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Le tuilage pour transmettre en confiance

Une période de travail commun entre le cédant et le repreneur est possible afin de débuter dans les meilleures conditions. Car les premiers mois qui suivent la reprise d’une exploitation sont décisifs dans une carrière.

Pierre Le Bris, le cédant, et Adrien Hemon, le repreneur "Le tuilage a permis un passage de relais serein."
© E. Bordon

Adrien Hemon, originaire de Plobannalec dans le Finistère, ne se voyait pas s’installer sur l’exploitation de Pierre Le Bris, son voisin. Il imaginait plutôt la reprendre plus tard, après s’être associé avec ses parents, et fusionner les deux élevages à terme. Mais les circonstances ont bousculé ses plans, pour sa plus grande satisfaction au final. Titulaire d’un bac pro, d’un BTS Acse et d’un CS porc, Adrien a commencé par travailler comme salarié responsable d’élevage pendant cinq ans. Son projet était de s’installer sur l’exploitation familiale, en association avec ses parents. Parallèlement, Pierre, dont les enfants ne désiraient pas prendre la suite, se préoccupait de la transmission de son entreprise. Mais tout s’est accéléré lorsqu’il a appris qu’il pourrait faire valoir ses droits à la retraite à 60 ans et non pas à 62, comme il le croyait.

Au début de l’année 2016, Dominique Amiaut, responsable de projet chez Porc Armor Evolution, a organisé une rencontre autour du projet d’installation d’Adrien. Il a ainsi réuni ses parents, son frère, mais aussi le technicien d’élevage du secteur, les techniciens environnement et bâtiment, le commercial du groupement, ainsi qu’un responsable installation du CER. Il est rapidement apparu qu’il serait plus rentable pour Adrien de s’installer seul avec 140 truies plutôt que chez ses parents avec 70. C’est ainsi qu’est né le projet de reprendre l’élevage de Pierre.

Transparence et confiance

« Pour que la transmission se passe bien, il faut une certaine transparence entre cédant et repreneur », prévient Dominique Amiaut. Pour Adrien et Pierre, l’exercice de la transparence a commencé en fixant le prix de l’exploitation. Sa valeur a en effet été évaluée dès le début de la démarche de reprise en 2015, et elle n’a pas changé jusqu’au jour de l’installation d’Adrien, le 1er juin 2017. « Fixer le prix de reprise en tout premier lieu a beaucoup allégé les esprits », expliquent-ils. « On a commencé par le bon bout. » De fait, cela a permis à Adrien de faire tranquillement son parcours d’installation et, au cours de cette période qui a duré 18 mois, chacun est resté serein. « Pierre me tenait au courant et me demandait ce que je voulais qu’il fasse », rapporte-t-il. Le passage de relais a donc commencé bien en amont. Technico-commercial chez Porc Armor Evolution, Yannick Raguenes se dit d’ailleurs « impressionné par la transparence et la confiance qu’il a observées entre les deux hommes ». C’est dans ce contexte que la chambre d’agriculture a proposé un tuilage. Cette démarche permet au repreneur d’être accompagné dans sa prise en mains de l’exploitation par celui qui la connaît le mieux. « Il faut connaître l’installation, l’emplacement des compteurs électriques, des tuyaux qui acheminent le lisier…", explique Adrien. "Le tuilage permet de gagner du temps. » Et pour lui, c’est également le moyen d’apprendre, avec celui qui l’a mise en place, ce qui fonctionne dans l’exploitation. « Ce n’est pas normal de laisser quelqu’un se débrouiller seul », acquiesce Pierre, pour qui il était important de mettre Adrien « dans les meilleures conditions ».

Concrètement, si Adrien a travaillé à plein-temps pendant la période de tuilage, il l’a aussi mise à profit pour participer à des formations et à des réunions du groupe de progrès auquel il a adhéré. Ces quelques mois ont aussi été consacrés à réaliser des travaux sur l’exploitation, ainsi qu’à mettre en place l’automatisation de certaines tâches. Pour les décisions de ce type, Pierre a laissé carte blanche à Adrien, tout en l’aidant au quotidien.

Envisager l’avenir sans pression

Pierre a officiellement pris sa retraite le 1er juin dernier. À 28 ans, Adrien se trouve donc aujourd’hui à la tête d’un élevage de 140 truies naisseur-engraisseur, avec une FAF qui couvre 70 % des besoins. Il envisage l’avenir « sans pression ». Au départ en retraite de ses parents, il prévoit de reprendre l’exploitation, peut-être avec son frère et un salarié, et de fusionner les deux élevages, pour un objectif de 300 truies et 3 UTH. Il vise aussi une plus grande autonomie protéique, par l’introduction de féverole dans la ration et vient de signer un contrat avec une usine de transformation de produits laitiers pour récupérer du babeurre. Il veut suivre l’exemple de ses parents qui, « tout au long de leur carrière, n’ont pas hésité à innover ».

Le groupement pour un accompagnement au long cours

Le rôle du groupement dans la démarche d’installation et de transmission est multiple. Il met le futur installé en relation avec des cédants si besoin et accompagne ces derniers dans la planification de leur fin de carrière. Il consiste surtout à mettre les acteurs d’un projet autour de la table, conjointement avec le centre de gestion, et à évoquer tous les scénarios possibles. Deux ou trois de ces scénarios sont poussés au bout économiquement et leur viabilité est mise à l’épreuve. « Chaque éleveur a un type d’exploitation qui lui convient, c’est pourquoi il ne doit pas y avoir de modèle unique », explique Yannick Raguenes. « Dans notre démarche de conseil, notre rôle consiste certes à respecter le choix des éleveurs, mais aussi à les « bousculer » un peu pour les amener à s’interroger et trouver ce qui leur conviendra le mieux à long terme. » Le groupement sert aussi de relais avec les banques. Il aide le repreneur à monter son dossier et à obtenir toutes les aides auxquelles il peut prétendre. Il l’accompagne enfin pour prévoir l’évolution à long terme de son élevage, pour son bâtiment, les aspects sanitaires et environnementaux, la main-d’œuvre, etc.

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