Les abattoirs bretons en catégorie poids lourd
L’aval de la filière porcine bretonne est à l’image de son amont : dense et dominant en France. La région recense ainsi les plus gros abattoirs nationaux.
Poids lourd de la production nationale de porc, la Bretagne possède un secteur de l’abattage dimensionné en conséquence.
En 2023, 13,1 millions de porcs ont été abattus dans cette région soit 1,2 million de tonnes équivalent carcasse. Cela représente 60 % des abattages nationaux. Ces volumes sont légèrement supérieurs à la production régionale. La Draaf estime qu’en 2021 12 % des porcs charcutiers abattus en Bretagne ont été engraissés dans d’autres régions. À l’inverse, 9 % des porcs engraissés en Bretagne ont été abattus ailleurs. Les flux d’animaux entre la Bretagne et le reste de la France demeurent donc relativement limités.
105 kilomètres entre l’élevage et l’abattoir
Une observation de la carte régionale des abattoirs fait ressortir que ceux-ci couvrent globalement bien l’ensemble du territoire, même si la majorité d’entre eux sont implantés dans l’est de la région. On peut aussi remarquer que le nord du Finistère ne possède pas d’outils. Il s’agit pourtant d’un important bassin d’élevage porcin.
Depuis la fermeture de Gad à Lampaul-Guimillau en 2013, les porcs de ce secteur doivent parcourir une distance plus importante pour être abattus. La Draaf a calculé que les porcs bretons parcourent en moyenne 105 kilomètres à vol d’oiseau entre leur lieu d’élevage et l’abattoir. Cette distance modérée est permise par la forte densité de l’élevage qui nourrit un maillage serré de l’ensemble des acteurs de la filière.
Les plus grands abattoirs de France
On peut distinguer deux types d’abattoirs. Ceux de petites tailles sont généralement multi-espèces. La majorité d’entre eux ont un statut public, ils appartiennent typiquement à une communauté de communes. On retrouve dans cette catégorie les abattoirs du Trégor (Côtes-d’Armor) et de Lesneven (Finistère) par exemple. Certains sont privés, comme Quintin Viandes (Côtes-d’Armor). Les volumes de porcs qu’ils traitent sont très faibles à l’échelle régionale. Mais leur activité est essentiellement tournée vers la vente directe et les boucheries. L’essentiel des abattages bretons est réalisé par des gros abattoirs, la plupart spécialisés en porc. Les onze plus gros d’entre eux, recensés dans le graphique ci-contre, assurent 99 % des volumes régionaux. Sur les dix plus gros abattoirs français, neuf sont bretons. Seul le site de Socopa à Évron (Mayenne) vient s’immiscer dans ce classement. La palme revient au site de la Cooperl à Lamballe (Côtes-d’Armor) qui est le seul en France à dépasser les 2 millions de porcs abattus. C’est cependant loin d’être une exception à l’échelle européenne puisqu’une trentaine de sites atteignent ou dépassent ce niveau d’activité. Le record est détenu par l’allemand Tönnies qui abat 15 millions de porcs par an sur son usine de Rheda-Wiedenbrück ! Suivent ensuite en Bretagne six abattoirs traitant entre 1 et 2 millions de porcs. Parmi les sites de moindre taille, on peut citer la Société briécoise d’abattage (SBA dans le Finistère) qui est spécialisée dans l’abattage de coches.
La grande distribution réalise le tiers des abattages
Avec ses deux gros sites de Lamballe (Côtes-d’Armor) et Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine), la coopérative Cooperl domine donc les abattages régionaux de porcs, effectuant 28 % du total. Bigard suit avec 21 % des porcs bretons abattus. Sa reprise d’Abera en 2022 lui a permis de se rapprocher de la coopérative costarmoricaine.
La filière porcine bretonne se caractérise par la présence de deux acteurs de la grande distribution. Intermarché, par le biais de sa filiale Agromousquetaires, et Leclerc, avec Kermené, abattent 4,4 millions de porcs à eux deux en 2023, soit le tiers des volumes régionaux. Enfin, le groupe privé Jean Floc’h est aussi un pilier de l’aval breton. La Draaf a réalisé des estimations de taux d’utilisation des chaînes d’abattage à l’échelle de la région. Les outils porcins sont ceux ayant le moins de surcapacités d’abattage comparé aux autres espèces. Le taux de saturation des abattoirs ressort à 80 % en 2022. En 2015, il était de 85 %. La récente baisse des volumes de production explique ce recul. En 2023, la Bretagne a abattu 880 000 porcs de moins qu’en 2021. Cela équivaut donc à un abattoir de taille moyenne comme celui de Socopa Châteauneuf-du-faou (Finistère) ou de Loudéac Viandes (Côtes-d’Armor). La contraction des cheptels fait donc peser une menace de restructuration de certains outils. La Bretagne n’est pas touchée pour l’instant, mais d’autres régions y sont déjà confrontées.
Arnaud Haye, arnaud.haye@bretagne.chambagri.fr
La charcuterie salaison sous-représentée
D’après les dernières statistiques disponibles, la Bretagne a produit 330 000 tonnes de charcuterie en 2019. Il s’agit du tiers de la production nationale de charcuterie salaison à base de porc. Les usines bretonnes sont très orientées vers la fabrication de jambons cuits. Avec 100 000 tonnes, ils représentent le tiers des volumes de charcuterie. À l’inverse, la fabrication de saucisses sèches et saucissons est moins développée qu’ailleurs en France. Le positionnement régional est plutôt sur l’entrée de gamme : le prix de vente moyen de ces produits est 20 % inférieur au niveau national. Parmi les groupes détenant des sites de charcuterie salaisonnerie, on retrouve les cinq principaux abatteurs régionaux. L’entreprise Hénaff, célèbre pour son pâté, est aussi un acteur historique du secteur. Les autres usines appartiennent à des entreprises variées. On peut citer Stalaven, une filiale du groupe coopératif Euralis, Agrial qui détient deux sites ou encore le groupe Popy, spécialiste de l’andouille et de l’andouillette. À noter que récemment, le groupe Fleury Michon a fermé son site industriel de charcuteries cuisinées à Plélan-le-Grand en Ille-et-Vilaine.
Une filière, deux modèles
La filière porcine bretonne se caractérise par deux modèles différents d’organisation. D’un côté, le groupe coopératif Cooperl a opté pour une stratégie d’intégration de l’ensemble des maillons de la filière. L’entreprise possède ses propres usines de fabrication d’aliment, son groupement de producteurs, ses usines d’abattage et de transformation et a même ouvert des points de vente de proximité : boucheries traditionnelles, magasins à la ferme, magasins d’usine. À l’inverse, les autres groupes ont opté pour rester des spécialistes de l’aval. Ils travaillent donc avec des groupements de producteurs indépendants pour l’approvisionnement de leurs abattoirs. Ces deux modèles, issus de l’histoire et basés sur des philosophies différentes, marquent de leur empreinte la filière porcine bretonne.