrairement aux baux d’une durée inférieure.
Tenir compte de la vétusté des bâtiments
Pour Jean-Michel Le Priol, le timing de la vente est essentiel. « Trop tôt, c’est s’exposer à l’usure. Trop tard, c’est se mettre en situation d’urgence. Lors de la négociation, évitez les tensions et ne jugez pas le projet de l’acquéreur. La négociation serait alors déséquilibrée. » En conclusion, le négociateur de Quatuor Transactions recommande d’avoir un prix cohérent avec le marché, de savoir communiquer, de retenir le bon candidat et d’être bien accompagné. Mais il faut reconnaître qu’après plusieurs années de pain noir dans la production porcine, les candidats à la reprise ne sont plus aussi nombreux qu’autrefois. Il ne sera donc pas fréquent d’avoir plusieurs propositions. Pour aider à l’évaluation la plus fine possible de son élevage, le futur vendeur peut s’adresser au service construction et innovations de son groupement. "Les sept conseillers d’Evel’up appliquent une méthode fine et largement éprouvée qui a été développée en 2011", explique Mickaël Launay, responsable du service construction et innovation du groupement. Il explique que dans cette méthode, on part du prix neuf auquel on applique un coefficient de vétusté – qui se fonde sur l’âge du bâtiment – et un coefficient d’usage pour tenir compte de l’entretien, du vieillissement réel du bâtiment. Exemple, l’évaluation d’un bâtiment d’engraissement de 1 200 places. Il part du coût de construction dudit bâtiment en 1993, à 227 euros la place, soit un coût total de 272 400 euros – la même place coûte, en 2019, 400 euros, soit un coût total de 480 000 euros. Au bout de 25 ans, la valeur du bâtiment se situe à 130 000 euros, soit 108 euros la place en lui appliquant le coefficient de vétusté). Ce coefficient repose sur la perte de valeur annuelle. Il prend également en compte la durée de vie potentielle du bâtiment, indépendamment de la durée de l’amortissement.
L’application du coefficient d’usage s’appuie, lui, sur « l’entretien, la propreté, la fonctionnalité », souligne l’expert en bâtiment. Ce qui, de fait, permet de valoriser les bâtiments bien entretenus et, à l’inverse, de dévaloriser les bâtiments peu entretenus et insuffisamment fonctionnels. Dans l’exemple, l’évaluation du bâtiment de 1 200 places donne, après application du coefficient d’usage, une valeur de 91 000 euros (76 euros la place). La valeur patrimoniale, elle, se situe entre les deux (109 200 euros). « Tous les conseilles d’Evel’Up appliquent aujourd’hui cette méthode, précise Mickaël Launay. L’ensemble des bâtiments sont regardés, y compris les bâtiments désaffectés, souvent construits avec de l’amiante dont le démantèlement reste à la charge du vendeur, ou s’inscrit en moins-value si le bâtiment est vendu en l’état. » Sans oublier que l’évaluation prend aussi en compte l’environnement immédiat de l’exploitation : la situation géographique des riverains, la géographie routière et la possibilité ou non de s’agrandir.
Jo et Martine Guivarc’h ont préparé leur cession longtemps à l’avance
Ces anciens éleveurs de Plougar, dans le Finistère, ont cédé en 2018 leur exploitation de 480 truies naisseur engraisseur à un jeune qui requiert l’anonymat. « Nous réfléchissions à la cession depuis dix ans », explique Martine Guivarc’h. Le couple avait réalisé une étude patrimoniale et économique. Et se sentait prêt à transmettre leur entreprise. « Un départ en retraite, c’est comme un projet d’entreprise, il faut qu’il soit mature », dit Jo. Lorsqu’en 2016, le jeune se porte candidat à la reprise de leur exploitation, les Guivarc’h prennent bien en compte sa demande. Mais sans lui donner de réponse. Il leur faut d’abord sonder leurs enfants et les trois salariés, considérés comme « prioritaires ». Aucun d’entre eux n’étant intéressé, c’est le dossier du jeune, seul candidat à la reprise, qui tient la corde. « Il a réalisé une étude économique sur notre exploitation. Les résultats convergeaient avec la nôtre », ajoute Martine. Restait à s’entendre sur le prix. « En réalité, dans toutes nos discussions, le prix n’est arrivé sur la table que tardivement, dit le jeune. Nous avons d’abord instauré de la confiance dans nos relations. » Les cédants auraient pu lever le pied sur les investissements, sitôt les négociations engagées avec le repreneur. Il n’en a rien été. En 2017, le couple investit 200 000 euros dans l’automatisation de la FAF et l’installation d’un silo tour. « Une entreprise qui n’investit plus, décline », résume Jo. Dans cette transaction, ajoute-t-il, « notre premier souci a toujours été la pérennité de l’entreprise et de ses salariés ». Les Guivarc’h ne sont pas loin de leur ancien site d’exploitation. Jo donne volontiers un coup de main, quand le jeune en a besoin.
