La méthanisation valorise mieux les déjections solides
Les fécès issues d’un raclage en V ont un potentiel méthanogène plus élevé que du lisier. Leur méthanisation limite aussi les émissions de gaz à effet de serre.
Les fécès issues d’un raclage en V ont un potentiel méthanogène plus élevé que du lisier. Leur méthanisation limite aussi les émissions de gaz à effet de serre.
Mis en test au milieu des années 2000 par la chambre d’agriculture de Bretagne, le raclage en V s’est avéré intéressant pour améliorer l’ambiance dans les porcheries et réduire de 40 % les émissions d’ammoniac dans l’air. Il est apparu par la suite que les déjections ainsi extraites présentent un potentiel méthanogène plus élevé que les lisiers sortant des préfosses. Selon les circonstances, du fait des fermentations qui se développent spontanément dans les lisiers, ces derniers peuvent en effet avoir déjà perdu de 20 à 60 % du potentiel initial avant de pouvoir être utilisés pour alimenter un digesteur.
Moins de gaz à effet de serre pour des fécès méthanisés
Les travaux entrepris plus récemment, et qui ont fait l’objet d’une présentation aux Journées de la recherche porcine en février 2019 (1), ont démontré qu’une filière « raclage + méthanisation » permet de réduire les émissions d’ammoniac dans l’air, et donc de mieux conserver l’azote disponible pour les plantes, par rapport à une filière « raclage + compostage ». La filière « raclage + méthanisation » comprend une phase de méthanisation des déjections solides et liquides issues du raclage en V avant stockage en fosse couverte. Les pertes d’azote sont de 0,84 kg par porc, mais elles pourraient être réduites à environ 0,7 ou 0,65 kg par porc en pratiquant un transfert plus rapide des déjections dans l’unité de méthanisation. Les émissions de GES sont évaluées à 43 kg équivalent CO2 par porc.
En comparaison, la filière "raclage + compostage" présente des pertes d’azote de 1,52 kg par porc, dont 0,8 kg au cours du compostage, faisant ainsi perdre le bénéfice des moindres pertes au niveau du bâtiment en comparaison avec du lisier stocké. L’azote restant dans le compost se retrouve sous des formes stables et aura pour les cultures une efficacité limitée à court terme. Plus grave, une fraction significative des pertes est émise sous forme de protoxyde d’azote, gaz à pouvoir réchauffant très élevé (298 fois celle du CO2). Au global, cette filière présente un mauvais score en termes d’émission de gaz à effet de serre (GES, 161 kg équivalent CO2 par porc), plus élevé que la filière « raclage + méthanisation ».
L’azote du digestat est bien utilisé par les plantes
Si la filière "raclage + méthanisation" ne permet pas de résoudre les problèmes d’excédent de fertilisant rencontrés dans certains élevages, elle apparaît performante au plan agronomique pour fertiliser les cultures. Les essais conduits sur maïs durant deux années avec le digestat rapidement enfouis dans le sol après épandage ont fait ressortir un coefficient apparent d’utilisation de l’azote du digestat élevé (0,61), supérieur à celui du lisier standard (0,29). Avec un coefficient d’équivalence azote de 1,04, le digestat s’est ainsi montré aussi efficace que l’engrais minéral (ammonitrate).
« Une alternative au compostage »
Voilà déjà six ans que Jacques Guillouzic, éleveur à Bignan, dans le Morbihan, a équipé un bâtiment d’engraissement de 1 200 places d’un système de raclage en V. Depuis deux ans, la fraction solide est reprise par la société de méthanisation Liger située à 12 km. Cette unité de méthanisation territoriale (cogénération et biométhane) amène chaque semaine un caisson vide et reprend le caisson plein de déjections solides, soit un total d’environ 600 tonnes par an. « Pour moi, c’est bien plus simple qu’avant quand je devais les composter, témoigne-t-il. C’était du travail pénible, des nuisances (odeurs, mouches) et au final le compost trouvait difficilement preneur, parfois je devais même payer pour le faire reprendre. Étant dans l’obligation d’exporter hors de la zone d’excédent structurel ces matières riches en azote et phosphore, le transfert vers une unité de méthanisation des crottes fraîches constitue une alternative intéressante malgré son coût, et en plus ça permet de produire de l’énergie renouvelable. » Au total les charges de location de benne et de transport s’élèvent à un peu moins de 10 euros par porc produit.
« 57 % de l’azote est évacué »
À la SCEA Haute Houssais à Saint Maden, en Côtes-d’Armor, les 900 tonnes de fécès de porcs produits chaque année sont valorisées par deux unités de méthanisation agricoles voisines de l’exploitation. Tous les mois, en alternance, elles utilisent la production du mois précédent accumulée dans une fumière couverte. Laurent Dartois, le gérant de l’exploitation, précise que les 1 920 places d’engraissement de l’élevage construites en 2017 sont équipées d’un système de raclage en V. Dans un couloir latéral fermé, un racleur à chaîne récupère la matière extraite des salles huit fois par jour et l’amène dans la fumière. Sa teneur élevée en matière sèche lui permet de tenir en tas. Cette matière est cédée gratuitement, à charge aux unités de méthanisation de la transporter et de la valoriser. Selon les normes, 57 % de l’azote et 90 % du phosphore des effluents sont ainsi évacués, ce qui réduit d’autant le besoin d’épandage pour l’élevage. Quant à la fraction liquide, elle est stockée en fosse couverte.
« Une matière facile à méthaniser »
David Garoche gère l’unité de méthanisation collective agricole Andelec à Andel, dans les Côtes-d’Armor, (310 kW en cogénération) qui utilise la fraction solide de l’élevage de Laurent Dartois depuis deux ans. Compte tenu de la distance (40 km), le transport se fait par camion. Apportée en mélange avec les autres intrants solides (fumiers, ensilage, résidus de céréales et de pommes de terre…), son utilisation ne présente pas de difficulté. Une analyse réalisée en 2018 sur un produit un peu trop humide (22 % de matière sèche) indiquait un potentiel de 58 m3 de méthane par tonne de produit brut. C’est presque aussi élevé qu’un ensilage d’herbe. « Contrairement aux fumiers qui ont tendance à chauffer et à composter en tas, cette matière à l’avantage de peu évoluer. Par contre, sa manipulation produit des odeurs assez fortes. » Il faut également tenir compte des concentrations élevées en azote et en phosphore qui enrichissent le digestat en éléments fertilisants et accroissent donc les besoins en surface d’épandage. « Dans notre installation, précise David Garoche, le digestat fait l’objet d’une séparation de phase par centrifugation. » Le taux de capture du phosphore est 65 %. La fraction solide est ensuite compostée et transformée en produit normalisé NF U-44051 qui est exportée. « Cela nous permet de maîtriser les flux de fertilisants restant sur notre plan d’épandage local. »