F.J.
Frédéric Bellec, l’ancien salarié repreneur d’une exploitation de 700 truies
À Plouvorn, dans le Finistère, François Palut a vite cerné, parmi ses huit salariés, tout le potentiel du jeune Frédéric Bellec, entré en 2007 comme salarié sur son exploitation de 700 truies (4 600 places d’engraissement + 30 % d’engraissement en façonnage extérieur), possédant une FAF intégrale produisant 7 000 tonnes d’aliments par an. Il avait alors 21 ans et rêvait de s’installer. Préparant sa retraite depuis le milieu des années 2000, François Palut propose au jeune, en 2012, de prendre la suite. Frédéric se déclare intéressé. L’opération va mettre trois ans à se concrétiser. Trois années durant lesquelles les deux hommes vont fréquemment échanger sur l’entreprise. Ils ne parlent que tardivement du prix de vente. Le prix (montant non renseigné) aurait pu constituer un obstacle pour un jeune éleveur ne disposant pas des 20 % d’apport personnel habituellement réclamé par les banques pour financer l’acquisition de cette exploitation de taille importante. Preuve de la confiance régnant entre les deux hommes, le vendeur va proposer un crédit vendeur au repreneur correspondant à 10 % du montant de la transaction remboursable en dix ans à 2 % d’intérêt avec une première année en franchise. Evel’Up va financer les 10 % restants. Cet apport de capital extérieur va être décisif pour convaincre le Crédit agricole de financer l’opération en 2015.
F.J.
Guy Diridollou a modernisé son exploitation avant de s’associer
À Bourbriac, dans les Côtes-d’Armor, Guy Diridollou a su investir en seconde partie de carrière pour faire de son élevage un outil plus facilement transmissible. Il avait la cinquantaine passée quand lui et son épouse ont pris cette décision. La raison ? « Un pépin sanitaire survenu en 2014 qui remettait en cause le statut de notre élevage en multiplication », explique l’éleveur, 57 ans aujourd’hui. Les seuils en nombre d’animaux venant juste d’être relevés, lui et son épouse ont fait le choix de développer leur production. Leur idée, c’était de rapatrier à Bourbriac les places d’engraissement qu’ils avaient en façonnage, et d’augmenter le nombre de truies. Ils voulaient également créer une FAF partielle sur la ferme. Au total, le couple Diridollou va engager dans l’opération pas loin de 1 million d’euros pour « rénover tout l’engraissement, effectuer des travaux en post-sevrage et agrandir le bloc maternité », explique Guy Diridollou. Leur élevage compte désormais 210 truies contre 180 auparavant et 1 600 places d’engraissement, soit près du double d’avant 2014. L’élevage dispose en outre de deux silos tours pour stocker blé et maïs pour la FAF – l’exploitation possède 130 hectares. N’ayant pas prévu de vendre leur exploitation tout de suite – Guy prévoit de partir en retraite d’ici « cinq ou six ans » – leur exploitation a fini par intéresser… leur gendre de 32 ans. Du coup, l’EARL s’est transformée en Gaec pour accueillir le nouvel associé qui devrait succéder à ses beaux-parents. « Notre élevage produit de bons résultats techniques. C’est la preuve qu’il faut constamment remettre à niveau ses bâtiments pour rester compétitif. Sinon, à la revente, impossible d’intéresser un repreneur. »
F.J.